Lorenzaccio
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
Lorenzaccio fut interprété pour la première fois en 1896 par la légendaire Sarah Bernhardt. Par la suite, le rôle fut toujours confié à une femme, et il fallut attendre la mise en scène de Jean Vilar en 1952 pour qu'il soit interprété par un homme en la personne de Gérard Philipe...
«
Composés à l'origine
pour la lecture, les
trente-neuf tableaux
de
Lorenzaccio n'ont
jamais été joués
intégralement.
Ils
exigeraient en effet
une trentaine de
décors.
EXTRAITS
Lorenzo, entremetteur du duc
LE DUC.
-Qu'elle se fasse attendre encore
un quart d'heure,
et je m'en vais.
Il fait un
froid de tous les diables.
LORENZO.
- Patience, Altesse, patience.
LE DUC.
-Elle devait sortir de chez sa mère
à minuit; il est minuit, et elle ne vient pour
tant pas.
LORENZO.
-Si elle ne vient pas, dites que je
suis un sot, et que la vieille mère est une
honnête femme.
LE DUC.
-Entrailles du pape ! avec tout cela
je suis volé d'un millier de ducats !
LORENZO.
-Nous n'avons avancé que moi
tié.
Je réponds de la petite.
Deux grands
yeux languissants, cela ne trompe pas.
Quoi
de plus curieux
pour le connaisseur que la
débauche
à la mamelle ? Voir dans un en
fant de quinze ans la rouée à venir ; étudier,
ensemencer, infiltrer paternellement le filon
mystérieux du vice dans un conseil d'ami,
dans une caresse
au menton -tout dire et ne
rien dire, selon le caractère des parents -
habituer doucement l'imagination qui se
dé
veloppe à donner des corps à ses fantômes,
à toucher ce qui l'effraye, à mépriser ce qui
la protège ! Cela va plus vite qu'on ne
pense ; le vrai mérite est de frapper juste.
Et
quel trésor que celle-ci ! tout ce qui peut
faire passer une nuit délicieuse à Votre
Altesse!
Acte 1, scène 1
Lorenzo avoue à Philippe Strozzi,
rival
d'Alexandre, son intention
de tuer ce dernier
LORENZO.
-Tel que tu me vois, Philippe,j' ai
été honnête.
( ...
)J'ai versé plus de larmes
sur la pauvre Italie, que Niobé sur ses filles.
PHILIPPE.
- Eh bien, Lorenzo ?
LORENZO.
-Ma jeunesse a été pure comme
l'or.
Pendant vingt ans de silence, la foudre
s'est amoncelée dans ma poitrine ; et il faut
que je sois réellement une étincelle de ton- nerre,
car tout à coup, une certaine nuit que
j'étais assis dans les ruines du Colisée
antique, je ne sais pourquoi je me levai ; (.
..
)
et je jurai qu'un des tyrans de ma patrie
mourrait de ma main.
J'étais un étudiant
paisible,
et je ne m'occupais alors que des
arts
et des sciences, et il m'est impossible de
dire comment cet étrange serment
s'est fait
en moi.( ...
)·
PHILIPPE.
-J'ai toujours eu confiance en toi,
et cependant je crois rêver.
LORENZO.
-Et moi aussi.J'étais heureux
alors,( ...
) mon nom m'appelait au trône, et
je n'avais qu'à laisser le soleil se lever et
se coucher pour voir fleurir autour de
moi toutes les espérances humaines.
Les hommes ne m'avaient fait ni bien ni mal,
mais
j'étais bon, et, pour mon malheur éter
nel,
j'ai voulu être grand.
Il faut que je
l'avoue, si la Providence m'y a poussé à la
résolution de tuer un tyran,
quel qu'il fût,
l'orgueil
m'y a poussé aussi.
Que te dirais
je de plus ? tous les Césars du monde me
faisaient penser à Brutus .
Acte III, scène 3
« Lutter avec Dieu et le diable, ce n'est rien; mais
lutter avec des bouts de
ferraille croisés
les uns sur les autres par la main sale d'un armurier! ,.
(Lorenzo)
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Je ne pense pas exagérer en disant que le
personnage de Lorenzaccio est aussi riche
de significations
qu'un Faust ou qu'un
Hamlet, et que comme eux, il figure dans
une fable particulière de l'homme, l'éternel
inquiet
et l'éternel déçu, sous un de ses plus
larges aspects.
» Jules Lemaitre, Impressions
du théâtre,
Lecène et Oudin, 1898.
c'est une merveilleuse résurrection d'un
moment important de l'histoire de
Florence ;
c'est, malgré quelques défauts, le
meilleur ouvrage théâtral que le romantisme
français ait réussi
à créer ; c'est une enquête
psychologique de premier ordre,
où l'auteur
a pénétré jusqu'aux bas-fonds de la
personnalité humaine.
Musset a mis dans a
vu
la glorieuse révolution de Juillet
s'épuiser en odieuses répressions et sombrer
devant
l'égoïsme cauteleux mais triomphant
de
la haute bourgeoisie.
» H.
J.
Hunt,
«Tous les critiques sont d'accord sur un
certain nombre de points :
Lorenzaccio,
ce drame toute l'amertume d'un libéral
désabusé qui, après avoir acclamé le
renversement
d'une dynastie pourrie en
faveur
d'une poussée plus saine et
rigoureuse de la vieille souche royale,
1 Musset par LaIKlez.
musée de Versailles/ Sipa-Jcono 2, 3, dessins d'Alben Marciano.
Société des amis du livre, Paris, 1895 / Sipa-Icono
Alfred de Musset et la révolution de Juillet,
Le Mercure de France, 1934.
« Lorenzaccio est assurément notre plus
beau drame romantique.
Quel chef
d'œuvre ! »André Bellessort, la Revue
des Deux-Mondes,
1er février 1930.
MUSSET02.
»
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