Devoir de Philosophie

A-t-on besoin d'utopie ?

Publié le 13/08/2005

Extrait du document

  III - Nietzsche et la critique de l'idéal ascétique  Pour Bergson, le besoin d'utopie apparaît donc, sous l'espèce de la fonction fabulatrice, comme un besoin vital, une manière d'assurer la perpétuation de la vie, malgré l'homme et ses réticences rationnelles. Cependant, ce point de vue va être mis en question par la critique nietzschéenne de l'idéal ascétique. Derrière la notion d'idéal ascétique transparaît bien la thèse d'un idéal, d'une utopie, d'une chimère qui agite l'esprit des hommes, dans le but de les détourner de l'essentiel. Nietzsche reconnaît bien, comme Bergson, qu'il y a derrière l'utopie un besoin de réconfort et de sécurité. Toutefois, il se refuse à faire de ce besoin le signe de toute vie ; précisément, Nietzsche considère que le besoin d'utopie est le signe d'une vie faible, d'une vie malade, qui ne supporte pas la vie telle qu'elle se présente. En effet, pour Nietzsche, l'idéal, l'utopie revient à bâtir un monde en contradiction avec le nôtre : alors que tout est changeant et en devenir, l'utopie présente un monde stable et sans cesse reconnaissable ; tandis que nous luttons, l'utopie nous propose une vie collective où tous les hommes vivent dans l'amour mutuel ; tandis que nous souffrons, l'utopie nous promet le bonheur. Bref, l'utopie n'exprime que le besoin de réconfort qu'une vie déclinante éprouve pour survivre. De ce point de vue, la vie collective qu'elle est propose en est un symptôme. De fait, qu'il s'agisse des utopies de Platon, de More et de Saint-Simon ou du christianisme, comme religion pourvoyeuse de mythes, il en ressort la promesse constante d'une vie collective harmonieuse, d'une vie heureuse qui s'adresserait à tous. Or, pour Nietzsche, tel est le signe d'une vie faible, prête à accepter des valeurs applicables à tous, au lieu de créer elle-même ses propres valeurs.

 Avant d’être un nom commun, synonyme de chimère, de rêve ou de projet irréalisables, l’utopie est d’abord le nom d’une œuvre et, par glissement de sens, celui d’un genre littéraire ; on parle ainsi des utopies de Saint-Simon, d’Owen, de Fourier, etc. Or, d’une manière générale, les utopies possèdent une teneur sociopolitique, critiquant les maux de la société et proposant une alternative dans un nouveau modèle de société. Cependant, s’il faut nous interroger sur la teneur de l’utopie comprise en ce sens, la présence du terme « besoin « dans notre libellé nous invite à prendre en considération l’utopie en un sens large, comme structure de l’imaginaire. L’utopie n’est alors pas très éloignée de l’idéal, c’est-à-dire de la perfection rêvée aussi bien de ce qui masque ou voile la réalité, pour rependre les mots de Nietzsche. De ce point de vue, si l’utopie politique se veut réformatrice et progressiste, l’utopie-idéal pourrait renvoyer à un mécanisme de défense, une manière instinctive de fuir le réel, car qu’évoque le besoin si ce n’est une exigence vitale.

« nommés rois (V, 473 cd), seuls susceptibles de commander, en vertu de leur science de l'Un, de copier le bonheurde l'ordre essentiel sur lequel ils ont les yeux rivés, de placer par conséquent la loi (ordre et mesure) sous ladépendance du Bien dont tout ordre procède, de modeler les moeurs afin qu'elles gagnent leur repos, et au besoind'inventer les récompenses grâce auxquelles obtenir l'obéissance des citoyens sans recours à la violence physique.La cohésion sociale la meilleure touche à la justice par le fait que chaque individu, chaque classe sociale y accomplitsa tâche propre, propre à contribuer à l'ordre de l'ensemble, sans débordement.

L'essence du Bien manifestée dansle monde sublunaire, finalement illustrée dans l'âme de l'homme politique formé à la connaissance de l'Un par l'ascèsequi lui apprend à se gouverner soi-même — dans l'amour et sans violence, en se préparant à son rôle —, permet àce dernier d'organiser la cité juste en une hiérarchie dans laquelle la fonction de chaque partie (besoin [chréia],échange ou classe sociale) est déterminée par les exigences de l'unité.Cette Callipolis, cette belle cité (de callos, ce qui brille, illumine), réfute toutes sortes de mélanges et de médiations.Il en résulte que les trois classes de citoyens qui la constituent se juxtaposent et accomplissent leur fonctionspécifique en représentant en même temps trois vertus de l'âme renvoyant aux trois parties (désir,volonté, raison) d'une âme qui sera un jour jugée par le tribunal des Enfers : les producteurs chargés, dans le labeuret l'obéissance, de nourrir la collectivité font preuve de tempérance ; les guerriers, ses défenseurs, s'attachent aucourage ; et les archontes (magistrats), décidant et commandant, manifestent la sagesse.Étant admis qu'une éducation politique du producteur n'est pas envisagée, les autres statuts sociaux diffèrentautant que les éducations divergent.

Celle des gardiens (de métier), associant en communauté des hommes et desfemmes, passe par la gymnastique (exercice, vitesse, vigueur et souplesse) et la musique (rythme, régularité,relation).

Elle aboutit à la formation d'une âme capable de faire abstraction de soi en vue du bien de la cité, dominéepar le courage et non le désir.

Parce que les magistrats accomplissent la fonction suprême, il convient de leurinculquer la science du gouvernement (de la mesure), la science qui donne la primauté à son possesseur parce queson âme accède alors à l'équilibre.Dialectique, nous l'avons dit, se nomme cette science grâce à laquelle l'homme d'État saisit le principe.

Elles'accompagne de la formation d'une disposition aux mathématiques (science de la série des nombres) et à seconduire soi-même en décidant (phronésis, prudence).

Alors, seulement, le royal tisserand peut-il travailler àtranscrire sur le modèle du Bien les bonnes lois opérant une harmonie entre les citoyens émiettés.

Son objet ? Qu'ilsse rendent mutuellement service afin de préserver du désordre des pulsions l'imité de la cité ! Contre des modèles politiques disharmonieux, Platon propose donc un modèle de Cité où chacun connaît sa place, y accomplit la tâche qui lui convient et participe au bien-être général, la justice et l'unité s'imposant d'elles-mêmes.

Ce modèle se fondant, pour Platon, sur la connaissance des Idées, c'est-à-dire une connaissance idéale. II – Bergson : la fonction fabulatrice Si l'on en croit l'exemple platonicien, il est indéniable que l'utopie possède une dimension clairement politique.

Elle se distingue en cela du mythe de l'âged'or ou de la découverte de l'Eldorado, où l'onirique occupe toute la place, c'est-à-dire où le rêve fantasmé d'une vie meilleure, bienheureuse et soustraite aulabeur est prédominant.

Toutefois, en tant qu'elles révèlent la production d'unidéal, proprement fictif et irréel, les utopies ressortissent aux productions del'imaginaire ; en ce sens, on peut les ramener, avec les mythes et lesconstructions religieuses (mythe de l'Eden, Royaume des Cieux) à ce queBergson nomme, dans les Deux sources de la morale et de la religion , la fonction fabulatrice. Le concept même de fonction fabulatrice évoque, d'une part, la dimension utopique et imaginaire : c'est la fabulation et, d'autre part, l'exigencevitale, puisque la fabulation possède une fonction.

En effet, la notion de besoinexprime les nécessités auxquelles doit se plier tout vivant s'il tend à conserverson existence : ainsi, manger ou boire sont-ils des besoins.

Le besoin ce définitdonc comme ce qui, n'étant pas assouvi ou réalisé, met en péril la vie elle-même.

Or, Bergson entend montrer comment la fabulation prend sa source dansla vie et ses exigences de perpétuation et de création. En effet, pour Bergson, l'homme correspond à un arrêt sur le chemin de l'évolution biologique, puisqu'il son apparition est liée à l'émergence del'intelligence.

Or, loin d'être un pas avant, ce surgissement marque un coup d'arrêt dans l'évolution.

En proie à la réflexion, l'homme cesse d'agir et de créer pour réfléchir.

L'instinct n'a doncd'autre moyen que de ruser afin d'assurer la pérennité de la vie.

C'est ainsi que surgit la « fonction fabulatrice »,mise au service de la préservation de l'espèce, par une sorte de ruse de la vie.

Les premières croyances religieuses,les mythes, c'est-à-dire les utopies au sens de productions imaginaires, fictives et réconfortantes, permettentd'assurer la cohésion de la communauté.

Comme le dit Bergson, « la religion est une réaction défensive de la naturecontre le pouvoir dissolvant de l'intelligence ».

Si l'homme peut prendre conscience de sa mortalité, la constructionde fables et de récits eschatologiques (qui lui assurent la vie dans l'au-delà, par exemple) lui permet de conjurercette angoisse.

En ce sens, l'utopie apparaît vitale pour permettre à l'homme de continuer à vivre, à supporterl'existence.

III – Nietzsche et la critique de l'idéal ascétique. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles