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LA VÉRITÉ DANS LES SCIENCES DE LA MATIÈRE

Publié le 24/03/2015

Extrait du document

« ... Devant le réel le plus complexe, si nous étions livrés à nous-mêmes c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance ; le monde serait notre représentation. Par contre si nous étions livrés tout entiers à la société c'est du côté du général, de l'utile, du convenu que nous chercherions la connaissance ; le monde serait notre con­vention. En fait la vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication. Nous appelons les esprits à la convergence en annonçant la nouvelle scientifique, en transmettant du même coup une pensée et une expérience, liant la pensée à l'expé­rience dans une vérification : le monde scientifique est donc notre vérification. Au-dessus du sujet, au delà de l'objet immédiat la science moderne se fonde sur le projet. Dans la pensée scien­tifique la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet...

« ... Déjà l'observation a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est la bonne. L'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure...

« Naturellement dès qu'on passe de l'observation à l'expéri­mentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments... Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phéno­mènes qui portent de toute part la marque théorique... «

 

(Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Introd., p. 11-12, P.U.F.)

Ce texte permet de caractériser, à égale distance de l'idéalisme pur et du réalisme brut, ce qu'est l'épistémologie rationaliste de Gaston Bachelard : un rationalisme dialectique :l'histoire du progrès scientifique c'est l'histoire des contradictions résolues, et à nouveau toujours suscitées entre les théories et les faits ; non pas le rationalisme clos des systèmes métaphysiques, mais le rationalisme ouvert de la science vivante. L'histoire de la science est celle d'une révolution permanente. Non pas un progrès linéaire par accumulation d'observations, mais une histoire tourmentée et dramatique — semée de « coupures épistémologiques «. Le savoir rationnel est un savoir polémique, une incessante rectification. Sans cesse la science « se forme en se réformant «.

« COMMBNTAIRB a) Présentation du texte La science, écrit Gaston Bachelard, « crée de la philosophie >>.

Elle représente en effet la pensée vivante, dynamique.

Elle « Instruit la raison >> car la raison ne s'apparaît à elle-même telle qu'elle est et telle qu'elle devient, que dans son activité réelle, actuelle, qui est l'activité scientifique.

Le problème est alors de savoir quelle philosophie de la connaissance la science peut suggérer.

A l'époque où écrit Bachelard les avis divergent.

Emile Meyerson pense que la science accrédite avant tout un réalisme : « Les concepts créés par la science tels l'atome, la masse ou l'énergie ...

sont.

..

des choses ...

participant au carac­ tère de la chose en soi.

» Pour Brunschvicg, la science qui substitue à l'épaisseur énigmatique du monde un réseau trans­ lucide de relations mathématiques, justifierait plutôt l'idéalisme.

Ne transforme-t-elle pas la matière en idées, en formules algé­ briques transparentes pour l'esprit? Pour Bergson et ses disci­ ples, comme Edouard Le Roy, la science représente un ensemble de conventions commodes mais artificielles qui permettent plutôt de manipuler le monde que de le comprendre.

Merleau­ Ponty, plus proche de Bergson qu'il ne pense, écrit dans cet esprit que « la science manipule les choses et renonce à les habiter>>.

C'est là une interprétation nominaliste de la science.

La philosophie de Bachelard n'est pas une réflexion a posteriori sur la science déjà faite.

Elle veut tirer des enseignements du travail lui-même, de la science en train de se faire.

C'est pour­ quoi elle apparaît plus complexe et plus nuancée.

Elle ne sau­ rait être unilatérale et retient quelque chose tout à la fois du réalisme, de l'idéalisme, du nominalisme.

b) Explication détaillée « ••• Si nous étions livrés à nous-mêmes, c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance ; le monde serait notre représentation.» La connaissance immédiate, préscientifique n'est pas une con­ naissance objective.

Elle est au contraire chargée de subjectivité car nous nous projetons inconsciemment sur le monde.

«Je vois le monde comme je suis avant de le voir comme il est», disait Paul Eluard, cité par Bachelard.

Le monde de la connais­ sance immédiate coloré et divers, bruyant, pittoresque est « notre représentation >>.

Il sourit de nos joies et grimace de nos angoisses.

Le spectacle de la flamme aux formes bizarres, aux couleurs éclatantes, à la morsure cruelle ne nous dit pas ce qu'est vraiment une combustion.

Il ne nous parle que de nous­ mêmes, sollicite nos rêveries, réveille et nourrit nos désirs inconscients.

Il tourne le dos à la connaissance objective.. »

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