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Quand dit-on d'un homme qu'il est psychologue ?

Publié le 18/06/2009

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INTRODUCTION. - « Il y a d'excellents professeurs de psychologie, lisons-nous dans un livre récent, qui ne sont pas du tout psychologues, qui manquent même de toute psychologie. « Ce « pas du tout « et ce « toute « constituent une exagération manifeste. Mais cette correction effectuée, la réflexion que nous venons de reproduire exprime bien un fait d'observation courante : il y a bien des psychologues qui ne sont pas psychologues. Cette remarque suffirait à nous convaincre de l'ambiguïté des termes de « psychologue « et de « psychologie «. Nous voudrions mettre cette ambiguïté en relief en précisant les deux acceptions principales du mot « psychologue « qui désigne parfois le professionnel de la psychologie et le plus souvent un individu particulièrement doué pour la connaissance de l'homme. I. -- LES PROFESSIONS DE PSYCHOLOGUE La psychologie est aussi ancienne que la réflexion humaine. Mais ceux qui, ayant longtemps pratiqué le « connais-toi toi-même « socratique, condition de la connaissance des autres et de l'homme en général, consignaient par écrit le fruit de leurs observations n'étaient pas appelés « psychologues « : ils étaient considérés comme penseurs. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que se répandirent les dénominations de « moraliste « et de « psychologue « ou de « psychologiste «. Ainsi, le Dictionnaire de l'Académie de 1835, suivi par LITTRÉ, définit le « psychologiste « ou le « psychologue « : « Celui qui s'occupe de psychologie, ou qui en traite «. Or il est apparu successivement différentes façons de « s'occuper « de la psychologie.

« l'Académie de 1935 ajoute : « Il désigne, dans le langage courant, celui qui a une grande connaissance du coeurhumain.

Racine est un grand psychologue.

Familier, Il n'est pas psychologue, il ne se rend pas compte dessentiments d'autrui.

»L'exposé qui précède n'était cependant pas inutile, car il nous fournit des notions assez nettes et assez simplestandis que la notion vulgaire de psychologue reste confuse et complexe.

Aussi sera-t-il bon de l'éclairer parcomparaison avec celle de psychologue théoricien et de psychologue praticien.

Pour cela, reprenant la divisionprécédente, nous distinguerons deux types de psychologues — entre lesquels d'ailleurs existent d'étroits rapports —suivant qu'ils sont centrés sur la connaissance ou sur l'action. Dans la connaissance. Passe d'abord pour psychologue celui qui possède un talent spécial pour observer ses états d'âme et deviner ceuxdes autres, discerner les raisons ou les causes de leur comportement, prévoir leurs réactions.Ainsi, tandis que le psychologue théoricien cherche l'explication de l'homme et des fonctions psychologiques engénéral, le psychologue dans l'acception vulgaire du mot s'en tient ou se réfère toujours à la donnée individuelle.Sans doute, il peut s'élever du particulier au général et évoquer une loi pour expliquer une conduite concrète.

Mais,dans la mesure où il entreprend de construire un système explicatif valable pour toute une catégorie d'hommes,dans la mesure où, non content d'avoir de la psychologie, il se met à en faire, il se transforme en psychologuethéoricien, en professionnel de la psychologie théorique.

Or, quand on dit de quelqu'un qu'il est psychologue, onentend signifier, non pas qu'il a une connaissance plus profonde et plus rationnelle de l'homme, mais qu'il pénètreavec sûreté les hommes avec lesquels il se trouve en rapport, en premier lieu lui-même.Cette sorte de connaissance est essentiellement intuitive : elle atteint son objet directement et sans l'intermédiairede concepts ou d'opérations rationnelles explicites.

Mais, étant donné la nature de cet objet, le psychologue n'estpas intuitif comme le mathématicien qui trouve d'un coup d'oeil la solution d'un problème.

Son intuition participe dusentiment.

Tout d'abord, en ce qu'il sent les choses plus qu'il ne les voit; d'où la difficulté, souvent, de rendrecompte de ses intuitions; il éprouve alors les états de conscience d'autrui sans pouvoir les prouver et même parfoissans oser les exprimer.

Ensuite, en ce que son intuition porte principalement sur la vie affective, ainsi que lesuggèrent les remarques du Dictionnaire de l'Académie : ce ne sont guère des observations sur le jeu des images ousur les processus de la pensée qui vaudront à quelqu'un d'être catalogué psychologue; on sera autrement frappépar la mise à jour et l'explication d'une sympathie ou d'une antipathie inconscientes, d'un détour de l'amour-propre...Toutefois il serait simpliste de ne voir qu'opposition entre le mode de connaître du psychologue théoricien et celui dupsychologue dans l'acception vulgaire du mot.

Pour le premier, les termes psychologiques n'ont de sens et lesaffirmations générales de valeur que grâce à des intuitions et à des expériences auxquelles sans cesse il se réfèreplus ou moins consciemment.

Inversement, le second ne peut exprimer une observation concrète ni même la penséequ'au moyen de termes et de concepts généraux; dans ses explications de cas individuels intervient son expériencepassée, non pas dans sa réalité individuelle, mais sous la forme d'un acquis impliquant une connaissance générale del'homme.

Dans toute activité mentale, le général et le particulier, l'intuitif et le discursif sont inséparables; seulementl'accent peut être mis sur l'un ou sur l'autre.

Le psychologue dont nous parlons ici se distingue du psychologuethéoricien par la prédominance du singulier sur le général et de l'intuitif sur le discursif. Dans l'action. Si, pour être reconnu comme psychologue, il est indispensable d'avoir une connaissance particulièrement pénétrantedu psychisme humain, c'est moins la sagacité des remarques faites sur les autres que la façon de se comporter aveceux qui valent cette réputation ou, au contraire, celle de manquer de psychologie : est dit psychologue celui quisait traiter chacun de manière à obtenir le but qu'il vise : faire plaisir ou blesser, aboutir à une acceptation ou à unrefus, faire comprendre ses intentions ou les cacher...Ces dons psychologiques conditionnent le succès partout où on a affaire, aux hommes, et non aux choses : dans ladiplomatie et dans la politique, dans le commerce et dans les relations mondaines, dans le commandement et dansl'enseignement...

Quiconque se plaint d'être délaissé, de ne compter pour personne, devra s'en prendre à lui-mêmeou plutôt trouvera dans son tempérament l'explication de son infortune : il manque de psychologie, non pasnécessairement par défaut de pénétration, mais par maladresse dans le comportement.A la différence des procédés du psychologue praticien, le comportement du psychologue envisagé ici est avant toutun savoir-faire.

Le psychologue orienteur ou le psychologue d'usine ont fait des études spéciales; ils ont appris desprincipes et des techniques qu'ils adaptent peu à peu à leur complexion mentale propre et au milieu dont ilss'occupent : leur savoir-faire se fonde sur un savoir, Au contraire, du moins jusqu'à nos jours, la maîtresse demaison ou le surveillant auxquels on reconnaissait beaucoup de psychologie n'ont pas reçu de formationsparticulière; le plus souvent ils n'ont même pas tiré de leur expérience des règles générales auxquelles ils seréféreraient : c'est dans l'action elle-même qu'ils trouvent comme d'instinct les mots qu'il faut prononcer, l'attitudeopportune.Le savoir-faire théorique n'assure cependant pas le savoir-faire pratique.

Pourquoi ? Comment se fait-il donc qu'uneconnaissance pénétrante du coeur humain n'entraîne pas nécessairement le savoir-faire qui mérite la qualification depsychologue ? Une des principales raisons de ce décalage est que ce savoir-faire est aussi conditionné par desvertus morales.D'abord par la vertu au sens étymologique du mot, la force, la maîtrise de soi.

Il faut de l'énergie morale pourdominer l'impulsion première, l'impatience, la vanité, pour se plier aux exigences de la situation présente.

Noussavons bien tous, par exemple, que ceux qui parlent trop d'eux-mêmes déplaisent; mais, par faiblesse, nous oublionssouvent ce fait, et les comédiens ont exploité cette tendance d'où résulte parfois qu'une conversation est faite dela juxtaposition de deux monologues dans lesquels chacun raconte son histoire.

D'ailleurs, cette concentration. »

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