Devoir de Philosophie

Tenez-vous le sens commun pour un allié ou pour un adversaire de l'esprit scientifique ?

Publié le 27/03/2004

Extrait du document

esprit
Tenez-vous le sens commun pour un allié ou pour un adversaire de l'esprit scientifique ? CONSEILS Vous ne pouvez bien traiter la question sans caractériser avec précision le sens commun; celte expression est d'un usage courant, mais la signification en est très indécise. C'est d'ailleurs dans les réactions du sens commun au mouvement scientifique que se dégage clairement la vraie nature du sens commun. Introduction. Dans la vie courante, c'est condamner une opinion qu'en dire : « Elle n'a pas le sens commun. » Et bien des penseurs ont jugé, en effet, que le sens commun, qu'on identifie volontiers au bon sens, n'est que l'usage instinctif de ra raison dans le domaine pratique, raison de l'homme pressé par l'action et qui ne raisonne pas. Pourtant, toute l'histoire de la science paraît exclure cette interprétation. oeuvre de la raison, la science ne s'est faite qu'en brisant, au prix de maints déboires, les résistances que lui opposait le sens commun. Pour définir les rapports de ces deux attitudes d'esprit, il suffit de dégager les caractères du sens commun I. - Le sens commun est un dogmatisme sans critique.
esprit

« III.

— Ses caractères dérivés. Irréfléchis parce que collectifs, les jugements du sens commun s'opposent encore, par des caractères dérivés desprécédents, à l'esprit scientifique. A) STABILITÉ ET INTRANSIGEANCE. Fait de la masse des opinions reçues, le sens commun a l'immobilité relative et la raideur caractéristiques de latradition.

Inerte et intolérant, il est fermé à l'innovationen matière scientifique (attraction universelle), technique (chemins de fer), esthétique (impressionnisme, cubisme),politique (suffrage des femmes), et réagit aux créations de l'esprit par l'incuriosité dédaigneuse, l'ironie, parfois lapersécution. B) INSPIRATION UTILITAIRE. Social par essence, le sens commun s'oriente naturellement vers ce qui sert la commodité de l'homme en société.Delà : a) Son matérialisme implicite. — S'il se détourne, par accident, du monde utile des choses vers la vie et la conscience, il les fige, découpe et localise à l'image des objets matériels : l'âme est le double subtil du corps, uneombre, une flamme, un souffle, logé dans le corps, que l'âme peut quitter et où elle peut revenir ; b) Ses classifications superficielles. — Répugnant l'analyse, qui suppose loisir et désintéressement, le sens commun groupe les êtres ou les phénomènes d'après leurs ressemblances immédiates, sommairement saisies dans laperception, apparentant requin et baleine, hirondelle et chauve-souris, et ne cherche pas, inversement, sous lesdissemblances frappantes, l'élément invisible, mais essentiel, qui relie la lumière, la chaleur, l'électricité ; la forceélémentaire qui explique à la fois l'ascension de la fumée, la chute de la tuile, la feuille morte emportée au fil del'eau. c) Son réalisme. — L'idée que le sens commun se fait des choses est commandée par l'aspect qu'elles ont dans les conditions ordinaires de l'activité humaine.

Ce qu'il tient pour réel, c'est l'apparence qui naît dans l'objet du rapportutile de l'homme à l'objet.

Nous sommes sensibles à la température de l'air, des aliments, des corps que nousmanions, comme au poids des charges à soulever et à transporter : le sens commun « réalise » dans l'objet le chaudet le froid, le lourd et le léger.

Dans l'expérience de l'homme agissant sont donnés un haut et un bas : pour le senscommun, haut et bas sont des directions et des lieux réels.

Mais la science s'applique précisément à « déshumaniser» l'univers, à manifester ce rôle de la perspective humaine dans notre image spontanée des choses, par suite àl'éliminer au profit d'une représentation objective des rapports entre les phénomènes. IV.

— Sa valeur relative. A) LE CONTRÔLE PAR LES RÉSULTATS. Réglés sur les besoins de l'action, les jugements du sens commun sont en principe éprouvés par elle : est tenue pourfausse l'opinion qui aboutit à l'échec.

Ce contrôle, il est vrai, ne s'exerce que sur les croyances relatives au mondeutile.

Et, dans ce champ borné, il est encore incertain, parce que l'esprit qui ne réfléchit pas est plus ou moinsimperméable à l'expérience : bien des recettes médicales inopérantes ou même funestes ont joui pourtant d'uncrédit général et séculaire. B) LA PÉNÉTRATION DU SENS COMMUN PAR LA SCIENCE. Si conservateur et clos que soit le sens commun, il est lentement pénétré non par l'esprit de la science, mais parses résultats, tôt ou tard vulgarisés : la rotation et la révolution de la Terre ont passé d'abord pour d'insoutenablesparadoxes ; ce sont aujourd'hui des vérités de sens commun.

Par là, les jugements du sens commun, considérés nondans leur inspiration, mais dans leur contenu, acquièrent une relative objectivité. Conclusion. Le sens commun est plutôt ennemi qu'allié de l'esprit scientifique.

Il ne coïncide ni avec la forme de la science quiest la raison, ni avec sa matière, qui est l'expérience.

Il n'est pas la raison : considérée dans son usage pratique etspontané, la raison se nomme bon sens, et l'autonomie du bon sens, écrivait Brunschvicg, s'est toujours opposée auconformisme du sens commun.

Il n'est pas l'expérience, le simple enregistrement des faits, mais une interprétationde l'expérience, interprétation orientée et trop souvent faussée par le point de vue utilitaire.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles