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Ce que c'est que la liberté ? Montesquieu - Esprit des lois

Publié le 23/03/2015

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montesquieu

Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté. Les uns l'ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avaient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d'élire celui à qui ils devaient obéir ; d'autres, pour le droit d'être armés, et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilège de n'être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois. Certain peuple a longtemps pris la liberté pour l'usage de porter une longue barbe. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement ; ceux qui avaient joui du gouvernement monarchique l'ont placée dans la monarchie. Enfin, chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations ; et comme, dans une république, on n'a pas toujours devant les yeux, et d'une manière si présente, les instruments des maux dont on se plaint ; et que même les lois paraissent y parler plus, et les exécuteurs de la loi y parler moins, on la place ordinairement dans les républiques, et on l'a exclue des monarchies. Et comme dans les démocraties, le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements ; et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.

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Il est vrai que dans les démocraties le peuple paraît faire ce qu'il veut ; mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut. Dans un État, c'est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir.

 

Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir.

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« Textes commentés 37 La liberté dont parle Montesquieu n'est pas une liberté métaphysique, abstraite, impersonnelle et finalement enveloppée de mystère ontologique.

Elle est une liberté concrète que l'expérience quotidienne soumet à l'épreuve de vérité.

Pourtant, même de ce point de vue, le vertige sémantique que suscite le mot de liberté est troublant.

Que l'on pense la liberté par référence à un ordre politique ou à des critères sociaux, qu'on en rapporte le concept à quelque privilège ou à une capacité d'opposition des individus, qu'on l'assimile à la condition de l'homme en tel ou tel régime, que l'on voie en elle la marque du républicanisme en confondant le « pouvoir du peuple » avec la « liberté du peuple» ...

, l'on s'expose au pluralisme des significations, ce qui suffit à faire éclater au grand jour l'indécision sémantique de ce terme pourtant si usité.

L'important est en fait de comprendre que la liberté n'est pas l'indépendance dont l'individu voudrait bien se prévaloir pour valoriser et vanter son libre­ arbitre ou son pouvoir de choix.

Avant que n'émerge dans la philosophie l'idée d'inter-subjectivité, Montesquieu avait pressenti l'impossibilité de l'autarcie individuelle.

Nul, jamais, n'est indépendant des autres.

Comme Grotius et Pufendorf, Montesquieu sait l'importance de la socialité.

Lors donc qu'il est question, tout spécialement, de la liberté politi9ue des citoyens, celle-ci ne peut se comprendre sans se référer aux lois de l'Etat dans lequel se déroule leur existence.

Elle désigne « le droit de faire tout ce que les lois permettent ».

Autrement dit, la liberté n'est pas un fait ; elle n'est pas un donné ; tout au contraire, elle se définit comme un droit -non pas un «droit naturel» (dont Montesquieu, au demeurant, parle bien peu), ni même un « droit subjectif» inhérent à la nature ou à la dignité de l'homme, mais comme un droit que définit la loi.

La liberté politique possède donc, fondamentalement, un statut juridique qui en détermine la forme et le contenu.

C'est aux lois de l'État qu'il appartient de la constituer et de la protéger.. »

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