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peut on penser par soi même sans se soucier de ce que pensent les autres

Publié le 03/03/2011

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Lundi 17 novembre 2008 1 17 /11 /Nov /2008 09:43

La pensée est sans doute ce que nous avons de plus précieux, en ce sens que c’est par nos idées que nous sommes…ce que nous sommes. Mais si nous sentons tous que notre pensée nous appartient en propre, nous savons aussi que nous sommes plus ou moins influençables : avoir des pensées vraiment à nous n’est pas si facile. Alors comment faire pour penser réellement par nous-mêmes ? En ne nous souciant pas de la pensée des autres c’est-à-dire en nous rendant sourds à ce qu’ils pensent ? Penser par soi-même consisterait dans ce cas à s’enfermer orgueilleusement en soi-même. On voit bien qu’une telle attitude risque de conduire à une pensée stérile.

Ce sujet nous invite à remettre en question le lieu commun selon lequel pour penser par moi-même, je dois cesser d’écouter ce que disent les autres. Il semble au contraire que pour penser par soi-même il faille « se soucier » d’une certaine manière de la pensée des autres. C’est cette manière de se soucier qu’il nous faudra tenter de comprendre. Cela nous permettra de dégager le rôle de l’esprit critique mais aussi de l’ouverture d’esprit dans la formation d’une réflexion personnelle.

 

 

 

Quand dit-on d’une personne qu’elle pense « par elle-même » ? Quand elle ne se laisse pas influencer par ce que les autres pensent pour décider de ce qu’elle va tenir pour vrai, quand elle se fie à son seul jugement ; quand elle soutient une idée, non parce que c’est ce qui se dit autour d’elle, mais parce qu’elle a suivi son propre raisonnement. Si je prétends penser « par moi-même », je veux dire par là que je refuse que les autres pensent à ma place ; c’est-à-dire je refuse qu’ils me soufflent des idées, c’est moi seul qui les trouverai par ma propre réflexion ; et c’est moi seul qui déciderai de ce qui est vrai. Ainsi, un enfant ne pense pas vraiment par lui-même dans la mesure où ses idées ne sont pas le fruit de son propre raisonnement : il se contente de répéter ce que ses parents disent, sans se demander si c’est vrai ou faux. De même un adulte qui justifie toutes ses idées par ce qui se dit à la télévision, et qui aurait pensé l’inverse de ce qu’il pense si les médias avaient dit l’inverse, ne pense pas non plus par lui-même ; c’est la télévision qui pense à sa place. Pareil pour le professeur s’il se contente de se référer à ce que les grands auteurs ont dit pour justifier ses propos.

 

Pour penser par nous-mêmes, en étant sûr de ne pas être influencés, le plus simple semble être de ne pas se soucier de ce que pensent les autres, c’est-à-dire de ne réfléchir qu’à partir de nos propre idées, et de se moquer de la façon dont les autres vont réagir à nos idées. Cela suppose un certain courage. Que les autres approuvent ou non ce que nous pensons importe peu : s’ils approuvent ce n’est pas pour cela que nous tiendrons à notre idée, s’il désapprouvent cela ne nous empêchera pas de continuer à penser que ce que nous disions était vrai. Les autres ne nous ferons pas changer d’avis. Dans ce cas on est assuré de suivre le cours de ses idées sans être « parasité ». Ainsi Galilée, ce libre penseur par excellence : peu lui importait l’opinion de la religion, il suivait ses raisonnements ; sa théorie sur le système solaire choquait toute la papauté, mais cela ne l’arrêtait nullement pour démontrer l’héliocentrisme. Il était seulement attentif à la vérité. Pareil pour Socrate : il suivait son raisonnement, et ne se laissait pas arrêter par les réaction d’incrédulité de son entourage. S’il jugeait une idée vraie (comme : le tyran est le plus malheureux des hommes), il ne variait pas dans son jugement sous prétexte que les autres ne partageaient pas son avis.

 

Pour penser par nous même, il faut donc savoir se recentrer sur nos propres idées. Mais cela veut-il dire qu’il ne faille tenir aucun compte de la pensée des autres ?

 

Reprenons le cas de Galilée. Se désintéressait-il totalement de la pensée de ses contemporains ? Non, il ne se souciait pas de ce que les moines pensaient, eux qui étaient trop aveuglés par la théologie pour accepter des raisonnements scientifique ; mais il accordait une réelle importance à ce que pouvaient penser les chercheurs de son temps ; il s’intéressait à leur travaux et à leur hypothèse, il discutait de ses propres théories avec eux. Il n’était pas emmuré dans ses idées. Même chose pour Socrate : il suivait toujours ses propres réflexions, mais cela ne l’empêchait pas d’en discuter avec les autres. Et les autres ce n’étaient même pas les grands savants de son temps ; c’était n’importe qui capable de réfléchir et de se poser des questions. Socrate ne pensait pas tout seul dans son coin. Tout penseur se soucie donc de la pensée des autres non pour s’y soumettre par crainte de ne pas penser comme les autres mais pour chercher avec eux  la vérité.

 

Celui qui se dit : « pour penser par moi-même, je dois uniquement réfléchir sur mes idées à moi, et me fermer à tout ce qui vient des autres », celui-là confond deux choses : les idées elles-mêmes et la réflexion sur ces idées.  Il est vrai que dans tous les cas, la réflexion ne doit venir que de nous : personne ne peut juger de la vérité d’une idée à notre place. Mais pourquoi les idées devraient-elles venir exclusivement de nous ? Ne peut-on pas réfléchir intelligemment sur d’autres idées que les nôtres ? En quoi écouter d’autres idées que les nôtres nous empêcherait-il de juger par nous-mêmes ? L’origine des idées n’est pas si importante, qu’elle vienne de moi ou d’ailleurs ce n’est pas là l’essentiel. Dans une discussion les autres vont me proposer des idées qui vont me faire réfléchir, qui vont m’obliger à clarifier mes propres positions et peut-être me faire prendre conscience d’un aspect de la question auquel je n’avais pas songé. Cela va plutôt stimuler ma propre réflexion que la dénaturer. Se jurer de ne pas changer d’avis, quoique les autres puissent dire n’est pas un signe de maturité intellectuelle. A l’opposé celui qui possède un esprit ouvert se dira que les autres ont peut-être des idées intéressantes et plus riches que celles auxquelles il avait pensé, que cela vaut la peine au moins de les écouter pour éventuellement remettre en question sa propre façon de voir. Reconnaître et se soucier dans ce cas de ce que les autres pensent n’est-ce pas faire encore preuve d’un vrai courage sans lequel il n’est pas de réflexion personnelle ?

 

Penser par soi même ne veut donc pas dire penser à partir de nos seules idées, comme si elles seules comptaient. Reste à comprendre comment concilier ces deux exigences en apparence contradictoires : ne se fier qu’à notre jugement, et écouter les autres.

 

 

 

La solution se trouve dans l’esprit critique. C’est pour cela que nos idées ne sont pas au dessus de celles des autres. Ce qui nous conduira à reprendre l’analyse de notion : « penser par soi-même ».

Le problème posé par le sujet était le suivant : comment pourrions nous réellement écouter les idées de ceux qui nous entourent, sans pour autant se laisser influencer ? Nous le pouvons à partir du moment où nous faisons fonctionner notre esprit critique. Car réellement écouter les autres ne veut pas dire croire aveuglément tout ce qu’ils disent mais plutôt s’interroger sérieusement sur ce qu’ils disent : pourquoi pensent-ils cela, d’où leur vient cette idée, n’a-t-elle pas un fond de vérité au delà de son aspect inhabituel ? Ce qui ne va pas dans l’attitude de celui qui se laisse influencer par les autres, ce n’est pas qu’il écoute les autres, c’est qu’il les écoute mal, c’est qu’il les écoute sans esprit critique : il ne se pose pas de questions, il croit ce qu’on lui dit. Mais rien n’interdit d’écouter les autres en gardant son esprit critique- ce n’est même que de cette manière qu’on écoutera réellement ce qu’ils ont à dire. Autrement dit, si l’on se pose sérieusement la question de la vérité des propos des autres, alors il devient possible d’être attentif à d’autres idées que les nôtres, sans devenir pour autant influençable.

 

Or notre esprit critique doit aussi bien s’exercer à l’encontre des idées des autres qu’à l’encontre de nos propres idées. Ce n’est pas parce que les autres prétendent quelque chose que c’est forcément vrai ; et de même ce n’est pas parce que moi je prétends quelque chose que c’est forcément vrai. Pour juger de la part de vérité et de sottise que renferme chaque  idée, il faut prendre du recul, s’en détacher et cesser d’y croire. Et cela vaut à l’égard de toute idée, d’où qu’elle vienne. Le problème tourne en fait autour de l’idée de vérité. Si on se soucie vraiment de la vérité de nos idées, on ne peut plus se permettre de faire comme si nous avions un rapport privilégié avec la vérité, comme si la vérité nous appartenait en propre ; les autres y ont eux aussi un accès et ils en sont peut-être plus proches que nous. Ce n’est pas sûr mais il faut au moins se poser la question. C’est pourquoi Socrate cherchait constamment l’approbation des autres dans la discussion. Si ce qu’il disait était bien vrai, cela ne pouvait être vrai que pour lui ; il fallait bien qu’à force de réflexion personnelle les autres en conviennent aussi.

 

Toutes ces remarques nous amènent à mieux cerner ce que veut dire penser par « soi-même ». Cela ne veut pas dire penser ce qui nous plait tout seul dans son coin et mépriser toutes les objections, toutes les idées différentes des nôtres. Refuser d’envisager une autre manière de voir les choses, ce n’est pas un signe de puissance intellectuelle. C’est bien plutôt un signe qu’on arrête de penser, qu’on arrête de penser pour de bon. Penser par soi-même cela veut dire rechercher la vérité avec un esprit critique. Ce qui signifie : se demander si nos idées sont vraies ou si nous y croyons tout simplement parce que c’est ce que nous avons toujours pensé sans vraiment s’être posé de question ; se demander si nos idées suffisent vraiment pour comprendre les choses. Cela signifie aussi : se demander si les idées des autres qui nous déplaisent ou qui nous choquent n’ont pas une part de vérité… Penser par soi-même, c’est donc penser en essayant de se débarrasser des préjugés, sans tomber dans la facilité. Croire aveuglément ce que disent les autres, c’est trop facile ; mais n’accorder de valeur qu’à nos idées, croire ce qui nous plaît, c’est encore une facilité parmi d’autres, une forme de paresse intellectuelle.

 

 

Celui qui est incapable de réfléchir sur d’autres idées que les siennes, qui n’a pas la moindre ouverture d’esprit, celui-là pense comme un enfant. Il n’a pas encore une réelle maturité d’esprit et il ne pense pas encore par lui-même. Il ne voit pas pour l’instant qu’il y a une différence entre penser par les autres (s’en soucier pour s’y soumettre) et penser avec les autres (s’en soucier pour la plus grande liberté d’esprit qu’ils peuvent apporter). Ce qui nous permet de préciser encore : penser par soi-même ce n’est pas donné ; c’est une manière de réfléchir qui est à développer, à acquérir peu à peu grâce au contact des autres.

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