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A quoi bon jouer ?

Publié le 06/08/2005

Extrait du document

Dès lors, l'activité du jeu ne peut se mettre en place et se maintenir que dans la nette conscience de sa distinction avec le reste de la vie, ses tâches et ses soucis. On ne fait son entrée sur cette scène et dans ce temps spécifiques qu'en maintenant la conscience d'un indice imaginaire qui, d'emblée, marque sa différence en s'annonçant en comme si. La scène offerte au jeu est une portion délimitée de l'espace du monde, son temps est une portion du temps de la vie. La délimitation de ce « ici » et de ce « moment » particuliers indique une frontière dont les hommes ne peuvent se passer et qu'ils ne peuvent impunément franchir. Une frontière invisible mais essentielle, parce que vitale. L'imaginaire n'est pas le réel, ils ne peuvent pas plus se confondre que ne le peuvent le vrai et le faux, le juste et l'injuste, le bien et le mal. Si, en effet, le rêve auquel le jeu donne consistance est ouverture sur une part encore insoupçonnée de la vie il ne saurait impunément se donner pour la vie elle-même. Portion d'espace, il ne peut absorber tout l'espace, portion du temps, il ne peut plier la totalité du temps à sa loi. Ce qui est façon de souligner la limite de la formule de Schiller. Il est vrai que « l'homme ne joue que là où, dans la pleine acception de ce mot, il est homme ».

Dans le cours ordinaire de leur vie, les hommes sont soumis à d’innombrables contraintes. Pour subvenir à leurs besoins, se protéger des intempéries et des périls ils doivent prendre place dans le réseau des diverses activités qui tissent le lien social et s’y plier vaille que vaille, comme se plier aux règles et coutumes qui ordonnent le vivre ensemble. Et, qu’il y soit contraint ou bien qu’il s’y adonne de son plein gré, celui qui travaille n’est plus tout à fait un enfant. Il a, déjà, quitté le temps de son enfance, l’époque de l’insouciance et de ses fantaisies. Cependant, ce temps qu’il a quitté l’être humain ne l’a jamais tout à fait perdu et, sitôt qu’il se remet à jouer, il retourne, d’une façon ou d’une autre, à son enfance. Le jeu est, en effet, toujours, pour une part, le retour de l’enfance dans l’homme, ce temps qui ne sait encore rien ou ne veut rien savoir des contraintes imposées par la vie et des violences des rapports interhumains.

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