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« MON FAUST » de Paul Valéry (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

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« MON FAUST ». Ébauches. Études de Paul Valéry (1871-1945), publiées à Paris aux Éditions des Cent Une en 1941. Le recueil comprend deux pièces inachevées : Lust ou la Demoiselle de cristal et le Solitaire ou les Malédictions d'Univers.

 

Selon la Préface « au lecteur de bonne foi et de mauvaise volonté », ces quelques actes devaient faire partie « d'un IIIe Faust qui pourrait comprendre un nombre indéterminé d'ouvrages [...] : vers ou prose selon l'humeur, productions parallèles, indépendantes, mais qui, je le savais, n'existeraient jamais ».

 

Lust (comédie). Faust dicte à sa secrétaire Lust son grand ouvrage, à la fois traité et Mémoires. Arrive Méphistophélès, que Faust qualifie de « démodé » et auquel il propose un échange de pouvoirs. Il veut noter les réactions du diable au spectacle de sa propre déchéance. Le diable signe un pacte avec Faust et fait une démonstration de sa puissance à Lust (Acte I). Un Disciple exalté rend visite à Faust mais celui-ci le refroidit par son amertume et le met en garde contre l'amour. Le diable emporte le jeune homme avec lui. Par une belle soirée, Faust et Lust éprouvent une très vive attirance l'un vers l'autre (Acte II). Les créatures de Méphistophélès dansent autour du Disciple endormi. Le diable a décidé de le leur livrer ainsi que Lust Après avoir tenté la jeune fille qui lui résiste, le diable s'en prend au Disciple auquel il démontre dans la bibliothèque l'inanité de l'esprit humain. Le Disciple tente de séduire Lust qui est touchée mais se refuse à lui. «Vous me rendez au diable ! », s'écrie le jeune homme (Acte III). Le dernier acte manque.

 

Le Solitaire (féerie dramatique). Faust et Méphistophélès arrivent au sommet glacial d'une montagne. Le diable rebrousse chemin. Faust rencontre un solitaire qui l’insulte et se livre à une vigoureuse critique de l’esprit inutile et prostitué, loin de toute pureté. Le Solitaire finit par

précipiter Faust dans l'abîme pour préserver sa tranquillité (Acte I). Faust est sauvé et recueilli par des fées. L'une d'elles le ressuscite d'un baiser. Les fées veulent le rendre à la vie en roi, mais « excédé d’être une créature », il refuse leurs dons (Acte II). L'acte III manque.

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« situation dramatique de départ est-elle rigoureusement inverse de celle du Faust de Goethe, puisqu'ici c'est le dia­ ble qui paraît en position d'infériorité face à un Faust rev enu de tout et symbole de la liberté de l'esp rit.

«Tu m'appartiens>>, finit-il par dire au dia­ ble.

Mais cette inversion du pacte ne sera pas poussée à son terme dans les actes suivants par un Faust dont les préoccupations sont ailleurs ; et Méphistophélès gardera l'initiative en s'en prenant à ces cibles périphériques que sont Lu st et le Disciple.

De son 'abaissement naît toutefois dans la seconde pièce la figure compensatrice du Solitaire, «monstre de bon sens [ ...

] pire que le diable >>, puissance de néga­ tion absolue qui refuse l'esprit et situe toute pureté dans l'incommunicable.

Le mythe faustien revu et amplifié par Valéry est utilisé à des fins essen­ tiellement critiques.

La critique .

du génie amorcée par un Faust désabusé - «Mon génie n'est que mon habitude de faire ce qu e je puis » -est magistra­ lement relayée par un Méphistophélès retrouvant tous ses moyens dès lors qu'il s'agit de convaincre le Disciple de l 'inanité des prétentions humaines.

À l'échelle de l'immensité des temps, la singularité des êtres, fussent-ils les plus exceptionnels, se noie dans « la sura­ bondance de ce qu'il y a de plus rare »; Quant à leurs œuvres, elles ne sont bonnes qu'à venir s'ajouter à « l'édifice monumental de l'I LUS IBLE ».

Poètes, his­ toriens, philosophes, hommes de foi, hommes de sdence se livrent au même > où fina lem ent les défaites pourraient bien valoir les victoires.

Fau st,.

parvenu au plus haut po int de la sagesse humaine, a compris que sein traité et ses Mémoires, son œuvre et sa vie ne devaient plus faire qu'un.

En la délicieuse compagnie de Lu st, il éla­ bore un art de vivre proche de celui de Montaigne : «Je vis.

Et je ne vais que vivre.

Voilà une œuvre ...

>> Méphis -tophélès n'a pas de prise sur ce désir où les « convulsions grossières » de l'amour physique n'ont que fort peu de part.

Un fragment nous laisse entre­ voir ce qu'aurait pu être la communion des deux amants dans ce quatrième acte, jamais écrit, de Lust : «Nous serions comme des dieux, dit Faust, nos esprits feraient l'amour l'un avec l'autre.

,, Mais cet accomplissement spirituel n'a pu trou ver sa forme dra­ matique.

Si le Solitaire souffre gravement de son inachèvement et peut-être aussi de son hésitation formelle (la moitié de l 'acte II est en vers rimés), Lust est une pièce alerte, pleine de trouvailles dra­ matiques et d'humour .

La forte pré­ sence des trois personnages principaux est relayée par la naïveté du Disciple et par le joyeux machiavélisme de trois créatures, avatars de Méphistàphélès : Astaroth qui grignote et ne cesse de grincer ; Goungoune, incube-succube qui susci te des songes dejuxure; Bélial enfin qui souille et infecte.

Ces deux pièces incomplètes donnent la mesure de ce que Valéry aurait pu accomplir dans le domaine du théâtre s'il y était pleinement consacré.

Elles sont le reflet de son hésitation , exprimée dans l'article «Mes théâtres» (1942), entre l'inspiration du « Guignol >> et celle du «Temple»; c'est ·à·dire entre « l'ex · trême vivacité des actes, [les ] surprises du dialogue, [ ..

.

] l'étincellement des répliques » et «une manière de litur­ gie >> liée à notre .. »

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