Vérités et validité de R. BLANCHÉ
Publié le 08/01/2020
Extrait du document
Le philosophe et logicien contemporain Robert Blanché, en développant la distinction entre vérité formelle ef vérité matérielle (ou, si l'on veut, entre analytique et synthétique), montre que la vérité formelle se résout en validité et qu’il faudrait en toute rigueur n’user du terme de vérité que pour les propositions qui ont un contenu ou une matière.
Il ne faut pas confondre la validité* D’un raisonnement avec la vérité des propositions qui le composent. Voici par exemple, deux inférences très simples :
< Tout triangle est trilatère, donc tout trilatère est triangle >
Un instant de réflexion montrera que la première inférence n’est pas valable bien que les deux propositions y soient vraies, et que la seconde est valable bien que les deux propositions y soient fausses.
On exprime souvent cette distinction en opposant, à la vérité matérielle, une vérité formelle, et en disant d’un raisonnement valide qu’il est vrai par sa forme, indépendamment de la vérité de sa matière, c’est-à-dire de son contenu (...) Qu’est-ce donc que la FORME d’un raisonnement ? et que faut-il entendre par VÉRITÉ FORMELLE ?
Considérons le syllogisme traditionnel :
Tout homme est mortel
(1) Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel.
Il est clair d’abord que la validité d’un tel raisonnement n’est nullement liée au personnage sur qui il porte : si ce raisonnement est valable pour Socrate, il le serait aussi bien pour Platon, pour Alcibiade, ou pour n’importe qui. Nous pouvons donc remplacer le nom de Socrate par une lettre x jouant le rôle d’une variable indéterminée, et marquant seulement la place pour le nom d’un homme quelconque (...). Nous pouvons donc écrire notre raisonnement sous cette forme plus schématique :
«
Tout homme est mortel
(2) x est un homme
Donc x est mortel.
Faisons un second pas.
La validité de ce raisonnement ne
dépend pas non plus des concepts qui y figurent : homme, mor
tel.
Il est donc permis de les remplacer par d'autres sans faire
perdre de sa force au raisonnement.
Pour marquer cette possi
bilité, je substituerai, là aussi, aux mots qui les désignent, des
lettres symboliques, f, g, aptes à représenter des concepts quel
conques: ce seront des variables conceptuelles.
D'où cette nou
velle présentation :
Tout f est g
(3) x est f
Donc x est g.
J'aurai ainsi dégagé l'ossature logique de mon raisonnement,
en le dépouillant progressivement de son contenu initial ( ...
).
Nous n'avons plus affaire qu'à un moule à raisonnement, qui
donnera un raisonnement quand on y coulera une matière.
Seu
lement, quelle que soit cette matière, le raisonnement sera bon,
parce que sa validité ne dépend que de la forme du moule, qui
demeure invariante.
On voit en quel sens on peut parler de la forme d'un raison
nement.
Mais on voit aussi qu'avec cette forme, la notion de
vérité semble avoir disparu ( ...
).
Notre schéma de raisonnement
n'est pas plus susceptible de vérité que ne l'était le raisonne
ment initial, il est seulement, comme lui, susceptible de vali
dité: la vérité et la fausseté ne peuvent convenir qu'aux pro
positions elles-mêmes, non à la manière de les organiser.
Robert BLANCHÉ, Introduction à la logique contemporaine, A.
Colin, 1957, pp.
9-13.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
La «vérité formelle » concerne la forme du raisonnement.
La « vérité matérielle » concerne le contenu exprimé par
chaque proposition.
« Vérité formelle » et « vérité matérielle »
relèvent donc de registres différents : on peut raisonner cor
rectement sur des propositions fausses ou raisonner incor
rectement sur des propositions vraies..
»
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