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XXIV Deux ou trois jours après, quand je me fus bien installé dans ma chambre, que j'eus fait plusieurs courses dans Londres et commandé à mes fournisseurs tout ce dont j'avais besoin, M.

Publié le 15/12/2013

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XXIV Deux ou trois jours après, quand je me fus bien installé dans ma chambre, que j'eus fait plusieurs courses dans Londres et commandé à mes fournisseurs tout ce dont j'avais besoin, M. Pocket et moi nous eûmes une longue conversation ensemble. Il en savait plus sur ma carrière future que je n'en savais moi-même, car il m'apprit que M. Jaggers lui avait dit que n'étant destiné à aucune profession, j'aurais une éducation suffisante, si je pouvais m'entretenir avec la pension moyenne que reçoivent les jeunes gens dont les familles se trouvent dans une bonne situation de fortune. J'acquiesçai, cela va sans dire, ne sachant rien qui allât à l'encontre. Il m'indiqua certains endroits de Londres où je trouverais les rudiments des choses que j'avais besoin de savoir, et moi je l'investis des fonctions de directeur et de répétiteur pour toutes mes études. Il espérait qu'avec une direction intelligente, je ne rencontrerais que peu de difficultés et serais bientôt en état de me dispenser de toute autre aide que la sienne. Par le ton avec lequel il me dit cela, et par beaucoup d'autres choses semblables, il sut admirablement gagner ma confiance, et je puis dire dès à présent qu'il remplit toujours ses engagements envers moi, avec tant de zèle et d'honorabilité, qu'il me rendit zélé à remplir honorablement les miens envers lui. S'il m'avait montré l'indifférence d'un maître, je lui aurais, en retour, montré celle d'un écolier ; il ne me donna aucun prétexte semblable, et nous agissions tous deux avec une égale justice. Je ne le considérai jamais comme un homme ayant quelque chose de grotesque en lui, ou quoi que ce soit qui ne fût sérieux, honnête et bon dans ses rapports de professeur avec moi. Une fois ces points réglés, et quand j'eus commencé à travailler avec ardeur, il me vint dans l'idée que, si je pouvais garder ma chambre dans l'Hôtel Barnard, mon existence serait agréablement variée, et que mes manières ne pourraient que gagner dans la société d'Herbert. M. Pocket ne fit aucune objection à cet arrangement ; mais il pensa qu'avant de rien décider à ce sujet, il devait être soumis à mon tuteur. Je compris que sa délicatesse venait de la considération, que ce plan épargnerait quelques dépenses à Herbert. En conséquence, je me rendis dans la PetiteBretagne, et je fis part à M. Jaggers de mon désir. « Si je pouvais acheter les meubles que je loue maintenant, dis-je, et deux ou trois autres petites choses, je serais tout à fait comme chez moi dans cet appartement. - Faites donc, dit M. Jaggers avec un petit sourire, je vous ai dit que vous iriez bien. Allons, combien vous faut-il ? » Je dis que je ne savais pas combien. « Allons, repartit M. Jaggers, combien ?... cinquante livres ? - Oh ! pas à beaucoup près autant. - Cinq livres ? » dit M. Jaggers. C'était une si grande chute, que je dis tout désappointé : « Oh ! plus que cela. - Plus que cela ? Eh ?... dit M. Jaggers, en se posant pour attendre ma réponse, les mains dans ses poches, la tête de côté et les yeux fixés sur le mur qui était derrière moi : combien de plus ? - Il est si difficile de fixer une somme, dis-je en hésitant. - Allons, dit M. Jaggers, arrivons-y : deux fois cinq, est-ce assez ?... trois fois cinq, est-ce assez ?... quatre fois cinq, est-ce assez ?... » Je dis que je pensais que ce serait magnifique. « Quatre fois cinq feront magnifiquement votre affaire, vraiment ! dit M. Jaggers en fronçant les sourcils, et que faites-vous de quatre fois cinq ? - Ce que j'en fais ? - Ah ! dit M. Jaggers, combien ? - Je suppose que vous en faites vingt livres, dis-je en souriant. - Ne vous inquiétez pas de ce que j'en fais, mon ami, observa M. Jaggers, en secouant et en agitant sa tête d'une manière contradictoire ; je veux savoir ce que vous en ferez, vous ? - Vingt livres naturellement ! - Wemmick ! dit M. Jaggers en ouvrant la porte de son cabinet, prenez le reçu de M. Pip et comptez-lui vingt livres. » Cette manière bien accusée de traiter les affaires me fit une impression très profonde, et qui n'était pas des plus agréables. M. Jaggers ne riait jamais, mais il portait de grandes bottes luisantes et craquantes, et en appuyant ses mains sur ses bottes, avec sa grosse tête penchée en avant et ses sourcils rapprochés pour attendre ma réponse, il faisait craquer ses bottes, comme si elles eussent ri d'un rire sec et méfiant. Comme il sortit en ce moment, et que Wemmick était assez causeur, je dis à Wemmick que j'avais peine à comprendre les manières de M. Jaggers. « Dites-lui cela, et il le prendra comme un compliment, répondit Wemmick. Il ne tient pas à ce que vous le compreniez. Oh ! ajouta-t-il, car je paraissais surpris, ceci n'est pas personnel ; c'est professionnel... professionnel seulement. » Wemmick était à son pupitre ; il déjeunait et grignotait un biscuit sec et dur, dont il jetait de temps en temps de petits morceaux dans sa bouche ouverte, comme s'il les mettait à la poste. « Il me fait toujours l'effet, dit Wemmick, de s'amuser à tendre un piège à homme, et de le veiller de près. Tout d'un coup, clac ! vous êtes pris ! » Sans remarquer que les pièges à hommes n'étaient pas au nombre des aménités de cette vie, je dis que je le supposais très adroit. « Profond, dit Wemmick, comme l'Australie, en indiquant avec sa plume le parquet du cabinet, pour faire comprendre que l'Australie était l'endroit du globe le plus symétriquement opposé à l'Angleterre. S'il y avait quelque chose de plus profond que cette contrée, ajouta Wemmick en portant sa plume sur le papier, ce serait lui. » Je lui dis ensuite que je supposais que le cabinet de M. Jaggers était une bonne étude. À quoi Wemmick répondit : « Excellente ! » Je lui demandai encore s'ils étaient beaucoup de clercs. Il me dit : « Nous ne courons pas beaucoup après les clercs, parce qu'il n'y a qu'un Jaggers, et que les clients n'aiment pas à l'avoir de seconde main. Nous ne sommes que quatre. Voulez-vous voir les autres ? Je puis dire que vous êtes des nôtres. » J'acceptai l'offre. Lorsque M. Wemmick eut mis tout son biscuit à la poste et m'eut compté mon argent, qu'il prit dans la cassette du coffre-fort, la clef duquel coffre-fort il gardait quelque part dans son dos, et qu'il l'eût tirée de son collet d'habit comme une queue de cochon en fer, nous montâmes à l'étage supérieur. La maison était sombre et poussiéreuse, et les épaules graisseuses, dont on voyait les marques dans le cabinet de M. Jaggers semblaient s'être frottées depuis des années contre les parois de l'escalier. Sur le devant du premier étage, un commis qui semblait être quelque chose d'intermédiaire entre le cabaretier et le tueur de rats, gros homme pâle et bouffi, était très occupé avec trois ou quatre personnages de piètre apparence, qu'il traitait avec aussi peu de cérémonie qu'on paraissait traiter généralement toutes les personnes qui contribuaient à remplir les coffres de M. Jaggers. « En train de trouver des preuves pour Old Bailey », dit M. Wemmick en sortant. Dans la chambre au-dessus de celle-ci, un mollasse petit basset de commis, aux cheveux tombants, dont la tonte semblait avoir été oubliée depuis sa plus tendre enfance, était également occupé avec un homme à la vue faible, que M. Wemmick me présenta comme un fondeur qui avait son creuset toujours brûlant, et qui me fondrait tout ce que je voudrais. Il était dans un tel état de transpiration, qu'on eût dit qu'il essayait son art sur lui-même. Dans une chambre du fond, un homme haut d'épaules, à la figure souffreteuse, enveloppé d'une flanelle sale, vêtu de vieux habits noirs, qui avaient l'air d'avoir été cirés, se tenait penché sur son travail, qui consistait à faire de belles copies et à remettre au net les notes des deux autres employés, pour servir à M. Jaggers. C'était là tout l'établissement. Quand nous regagnâmes l'étage inférieur, Wemmick me conduisit dans le cabinet de M. Jaggers, et me dit : « Vous êtes déjà venu ici. - Dites-moi, je vous prie, lui demandai-je, en apercevant encore les deux bustes au regard étrange, quels sont ces portraits ? - Ceux-ci, dit Wemmick, en montant sur une chaise et soufflant la poussière qui couvrait les deux horribles têtes

« – Ne vous inquiétez pasdeceque j’enfais, mon ami,observa M. Jaggers, ensecouant eten agitant satête d’une manière contradictoire ; jeveux savoir ceque vous enferez, vous ? – Vingt livresnaturellement ! – Wemmick ! ditM. Jaggers enouvrant laporte deson cabinet, prenezlereçu deM. Pip etcomptez-lui vingt livres. » Cette manière bienaccusée detraiter lesaffaires mefitune impression trèsprofonde, etqui n’était pasdes plus agréables.

M. Jaggers neriait jamais, maisilportait degrandes bottesluisantes etcraquantes, eten appuyant sesmains sur ses bottes, avecsagrosse têtepenchée enavant etses sourcils rapprochés pourattendre maréponse, ilfaisait craquer sesbottes, comme sielles eussent rid’un riresecetméfiant.

Commeilsortit encemoment, etque Wemmick était assez causeur, jedis àWemmick quej’avais peineàcomprendre lesmanières deM. Jaggers. « Dites-lui cela,etille prendra commeuncompliment, réponditWemmick.

Ilne tient pasàce que vous le compreniez.

Oh !ajouta-t-il, carjeparaissais surpris,cecin’est paspersonnel ; c’estprofessionnel...

professionnel seulement. » Wemmick étaitàson pupitre ; ildéjeunait etgrignotait unbiscuit secetdur, dont iljetait detemps entemps de petits morceaux danssabouche ouverte, commes’illes mettait àla poste. « Il me fait toujours l’effet,ditWemmick, des’amuser àtendre unpiège àhomme, etde leveiller deprès.

Tout d’un coup, clac !vousêtespris ! » Sans remarquer quelespièges àhommes n’étaient pasaunombre desaménités decette vie,jedis que jele supposais trèsadroit. « Profond, ditWemmick, commel’Australie, enindiquant avecsaplume leparquet ducabinet, pourfaire comprendre quel’Australie étaitl’endroit duglobe leplus symétriquement opposéàl’Angleterre.

S’ilyavait quelque chose deplus profond quecette contrée, ajoutaWemmick enportant saplume surlepapier, ceserait lui. » Je lui dis ensuite quejesupposais quelecabinet deM. Jaggers étaitunebonne étude.

Àquoi Wemmick répondit : « Excellente ! » Je lui demandai encores’ilsétaient beaucoup declercs.

Ilme dit : « Nous necourons pasbeaucoup aprèslesclercs, parcequ’iln’yaqu’un Jaggers, etque lesclients n’aiment pasà l’avoir deseconde main.Nousnesommes quequatre.

Voulez-vous voirlesautres ? Jepuis direquevous êtesdes nôtres. » J’acceptai l’offre.Lorsque M. Wemmick eutmis tout sonbiscuit àla poste etm’eut compté monargent, qu’ilprit dans lacassette ducoffre-fort, laclef duquel coffre-fort ilgardait quelque partdans sondos, etqu’il l’eût tirée deson collet d’habit comme unequeue decochon enfer, nous montâmes àl’étage supérieur.

Lamaison étaitsombre et poussiéreuse, etles épaules graisseuses, dontonvoyait lesmarques danslecabinet deM. Jaggers semblaient s’être frottées depuisdesannées contrelesparois del’escalier.

Surledevant dupremier étage,uncommis quisemblait être quelque chosed’intermédiaire entrelecabaretier etletueur derats, groshomme pâleetbouffi, étaittrèsoccupé avec trois ouquatre personnages depiètre apparence, qu’iltraitait avecaussi peudecérémonie qu’onparaissait traiter généralement touteslespersonnes quicontribuaient àremplir lescoffres deM. Jaggers. « En train detrouver despreuves pourOldBailey », ditM. Wemmick ensortant. Dans lachambre au-dessus decelle-ci, unmollasse petitbasset decommis, auxcheveux tombants, dontlatonte semblait avoirétéoubliée depuissaplus tendre enfance, étaitégalement occupéavecunhomme àla vue faible, que M. Wemmick meprésenta commeunfondeur quiavait soncreuset toujours brûlant,etqui me fondrait toutceque je voudrais.

Ilétait dans untel état detranspiration, qu’oneûtditqu’il essayait sonartsur lui-même.

Dansunechambre du fond, unhomme hautd’épaules, àla figure souffreteuse, enveloppéd’uneflanelle sale,vêtudevieux habits noirs, qui avaient l’aird’avoir étécirés, setenait penché surson travail, quiconsistait àfaire debelles copies etàremettre au net lesnotes desdeux autres employés, pourservir àM. Jaggers. C’était làtout l’établissement.

Quandnousregagnâmes l’étageinférieur, Wemmick meconduisit danslecabinet de M. Jaggers, etme dit : « Vous êtesdéjà venu ici. – Dites-moi, jevous prie,luidemandai-je, enapercevant encorelesdeux bustes auregard étrange, quelssontces portraits ? – Ceux-ci, ditWemmick, enmontant surune chaise etsoufflant lapoussière quicouvrait lesdeux horribles têtes. »

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