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LES PENSÉES de PASCAL (analyse)

Publié le 05/03/2011

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pascal

Historique. — Lorsque, en mars 1657, Pascal interrompit les Provinciales malgré leur succès toujours croissant, ce n'est, point que la matière lui manquât ou qu'il se repentît de son œuvre. Plus tard, à son lit de mort, il disait que, s'il avait à écrire présentement les Lettres, il les ferait « encore plus fortes «. Cependant, jugeant la cause gagnée puisque les curés de France se soulevaient contre les casuistes, il n'acheva point la XIXe et il entreprit d'écrire un autre livre auquel il rêvait depuis quelque temps.    Un peu avant son entrée à Port-Royal, quand la vie mondaine commençait déjà à lui peser, Pascal avait eu un moment d'extase, le 23 novembre 1654. Il en avait perpétué le souvenir par un écrit que l'on trouva cousu dans la doublure de son habit. Voici ce que contenait ce billet étrange : « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob. — Non des philosophes et des savants. — Certitude, certitude. — Sentiment. Joie. Paix. — Joie, joie, pleurs de joie. — Renonciation totale et douce.

pascal

« adopte une méthode que lui-même résume en quelques lignes : « Première partie : Misère de l'homme sans Dieu.Seconde partie : Félicité de l'homme avec Dieu.

Autrement, première partie : Que la nature est corrompue.

Par lanature même.

Seconde partie : Qu'il y a un réparateur.

Par l'Écriture.

» Toute l'Apologie est dans ces quelques mots. Pascal, par des réflexions psychologiques et morales, nous amène à constater combien notre nature est étrange.Nous sommes nés misérables, et, malgré des améliorations plus apparentes que réelles, la faiblesse et la méchanceténatives subsistent chez tous les descendants d'Adam.

Nous essayons d'oublier notre misère et nous nous amusonsavec des hochets qu'on appelle le jeu, l'amour, la gloire et l'ambition.

Mais aucune de ces choses frivoles ne nousassure le bonheur, et Pascal dépeint avec tant d'amertume et de vigueur notre horrible misère qu'on le rangeasouvent parmi les pessimistes.

Cependant, à côté de l'infinie faiblesse, il découvre en nous la grandeur infinie.

« Lagrandeur de l'homme, dit-il, est grande en ce qu'il se connaît misérable.

Un arbre ne se connaît pas misérable.

C'estdonc être misérable que se connaître misérable ; mais c'est être grand que de - connaître qu'on est misérable.Toutes ces misères-là mêmes prouvent sa grandeur.

Ce sont misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé.» Ailleurs, il exprime la même idée par une image frappante et en termes plus énergiques : « L'homme n'est qu'unroseau, écrit-il, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant.

Il ne faut pas que l'univers entier s'armepour l'écraser.

Une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer.

Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme seraitencore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui: l'univers n'ensait rien.

» La conclusion de tout cela est bien simple et nous ne pouvons mieux faire que de céder encore la paroleà Pascal : « Quelle chimère est-ce donc que l'homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet decontradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitudeet d'erreur, gloire et rebut de l'univers.

» Lorsque nous avons noté les contradictions de la nature humaine, nous nous trouvons placés en face d'une énigme.Qu'allons-nous faire?...

Nous réfugier dans l'indifférence? Cette supposition irrite Pascal ; et, déclarant que « cerepos dans cette ignorance est une chose monstrueuse », il taxe d'« extravagance » et de « stupidité » ceux qui s'yabandonnent.

Aurons-nous donc alors recours à la philosophie et tâcherons-nous de résoudre le problème à l'aide dela raison? Mais, dupé par les sens, l'imagination et les passions, l'homme « n'est qu'un sujet plein d'erreur» : « rienne lui montre la vérité ; tout l'abuse ».

Nous en avons une excellente preuve dans les institutions, les mœurs, lajurisprudence, qui varient selon les pays et les temps.

Et cet être incapable d'arriver à la certitude, même dans ledomaine des faits sociaux, on voudrait que par ses propres forces il pût résoudre une question aussi ardue? Non !tous les systèmes sont incomplets ou menteurs, et la philosophie ne vaut pas « une heure de peine ». Pascal n'aurait-il donc argumenté si longtemps que pour aboutir au scepticisme ? Ce serait une erreur de le croire :toute sa vie de chrétien et de prosélyte ardent témoigne contre une pareille hypothèse.

Le pyrrhonisme ouscepticisme n'a été entre ses mains qu'une machine de guerre.

Il s'en est servi pour humilier « la raison impuissante» et « la nature imbécile » au pied de la croix.

En effet, si nous ne parvenons point à débrouiller cette énigme, quidonc le fera pour nous ? qui, si ce n'est Dieu « sensible au cœur et non à la raison », Dieu dont on prouvel'existence non par la métaphysique, mais par le sentiment ? Dans les livres saints il nous a livré la clef du mystère,car le dogme de la chute et celui de la grâce expliquent tout.

Le péché originel a causé notre profonde misère, maispar la rédemption nous serons restitués en notre premier état; et ainsi « la bassesse de l'homme disparaît pour neplus laisser voir que sa grandeur ».

Rallions-nous donc à la religion du Christ qui, seule, nous éclaire sur notredestinée!...

Telle était certainement la conclusion dogmatique de ce livre, qui est bien le livre d'un chrétien. Le style de Pascal dans les « Pensées ».

— Dans les Provinciales, lorsqu'il raillait le style fleuri de certains casuistes,Pascal nous donnait une leçon de bon goût.

Il y a, dans les Pensées, nombre de fragments — destinés peut-être àfigurer en tout autre livre que l'Apologie — où nous trouvons les théories littéraires de l'écrivain.

Ce qui l'inspire,c'est l'amour de la simplicité et de la franchise.

« Tout ce qui n'est que pour l'auteur, dit-il, ne vaut rien.

Ambitiosarecidet ornamenta.

» En vertu de ce principe, il condamne l'emphase et « les mots d'enflure » ; il est d'avis quel'éloquence continue ennuie » et que « la véritable éloquence se moque de l'éloquence » ; il blâme « les faussesbeautés » de Cicéron, trop vaniteux et trop apprêté selon lui.

En vertu du même principe, il n'admet point le « jargon» poétique des précieux ; il réprouve les antithèses forcées, semblables aux « fausses fenêtres » qu'on fait « pour lasymétrie » ; et, hostile aux périphrases inutiles, il dit que « masquer la nature » est l'acte d'un mauvais écrivain.Quel sera donc à ses yeux le bon auteur?...

Celui qui dispose « les matières » d'une façon nouvelle et originale ;celui qui « parle juste » et se sert du mot « propre » sans craindre de le répéter au besoin; celui qui fait siennecette maxime : « Il faut de l'agréable et du réel; mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai.

» N'est-cepoint toute l'esthétique du XVIIe siècle et la doctrine qu'un peu plus lard allait développer Boileau? Ces principes qu'il formulait avec une précision lumineuse, jamais Pascal ne s'y est mieux conformé que dansl'Apologie.

Il a lutté pour être aussi simple et aussi clair que possible, et les nombreuses ratures du manuscrit nousattestent la peine qu'il se donna.

Il est difficile d'être plus naturel qu'il le fut.

Pourvu que l'expression peigne bien lachose, la trivialité ne l'épouvante point.

Il écrit parfaitement: « Je vois des foisons de religions »; il aperçoit autourdes monarques un cortège « de gardes, de hallebardes : ces trognes armées qui n'ont de mains et de force que pour eux » ; et dans une grave maxime il risque les mots de « choux », « veaux » et « poireaux »qui offusquèrent la délicatesse des Messieurs de Port-Royal. A côté de ces « trivialités de génie », comme dit si bien Havet, il y a des apostrophes éloquentes et des passagesde la plus haute poésie.

Faut-il rappeler les pensées sur Cromwell, sur le silence des espaces infinis, sur le roseaupensant, sur les rivières, « ces routes qui marchent » ? Faut-il noter ce qu'il y a de shakespearien dans ces deux. »

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