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À quelles conditions peut-on considérer que l'on est un bon lecteur ?

Publié le 24/02/2011

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La question semble supposer que ce bon lecteur existe. Quels sont selon vous les conditions et les critères qui définissent le « bon lecteur « ? Cherchez dans votre manuel et dans votre expérience idées et exemples à l'appui de cette thèse.    Mais dire qu'il y a de « bons lecteurs « ne suppose-t-il pas qu'il puisse y en avoir de mauvais ? Dressez en face du portrait-robot du bon lecteur le portrait du mauvais lecteur. Qu'en concluez-vous ? Le bon et le mauvais lecteur existent-ils dans l'absolu ?   

« La qualité de notre lecture dépend en premier lieu des conditions matérielles, mentales et morales de sa réalisation.Il faut pouvoir se concentrer pour bien lire.

Ce recueillement supporte mal la foule et le vacarme.

Distraits par lebruit, par exemple, nous laissons le monde extérieur brouiller la communication entre le livre et nous.

Même cheznous, le téléphone ou la télévision, la musique ou les discussions de notre famille nous gênent. Mais il ne suffit pas de s'abstraire du monde extérieur pour pénétrer dans l'univers caché du livre.

Il faut aussi fairele vide en soi.

« Je tire, les rideaux de ma chambre, je m'étends sur un divan, tout décor aboli, je m'ignore moi-même : seule subsiste la page noire et blanche que parcourt mon regard », explique S.

de Beauvoir, dans Toutcompte fait.

Le lecteur inquiet et préoccupé qui ne fait pas abstraction de lui-même, ne tire aucun profit de salecture.

Au mieux il se réfugie dans les lectures faciles qui ne demandent aucun effort : romans photos, romans « àl'eau de rose ».

Comme Emma Bovary, dans le roman du même nom de G.

Flaubert, il peut même s'irriter contre lesouvrages s'ils réclament une attention soutenue.

Il rejette ce qui le dérange et condamne ce qu'il ne comprend pas.Il ne sort jamais de lui-même. Le bon lecteur, lui, recherche une forme plus haute d'évasion.

Il veut être « distrait » ; le livre doit le « divertir » deses tracas.

On peut être bon lecteur dans les pires moments de sa vie : il suffit pour cela de choisir des livres quinous aident.

« Il n'est pas un chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé.

» Cette formule de Montesquieu supposeque nous mettions le monde entre parenthèses le temps de notre lecture.

Julien Sorel, dans Le Rouge et le Noir deStendhal, plongé dans sa lecture, n'entend pas la terrible voix de son père. Cette évasion pourtant ne suffit pas.

Le bon lecteur choisit tel livre car il répond à un besoin qui fait naître en lui ledésir de lire.

« Les lectures comme les voyages, les repas, ne prennent de valeur que par le besoin qu'on en a », ditRoger Martin du Gard.

On ne saurait d'ailleurs bien lire par contrainte.

D.

Pennac explique dans Comme un roman qu'ilest aussi absurde d'ordonner à un adolescent de lire que de le forcer à rêver.

On lit mal quand on n'a pas envie delire et on prend la lecture en grippe.

Seule une démarche volontaire permet de surmonter l'échec d'une fausserencontre ou d'une déception. Le désir de lire peut aussi combler le vide de l'absence.

Prisonniers et retraités échappent à l'enfermement du corpset de l'esprit par la lecture.

Grâce au dialogue avec l'auteur, ils s'évitent même parfois de devenir fous.

Lorsqu'ilcesse ses activités politiques, Montaigne conjure par la lecture et l'écriture ce qu'il nomme la dispersion de sonesprit.

Récemment encore J.-P.

Kaufmann a rappelé le rôle capital de la lecture dans la vie des otages. L'envie de lire peut aussi dériver du souci de compenser la médiocrité d'un quotidien décevant ou d'aider à franchirun moment crucial de l'existence.

Mathilde de La Mole, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, lit les œuvres deVoltaire et les romans héroïques pour oublier qu'elle appartient à une aristocratie conformiste et sans panache.L'intérêt qu'on prend à un sujet fait de nous, sinon de bons lecteurs, du moins des lecteurs actifs, attentifs etassidus, parfois même voraces.

Cette voracité de l'enfance s'explique par la soif de connaître.

Du Bellay au XVIesiècle voulait que l'on « feuillette d'une main nocturne et journelle les exemplaires grecs et latins ».

Gargantua, dansle roman de Rabelais, fait même apporter ses livres à table.

Seul l'appétit de connaissances stimule et motive lelecteur.

L'intérêt et le plaisir grandissent à mesure que reculent indéfiniment les bornes du savoir.

Cela nous aconduit à lire avec délectation les écrits les plus difficiles. Quel que soit notre état d'esprit, nous ne sommes plus indifférents.

Nous sommes devenus des lecteurs.

Maissommes-nous pour autant de bons lecteurs ? Pour être un bon lecteur il ne faut pas seulement être attentif, actif et assidu.

Il faut avoir de l'imagination et de lasensibilité.

Il faut mettre intelligence et esprit critique au service d'un texte.

Moins on lit, moins on sait lire.

Le premier devoir du bon lecteur est donc de s'entraîner.

Seule l'habitude luipermettra de se repérer dans un dédale de signes et de maîtriser la pensée de l'auteur.

Le livre est un étranger pourle lecteur occasionnel que guette l'illettrisme : il hésite sur les mots, relit trois fois avant de comprendre.

Mais le bonlecteur, s'il est consciencieux, ne survole pas le livre pour paraître l'avoir lu.

Il ne le feuillette pas d'une main lâche :il s'arrête par exemple aux passages difficiles et, crayon à la main, étudie le texte qu'il veut dominer.

C'est saparticipation très active.

Selon R.

Pingaud le bon lecteur est « celui qui discute, qui, à chaque page, à chaquephrase, trouve des raisons de s'interroger, qui va et vient sans respect de la belle ordonnance ».

Il savoure parailleurs son livre avec délectation, la lecture associant le plaisir de l'intellect et celui des sens.

Le lecteur estsensible à la beauté de l'objet qu'il a en mains : format, reliure, papier et caractères participent de son plaisir.

Car lalecture procède d'un échange qui commence par une prise de possession matérielle : « Ma lecture devintvampirique.

J'étais un poulpe, toutes mes ventouses appliquées sur la proie que je ne lâchais plus avant d'avoir lesentiment de la posséder », comme l'explique de façon imagée J.-L.

Curtis dans Questions à la littérature. Plus encore, nous récréons le texte en le vivant.

Pour G.

Bachelard lire un poème c'est modeler notre rythmeintérieur sur celui de l'auteur.

Cette perméabilité au contenu du texte nous permet de revivre de l'intérieur lessensations qu'il évoque et de mieux comprendre ainsi les autres.

Lecteurs de romans ou de pièces de théâtre, nousnous identifions aux personnages dont nous vivons les émotions en direct.

Le lecteur qui ne sent pas la poudred'arsenic lui brûler la gorge quand il voit mourir Emma Bovary, dans le roman de G.

Flaubert, est peut-être un très. »

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