Lettre d'un instituteur à l'un de ses anciens élèves qui est tombé au sort et qui devance l'appel en s'engageant volontairement

« 1 ! 1 D'lNSTHUCTlON MOI\ALE ET RELIGIEUSE.

119 même que vous embrassez, que pour la résignation avec laquelle vous acceptez l'arrêt du sort.

Votre voca­ tion ne vous appelait pas sous les drapeaux; mais il s'agissait de payer votre dette à la patrie, et, à défaut de vocation, le sentiment du devoir vous a fait militaire.

Vous avez devant vous, un bel avenir, je l'espère; mais vous rencontrerez sur votre route bien des écueils que je veux vous signaler afin de vous les faire plus aisé­ ment éviter; écoutez donc mes conseils, les derniers peut-être que j'aurai à vous adresser.

Je ne vous parlerai pas, mon jeune ami, des qualités brillantes qu'il vous faudra montrer et que l'uniforme seul semble donner à ceux qui l'endossent.

Vous au­ rez du courage, vous aurez de l'intrépidité, parce que vous êtes un homme d'honneur et que vous êtes Fran­ çais; mais saurez-vous résister aux entraînements mêmes de votre état? Saurez-vous conserver, au milieu des exemples fâcheux qui vous entoureront, ces vertus modestes qui font de vous un bon fils et un brave jeune homme? C'est ce dont je voudrais être sûr; et c'est vers ce but surtout que je vous recommande de tour­ ner vos regards.

Il semble à bien des jeunes gens qui embrassent l'état militaire, que l'épaulette justifie des excès dont ils rougiraient dans les conditions ordinaires de la vie.

Ils se laissent aller à l'intempérance, ce vice honteux qui paralyse les généreux instincts du cœur, détruit une à une les ressources de l'intelligence, et use les for­ ces du corps.

Ils deviennent querelleurs et sont tou­ jours prêts, quand il s'agit de satisfaire un faux point. »