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Dieu est mort - Nietzsche

Publié le 04/04/2016

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dieu
Le « Dieu est mort » de Nietzsche. Introduction : Le philosophe Nietzsche est surtout connu pour cette formule fracassante « Dieu est mort ». Et Nietzsche insiste sur le fait que Dieu est définitivement mort, Dieu ne reviendra plus sous quelque forme que ce soit. Il faut donc souligner la radicalité du projet nietzschéen, qui s'attaque à l'ensemble de la philosophie traditionnelle depuis Platon. Nous avions vu que Kant lui aussi critiquait les prétentions de la métaphysique traditionnelle : il montrait que nous ne pouvons connaître Dieu, l'immortalité de l'âme et la liberté. Mais finalement ces idées étaient sauvées puisqu'on pouvait les penser. Loin d'affaiblir la foi en Dieu, Kant la fonde au contraire définitivement, en l'arrachant à la simple croyance et en l'ancrant dans la raison. L'entreprise de Nietzsche est toute différente. Nietzsche lui-même présentait son ?uvre comme assez violente pour opérer dans l'histoire de l'humanité une véritable rupture. A l'aube du XXème siècle, son ?uvre entreprend de faire la généalogie de toutes les valeurs essentielles de la pensée occidentale, en montrant qu'elles ne sont que des idoles creuses, sans valeur. C'est cette entreprise que résume la formule : « Dieu est mort ». Bien évidemment, Nietzsche ne désigne pas ici la mort du Christ : c'est bien de Dieu lui-même dont il s'agit. C'est provocateur car en admettant que Dieu existe, il est immortel. Parler de la mort de Dieu, c'est donc parler de la disparition de la croyance en Dieu : Dieu meurt parce qu'il ne vit que de la vie qu'on lui prête, sa vie n'est qu'une invention de l'homme, une ombre. Il suffit de cesser de rêver pour qu'il cesse d'être. Dans un autre aphorisme, Nietzsche dit en effet que « Le plus grand événement récent, à savoir que « Dieu est mort », que la croyance au Dieu chrétien est tombée en discrédit, commence dès maintenant à étendre son ombre sur l'Europe ». Dire « Dieu est mort », c'est aussi signifier que toutes les valeurs morales attachées à l'existence de Dieu disparaissent également. C'est l'avènement du nihilisme. « Nihil » signifie « rien » : le nihilisme est le constat que les valeurs supérieures ne sont rien. «Que signifie nihilisme ? Que les valeurs supérieures se déprécient. Les fins manquent. Il n'est pas de réponse à cette question « à quoi bon ? » Enfin, il y a une différence essentielle entre dire « Dieu est mort » et dire « Dieu n'existe pas ». L'auteur s'exprime sur ce point dans Aurore. « Autrefois on cherchait à prouver qu'il n'y avait pas de Dieu, aujourd'hui on montre comment cette croyance a pu naître, et à quoi cette croyance devait son poids et son importance : du coup, une contre preuve de l'inexistence de Dieu devient superflue. Autrefois, lorsqu 'on avait réfuté les « preuves de l'existence de Dieu » qui étaient avancées, le doute persistait encore : ne pouvait-on trouver de meilleures preuves que celles qu'on venait de réfuter ? En ce temps là, les athées ne savaient pas faire table rase. » Voilà donc le programme tout tracé : Nietzsche va expliquer comment la croyance en Dieu a pu naître, c'est-à-dire dans quelle mesure les hommes ont eu besoin de croire en Dieu et à des valeurs supérieures. Ce travail généalogique va permettre de comprendre comment l'homme en arrive inéluctablement au nihilisme. En effet, il faut se garder d'un contresens : Nietzsche ne se présente pas comme celui qui détruit les valeurs, il se contente de constater les faits, il leur donne le dernier petit coup qui les fait tomber. Reste à savoir par quoi nous allons remplacer Dieu, quelles sont les nouvelles valeurs que nous serons amenés à inventer. Cette nouvelle aurore est-elle vraiment possible ? Commençons par expliquer le texte lui-même de la mort de Dieu. 1) Explication du texte. Lecture. « Le dément. N'avez-vous pas entendu parler de ce dément qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! »Etant donné qu'il y avait là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire. S'est-il donc perdu ? disait l'un. S'est-il égaré comme un enfant ? disait l'autre. Ou bien s'est-il caché ? A-t-il peur de nous ? (?) Ainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille. Le dément se précipita au milieu d'eux et les transperça du regard. « Où est passé Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tué, vous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela (?) ? Que fîmes-nous en détachant cette terre de son soleil ? Vers où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et ce en arrière, en avant, de tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? (?) Ne faut-il pas allumer des lanternes à midi ? Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les assassins ? (?) La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour apparaître seulement dignes de cette action ? Jamais il n'y eut d'action plus grande, et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l'histoire jusqu'alors ! » Le dément se tut alors et considéra de nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient déconcertés. Il jeta enfin sa lanterne à terre : elle se brisa et s'éteignit ». Nietzsche, Le Gai Savoir, aphorisme 125 Il y a de nombreux passages de Nietzsche qui traitent de cette question, mais celui-ci me semble particulièrement marquant. Il donne aussi un exemple du style très particulier de Nietzsche, qui multiplie les registres de langue. Nietzsche est fils d'un Pasteur protestant et il connaît la Bible par c?ur. Ses textes sont donc bourrés de références, le plus souvent implicites, de citations transformées, etc. C'est pourquoi un texte de Nietzsche a généralement plusieurs strates, se lit à différents niveaux. Cette complexité est voulue par Nietzsche : il prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Pourquoi ce ton prophétique ? Nietzsche, nous l'avons dit, cherche à expliquer comment la croyance en Dieu a pu naître. Mais il n'interprète pas la croyance en Dieu simplement en terme de besoin individue...


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« 1) Explication du texte. Lecture. « Le dément.

N’avez-vous pas entendu parler de ce dément qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! »Etant donné qu’il y avait là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire. S’est-il donc perdu ? disait l’un.

S’est-il égaré comme un enfant ? disait l’autre.

Ou bien s’est-il caché ? A-t-il peur de nous ? (…) Ainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille. Le dément se précipita au milieu d’eux et les transperça du regard.

« Où est passé Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire ! Nous l’avons tué, vous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela (…) ? Que fîmes-nous en détachant cette terre de son soleil ? Vers où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et ce en arrière, en avant, de tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N’errons-nous pas comme à travers un néant infini ? (…) Ne faut-il pas allumer des lanternes à midi ? Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les assassins ? (…) La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour apparaître seulement dignes de cette action ? Jamais il n’y eut d’action plus grande, et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l’histoire jusqu’alors ! » Le dément se tut alors et considéra de nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient déconcertés.

Il jeta enfin sa lanterne à terre : elle se brisa et s’éteignit ».

Nietzsche, Le Gai Savoir , aphorisme 125 Il y a de nombreux passages de Nietzsche qui traitent de cette question, mais celui-ci me semble particulièrement marquant. Il donne aussi un exemple du style très particulier de Nietzsche, qui multiplie les registres de langue.

Nietzsche est fils d’un Pasteur protestant et il connaît la Bible par cœur.

Ses textes sont donc bourrés de références, le plus souvent implicites, de citations transformées, etc.

C’est pourquoi un texte de Nietzsche a généralement plusieurs strates, se lit à différents niveaux.

Cette complexité est voulue par Nietzsche : il prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Pourquoi ce ton prophétique ? Nietzsche, nous l’avons dit, cherche à expliquer comment la croyance en Dieu a pu naître. Mais il n’interprète pas la croyance en Dieu simplement en terme de besoin individuel ou de faiblesse de l’homme (comme le fait Freud par exemple).

Il l’interprète surtout par rapport à un destin de l’humanité : beaucoup de ses textes ont ce ton prophétique, visionnaire, exalté.

Pour Nietzsche, l’humanité a un destin qu’elle se doit d’accomplir (c’est ce qui explique les références à la fin du texte à l’histoire à venir). Or ce destin est obscur, le sens même de la mort de Dieu nous échappe : c’est sans doute une des raisons pour lesquelles Nietzsche place cette nouvelle dans la bouche d’un dément, d’un insensé, d’un de ces fous très sages qui disent la vérité sans savoir ce qu’ils disent, qui ne maîtrisent pas la vérité de leur parole.

Surtout, les hommes ne vont pas se méfier de la parole du fou, qui pourra ainsi proférer de terribles vérités.

On voit bien ce mouvement dans le texte : au début les hommes rient, ensuite ils se taisent. Le meurtre de Dieu est une action incompréhensible, aux conséquences imprévisibles.

Mais seul l’insensé en prend la véritable mesure.

On note en effet une différence entre « ceux qui ne croient pas en Dieu » et qui rient, qui se moquent du fou et de Dieu lui-même, « mais enfin ! Tout le monde sait bien que Dieu n’existe pas ! Il faut être fou pour le chercher ! » L’allusion ironique au « Dieu qui se cache », pour que les hommes fassent l’effort de le découvrir, est un thème qui est 2. »

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