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l'oeuvre d'art est-elle le refuge de l'âme ?

Publié le 20/07/2005

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Par refuge, on entend un lieu où l’on se retire pour échapper à un danger, se mettre à l’abri. Le refuge est un espace où l’on trouve une sécurité dont on ne jouit pas ailleurs et dans lequel on s’enferme pour continuer à vivre.

L'âme se définit comme le principe de la pensée ou le principe de la vie ou des deux à la fois, ce qui pose le problème de son unité. Elle a été définie comme "la forme d'un corps naturel ayant la vie en puissance"  (Aristote, De l'âme, II) et comme "une substance dont toute l'essence ou nature n'est que de penser" (Descartes, Discours de la méthode, IV), ce qui soulève le problème de son rapport avec le corps en même temps que celui de sa possible immortalité. En effet, si ce rapport est une union réelle, corps et âme seront vraisemblablement solidaires dans leur destin mortel ; inversement, si l’âme survit à la mort du corps, c’est donc qu’elle est d’une nature différente de celui-ci.

A première vue, il peut nous sembler tout à fait exact d’affirmer que l’oeuvre d’art est le refuge de l’âme. En effet, l’oeuvre d’art semble accueillir les sentiments qui appartiennent intimement aux artistes, se faire le réceptacle de ses états d’âme ; et si nous reprenons la pensée de l’âme comme ce qui donne la vie, comme ce qui prête le mouvement à un corps, nous pouvons dire une fois encore que l’oeuvre d’art est le refuge de l’âme, puisqu’elle recueille le souvenir de la vie et du tempérament de l’artiste pour le faire accéder à l’immortalité. Mais nous verrons que cette thèse est en vérité intenable, car elle travestit non seulement le concept d’âme, mais déforme notre compréhension de l’art. Enfin nous verrons que loin d’être le refuge de l’âme, l’art est plutôt un reflet et une expression du corps de l’artiste.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l’oeuvre d’art est ce qui accueille l’âme de l’artiste ou ce qui reflète le rapport intime qu’il entretient à son corps. 

« demeurer quelque chose de l'artiste par delà la mort.

C'est Marcel Proust qui l'a le mieux montré dans A la recherche du temps perdu : à la mort de l'écrivain Bergotte, il décrit celui-ci comme un être qui entre dans l'immortalité.

Ses livres sont en effet décrits comme des Anges dont les ailes se déploient pour le mener dans le domaine del'immortalité réservé aux artistes de talent.

Ainsi, grâce à l'art, quelque chose demeure de l'artiste après sa mort : lesouvenir de son nom et de son passage sur terre, attesté par la permanence de son oeuvre.

Nous avons doncrépondu à la question qui nous occupe : l'oeuvre d'art est bien le refuge de l'âme, puisqu'elle rend durable lesouvenir de l'existence fugitive et de la pensée de son créateur. II.

Affirmer que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âme est une déformation des concepts a.

Un usage uniquement métaphorique du concept d'âme Cependant, nous ne pouvons en demeurer à une telle thèse, car elle implique une compréhension toujoursmétaphorique, et par conséquent impropre, peu rigoureuse, du concept d'âme.

Certes, les définitions de l'âme sontnombreuses et anciennes : Aristote commence précisément son De anima par une longue recension des différenteset variables compréhensions de l'âme qui ont précédé la sienne.

Cependant, nous pouvons proposer deux conceptsautour desquels celui d'âme se construit : le concept de vie et celui de pensée.

En effet, l'âme est toujours penséecomme ce qui donne la vie à un corps (on dit à ce titre d'un corps mort qu'il est « inanimé » car l'âme s'en estretirée) et ce qui lui prête la pensée (nous avons vu en introduction que Descartes définissait l'âme comme "unesubstance dont toute l'essence ou nature n'est que de penser").

Or, ce n'est jamais en employant proprement leconcept d'âme que nous pouvons affirmer que l'oeuvre d'art en est le refuge.

En effet, l'oeuvre d'art n'accueillejamais la vie même, mais à la rigueur le souvenir ou la trace de la vie d'un être qui en est l'auteur : premièreapproximation.

Et l'oeuvre d'art n'accueille jamais une faculté de penser, mais plutôt un résultat de la pensée d'unindividu : seconde affirmation.

Nous dirons donc qu'il est impropre d'affirmer que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âmesi nous voulons employer ce dernier terme avec quelque rigueur. b.

Une approche déformante du concept d'art comme exutoire des vécus intérieurs de l'artiste C'est à une critique du même genre que se heurte l'idée d'oeuvre d'art comme refuge de l'âme si nous passons de laconsidération de l'âme à celle de l'oeuvre d'art elle-même.

En effet, il s'agit d'une approche déformante du conceptd'art, qui fait de l'oeuvre un exutoire pour les vécus intérieurs de l'artiste.

Prenons l'exemple de la périoderomantique qui ne cessait d'employer le terme d'âme et qui voyait dans l'oeuvre d'art le réceptacle des tourments decette dernière.

Pour les romantiques, l'art est l'expression d'une longue plainte, c'est-à-dire l'expression d'unesubjectivité à la sensibilité suraigüe.

Douleur de l'amant malheureux ( Les souffrances du jeune Werther , Goethe), douleur de naître après le temps de l'héroïsme ( La confession d'un enfant du siècle , Musset), voilà les sentiments que l'art se voyait justifié à exprimer prioritairement à cette époque.

Mais il faut bien voir que la douleur de l'artisteest toujours travaillée, réfléchie, et jamais livrée telle quelle à son public.

L'oeuvre ne doit donc pas être unexutoire, si elle veut mériter la dignité d'une véritable production artistique.

Nous dirons donc que l'oeuvre d'art n'estpas le refuge de l'âme, car une telle thèse oriente notre compréhension de l'art vers une conception de celui-cicomme un exutoire des passions réellement ressentis par l'auteur, alors que celles-ci ne sont jamais qu'un matériauqui doit faire ensuite l'objet d'un travail.

III. L'oeuvre d'art n'est pas le refuge de l'âme mais le produit du corps a.

Les oeuvres d'art s'écrivent avec le corps au moins autant qu'avec l'esprit Si l'oeuvre d'art n'est pas le refuge de l'âme, nous dirons qu'elle est au contraire un produit du corps.

Car il faut bienvoir le rôle prépondérant et méconnu à la fois de cette dimension longtemps méprisée de l'individu.

En effet, lapensée se construit au moins autant avec l'âme (au sens de faculté de création et de compositions d'idées) qu'avecle corps.

Lorsque nous écrivons, c'est aussi notre corps que nous mettons en jeu : il y a des positions davantagepropre à la pensée (assis à une chaise) que d'autres (la tête en bas).

Mais plus sérieusement, le corps est une partintégrante de l'activité de réflexion puisque toute pensée, même muette, s'accompagne d'imperceptiblesmouvements de nos organes phonatoires : il n'y a pas de pensée sans parole, puisque même dans la réflexionsilencieuse, notre corps est plus que sollicité par la pensée, il est indissociable de cette dernière.

Nous dirons doncque l'oeuvre d'art n'est pas le refuge de l'âme, car elle est plutôt indissociable du corps avec lequel elle se crée.. »

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