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Memnon ou la Sagesse Humaine

Publié le 08/01/2011

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Voltaire œuvra durant toute son existence et à travers ses nombreux ouvrages pour des causes humaines et justes, et devint un symbole des Lumières. Il combattit sans relâche «l’infâme», nom qu’il attribua au fanatisme religieux. Il prôna la tolérance et le progrès à travers les sciences, ce qui lui vaut aujourd’hui encore une grande admiration. Cependant Voltaire se distingue de ses confrères philosophes du XVIII ème siècle par la particularité de ses récits divers et variés. En effet Voltaire ne met pas en fonction principale de plaire aux lecteurs dans ses œuvres, il souhaite leur apporter un enseignement, dont ils pourront plus tard se servir. Le géant Sirius dans son conte Micromégas l’affirme : « je ne veux pas qu’on me plaise…, je veux qu’on m’instruise. » Voltaire écrit des apologues dont on pourra tirer une morale, et il met pour cela en scène un « messager », et c’est exactement ce que l’on retrouve dans Memnon ou la sagesse humaine. Mais Voltaire a-t-il voulu uniquement nous délivrer un enseignement dans ce conte ? N’a-t-il pas tout de même cherché à nous faire apprécier son récit ? On verra que dans Memnon, l’instruction est la chose principale à laquelle Voltaire s’est attelé, mais l’esthétique n’est pas pour autant négligé par l’auteur et qu’il reste tout de même un élément fondamental afin d’attirer et de garder l’attention du lecteur.        Dans les contes de Voltaire tels que Micromégas, Zadig et en particulier Memnon, l’auteur  souhaite nous délivrer un enseignement, chose qu’il fera au fur et à mesure du récit, et en fait de brillants apologues. Voltaire cherche avant tout dans ses apologues à d’une part nous instruire et d’autre part lutter contre toute forme de mensonge.       En effet dans Memnon, Voltaire cherche à nous faire prendre conscience que les automatismes humains peuvent dans certains cas mener au désastre. Il cherche à faire réagir le lecteur, à le laisser sceptique, et à le faire réfléchir sur les réactions qu’il adoptera après lecture du conte. Voltaire met en scène pour cela un personnage principal dans des situations successives de la vie courante qui sont loin d’être surréalistes. Memnon qui est le personnage principal du récit, décide un matin d’être « parfaitement sage » et de lutter contre toute forme d’excès. Ce projet fou, entraine le personnage dans toute sorte de péripéties au cours de la journée, et se retrouve borgne et dépouillé de toute fortune, après avoir finalement céder  à toutes les tentations qui se sont présentées à lui. L’auteur fait ensuite apparaître à Memnon dans ses songes, un « esprit céleste » qui est porteur d’un message, et qui est en fait le « messager » de Voltaire chargé de délivrer la morale de cet apologue : « Aussi impossible, lui répliqua l’autre, que d’être parfaitement habile, parfaitement fort, parfaitement puissant, parfaitement heureux… Il y a néanmoins un globe où tout cela se trouve ; mais dans les mille millions de mondes qui sont dispersés dans l’étendue tout se suit par degrés. On a moins de sagesse et de plaisir dans le seconde que dans le premier, moins dans le troisième que dans le second, ainsi du reste jusqu’au dernier où tout le monde est fou. » (l.115 à 120)  ainsi que « il faut que tout soit en sa place » (l.123). « L’animal de l’étoile » au service de Voltaire, tente donc ici de faire entendre raison à Memnon tout en mettant en garde le lecteur, Memnon représenterai-t-il pas en fait le lecteur ? L’esprit délivre un apprentissage qui est empreint de sagesse. On peut donc constater dans ce conte que l’auteur nous présente un personnage dont on va suivre les péripéties, et qui serviront la morale qui nous apparaît explicitement à la fin.       C’est en cela toute la grandeur de l’apologue, dont la fonction est d’instruire et non de plaire comme nous le confirme ce récit de Memnon. Un autre aspect de l’apologue est qu’il doit, pour Voltaire, lutter contre les mensonges.       Voltaire est un des premiers auteurs de son époque à prendre positions face aux mensonges qui déchiraient sa société. Il fit de ses œuvres des plaidoiries contre toutes les formes de mensonges. En  plus de délivrer une morale, ses apologues, luttaient contre le mensonge en mettant en garde les lecteurs.        Voltaire tient en effet pour responsable l’Eglise fanatique de tant de mensonges et de duperies, il écrivit d’ailleurs ceci dans ses Lettres philosophiques : « Par tout pays, la religion dominante, quand elle ne persécute point engloutit à la longue toutes les autres ». Cependant il ne se bat pas uniquement contre cette forme de mensonge, il dénonce toutes les formes et veut que la vérité triomphe. Dans Memnon ou la sagesse humaine, la jeune Ninivienne incarne le mensonge et c’est par elle que Memnon cède à la première tentation qui s’est présentée à lui, et qui engendre toutes les autres et le fait au final basculer dans l’excès. Voltaire veut par tous les moyens faire passer le message aux lecteurs, son conte n’est pas une simple histoire à raconter avant de s’endormir, elle n’est pas là pour divertir l’esprit mais pour le faire réagir, lui faire prendre conscience des phénomènes qui l’entourent et contre lesquels il doit lui aussi lutter. Memnon s’est laissé biaisé par le mensonge, à nous de tirer une conclusion de cela et de rester vigilant face aux mensonges qui sont parfois dissimulés sous de bonnes et pures intentions. Les imposteurs cherchent à nous duper par tous les moyens, prêts à embellir les choses les plus laides afin de parvenir à nous jouer un tour, et c’est ce que l’auteur veut que nous comprenions. Les personnages sont dans Memnon les instruments de Voltaire, il les utilise pour défendre ses pensées et idéaux qui passent par l’instruction du lecteur la lutte contre les formes de mensonges quelles qu’elles soient, et l’intérêt que représente la morale au sein du récit.         Le but principal dans les œuvres de Voltaire est dans Memnon parfaitement illustré : INSTRUIRE. Cependant ne peut-on pas tout de même émettre une certaine réserve face à cette phrase : « je ne veux pas qu’on me plaise…, je veux qu’on m’instruise. » ? L’auteur ne doit-il pas plaire au lecteur afin de garder l’attention de celui-ci ? On verra que ce n’est certes pas pour Voltaire le but premier mais que plaire reste un élément fondamental, et qui sert son but principal.         Le but d’une majorité d’ouvrages est de plaire à la catégorie de lecteurs visée. L’ouvrage est souvent utilisé afin de divertir l’esprit, pour un moment de détente et d’évasion. Ce n’est pas le cas des œuvres de Voltaire, néanmoins plaire est d’une part fondamental et Voltaire en a pleinement conscience, mais l’apologue est d’autre part parfois trop confus à force d’y mêler différentes morales, et montre tout de même certaines limites.         Une œuvre est souvent porteuse d’un message, d’une morale ou même d’une énigme, et tout particulièrement les œuvres de Voltaire. Mais ce grand philosophe énonce par l’intermédiaire d’un de ses personnages : « je ne veux pas qu’on me plaise.., je veux qu’on m’instruise. », or on ne peut pas instruire son lecteur si l’ouvrage ne lui plait pas, ce qui on le verra ici Voltaire en a pleinement conscience puisqu’il use dans Memnon ou la sagesse humaine et d’autres contes, des procédés qui servent l’esthétique.En effet plaire et instruire vont de pair, tout du moins dans un sens spécifique. On peut plaire sans instruire, mais on ne peut pas instruire sans plaire. Le lecteur choisit un ouvrage au premier abord pour l’intérêt que l’histoire même suscite chez lui, il va ensuite voir si la façon d’écrire de l’auteur, son style et sa particularité lui plaisent. Mais le lecteur ne sait pas à ce moment là que l’œuvre choisie a pour but de l’instruire et non lui plaire, pourtant elle lui plait, et c’est pour le lecteur un des premiers critères lorsqu’il choisit un ouvrage. Cela les auteurs le comprennent, Jean de la Fontaine a d’ailleurs fait la distinction au sein de ses célèbres fables de deux parties, le corps qui représente la partie divertissante de la fable et l’âme qui est, elle, la partie où la morale est faite. Afin de plaire aux lecteurs les auteurs usent de nombreux procédés, tels que l’ironie, largement employée par Voltaire. Dans Candide ou l’optimiste, autre conte philosophique, et apologue, il va en user : « Les canons renversent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté, ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface » (chapitre 2) et également «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. ». Ces phrases sont évidement à prendre au second degré, et c’est ce qui plait au lecteur, quand elles ne le font pas rire, elles le font sourire, et c’est ce qui pousse à la réflexion. Memnon ou la sagesse humaine est d’ailleurs un récit où l’ironie est omniprésente, une ironie qui nous pousse même à penser que l’auteur se moque de son propre personnage : « il était bien sûr de ne pas sentir une telle faiblesse » (l.24). L’antiphrase est également très utilisée et permet de donner au récit toute cette contenance, de lui donner une certaine forme. Il n’y a en fait pas de conte sans ironie.         Ces effets de style sont les éléments qui donnent au récit son originalité. Et Voltaire sait en user, ce qui rend son récit encore plus poignant et sers son but premier qui est de délivrer un enseignement.          Le lecteur se prête volontiers au jeu de l’auteur, c’est-à-dire réfléchir à la réelle signification des mots. Cependant on peut constater certaines limites aux apologues, car cette envie des auteurs de vouloir absolument délivrer une morale, se traduit parfois par un mélange d’idées difficilement identifiables par le lecteur. L’auteur est parfois omnibulé par son souhait de transmettre un apprentissage, qui est en soit une initiative plus que louable mais qui est parfois incomprise des lecteurs. L’apologue de Diderot Jacques le Fataliste et son maitre, fait parti de ces apologues que l’on ne saisit pas vraiment à la première lecture, et où l’on a même tendance à perdre de vue le sujet principal, du au « méli-mélo » d’idées que l’auteur nous présente. Plusieurs voix parlent mais il est difficile de les identifier et il faut s’y prendre à deux fois avant de saisir l’ingéniosité de l’auteur, ingéniosité tout de même singulière. Le fait que cette morale soit difficile à saisir demande au lecteur d’avoir cette volonté de chercher, et la difficulté rebute dans certains cas les lecteurs qui ne se préparaient pas à cela, et c’est en cela la limite de l’apologue. Le lecteur doit décoder cette multiplicité de voix énonciatives, il a une sorte de connivence et d’interaction avec le texte, on lui demande d’être critique, chose qui n’est pas comprise de tous. Egalement dans la parabole de Saint Mathieu on peut y trouver plusieurs enseignements, certes intéressent mais qu’il faut parvenir à décrypter. Mais ces auteurs permettent de remettre en cause le rapport entre l’auteur et le lecteur. Diderot renverse d’ailleurs le sens de la participation romanesque.          Il est vrai que certains apologues se différencient par la difficulté à en tirer un enseignement mais une fois celui-ci tirer on peut enfin savourer toute la profondeur du récit.Mais le lecteur a trop souvent été habitué à avoir cette position de passivité, où toute la réflexion était faite pour lui, et il reste encore aujourd’hui difficile de lutter contre cette passivité.                   L’originalité de Voltaire est moins peut-être dans la mise en œuvre des sujets que dans la transmission de la morale. On le saisit maintenant Voltaire fut un grand auteur, penseur et philosophe. Il devint le chef de file de la philosophie de son époque de part sa conception « innovatrice » des choses. Ses œuvres ont pour lui comme objectif de rallier le lecteur à la position critique des Lumières, à garder ses distances, à n’accepter comme vrai que les faits et les croyances soumis à la raison. Voltaire à d’ailleurs toujours prôner sa foi en le progrès, et participa à l’élaboration de l’Encyclopédie. Voltaire n’écrit pas pour divertir, il ne veut pas « amuser » la galerie mais l’instruire, il souhaite que ses œuvres servent les causes qu’il défend : la tolérance, l’égalité et la vérité, valeurs humaines qui commençaient déjà à se perdre en son temps. Ces œuvres regorgent non seulement d’apprentissages mais sont également très plaisante. Voltaire a su faire ce que très peu d’auteurs ont su faire : captiver le lecteur tout en l’éduquant, c’est un défit que Voltaire réussit brillamment et qui lui confère un statut de philosophe hors pair. Voltaire nous a exposé dans Memnon tout son art de manier apprentissage et divertissement, qu’il possède parfaitement.

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