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Abstraire, est-ce se couper du réel ?

Publié le 14/12/2009

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 Abstraire apparaît d'emblée comme le contraire d'agir au niveau réel. En effet, c'est se livrer à un exercice de l'esprit. Bien plus, même sur le plan de la conscience ou de la pensée, abstraire semble s'opposer radicalement à l'action. D'abord, abstraire n'est pas concevoir au sens de la psychologie classique (c'est-à-dire se représenter une action avant de l'accomplir). Au niveau de la pensée réfléchie, le problème reste identique puisque le fait d'abstraire n'est censé obéir à aucune finalité pratique : abstraire, ce n'est pas réfléchir avant d'agir.

Cependant, on ne saurait se limiter à envisager une opération de l'esprit comme devant nécessairement être au service d'une action concrète sur le réel. Car il y a un autre moyen, plus conforme à sa nature, par lequel l'esprit peut établir un contact avec le réel : c'est sur le mode de l'appréhension du monde. Mais, il faut immédiatement préciser qu'abstraire ne renvoie pas à un mode de perception directe des choses qui constituent le réel sensible. Le fait d'abstraire n'a donc sur ce plan-là rien à voir avec l'expérience, au sens d'intuition directe du réel.

« le langage comme l'" expression symbolique par excellence " et en déclarant que : " la faculté symbolisante permet[...] la formation du concept comme distinct de l'objet concret [...].

Là est le fondement de l'abstraction ".

C'estdonc, le concept, qui, à l'intérieur du langage, fait le pont entre abstraction et réel.

Le concept réunit les propriétésisolées par abstraction à partir d'une série d'objets concrets, ces propriétés deviennent en retour, et pargénéralisation, des déterminations de toute une classe d'objet.

En outre, Benveniste rappelle que le langage n'estque le support de la pensée, de sorte qu'on peut préciser la définition de l'abstraction : abstraire, c'est considérer àpart non un élément d'un objet concret mais d'une représentation ou d'une notion de cet objet.

En résumé, l'abstraction est à la base de la perception puisqu'il permet la saisie d'un objet en formant son conceptcorrespondant dans l'esprit.

On peut donc dire avec K.

Marx, " les déterminations abstraites aboutissent à lareproduction du concret par la voie de la pensée ".

De cette manière, l'abstraction est aussi à la base de laconnaissance du réel puisque grâce à la généralisation, elle permet de ranger un objet dans une classe ou catégorie.Autrement dit, grâce à l'abstraction on peut catégoriser et organiser le réel, et donc avoir prise sur lui. Mais on peut déjà constater que si l'abstraction accompagne la représentation sensible, elle peut aussi s'en détacher complètement, et même la dépasser.

Elle renvoie alors à des propriétés et des relations, maisindépendamment de tout support.

D'où la formation des abstractions ou concepts aussi divers que celles de justice,de grandeur, de forme, de couleur, etc.

considérées en elles-mêmes.

Abstraire dans son sens le plus complet estalors considérer à part un élément (qualité ou relation) d'une représentation ou d'une notion, en portantspécialement l'attention sur lui mais surtout à l'exclusion de tout autre.

Cette définition rapproche le sens populaire(faire abstraction) et un sens plus scientifique de l'abstraction (considérer par l'esprit).

Car l'abstraction estessentielle à la démarche scientifique.

Comme le dit, le philosophe et scientifique Bachelard : " l'abstraction est ladémarche féconde de l'esprit scientifique ".

Mais, il faut préciser qu'en science, l'expérience devient un processusélaboré et réfléchi : elle se repose sur l'observation et non seulement sur un simple enregistrement passif des faitset des objets.

L'expérience est alors synonyme d'expérimentation, et, dans ce cadre, abstraire revient à analyser.De même, la généralisation devient un raisonnement qui part de l'étude rigoureuse d'un ensemble de cas particuliers,elle s'appelle alors l'induction.

Par conséquent, abstraire aide à la connaissance scientifique du réel.

Ainsi, plus l'abstraction devient une activité consciente d'elle-même et réfléchie à mesure qu'elle s'associe àd'autres processus comme la généralisation et la conceptualisation, plus elle permet une connaissance élaborée duréel.

Autrement dit, abstraire ne coupe pas du réel mais nous rapproche de celui-ci.

Mais des difficultés peuventsurgir.

En effet, on pourrait dire que l'abstraction aide à élaborer un écran, c'est l'écran placé, entre l'homme et leréel, et formé par la pensée et le langage.

Par cette voie, abstraire nous couperait en fait du réel.

Dans cette mêmelogique, plus il sera question d'abstraire au sens le plus achevé du terme, et plus on s'éloignera de la vie et du réelpour se perdre dans le monde de l'esprit. En effet, il ne faut pas oublier qu'abstraire, c'est en quelque sorte sélectionner.

C'est faire abstraction, de telle sorte que plus un concept est abstrait, plus il nous éloigne de l'expérience riche et multiforme de la vie, et ducontact direct avec le réel concret.

Déjà au niveau du langage, Nietzsche a montré que les mots nient chaqueexpérience prise dans sa singularité concrète, et ceux-ci la rattachent invariablement à une catégorie créée grâce àun découpage artificiel du réel.

La même suspicion peut évidemment s'étendre à la science, à la science au sensclassique et élargi du terme.

D'ailleurs, on a l'impression que plus on a affaire à une science pure et dure c'est-à-direabstraite, plus on s'éloigne de la vie concrète et réelle.

On peut s'en rendre compte, par exemple, avec leclassement suivant, en allant vers la science la plus abstraite (du point de vue du champ d'exercice) : philosophie,philosophie morale, sociologie, biologie, physique, et enfin mathématique.

On peut aussi remarquer, que de nosjours, l'ensemble des sciences modernes fait appel à des mathématiques de plus en plus abstraites.

Or lesmathématiques fournissent non seulement des objets vidés de toute intuition empirique mais encore des structureslogiques qui déroutent le sens commun du réel.

En effet, comment repérer dans notre réel quotidien, des êtres etdes structures mathématiques aussi étranges que les fractales, les nombres complexes ou encore les fonctionstrigonométriques et une géométrie de Riemann qui semble encore plus déconnectée du réel que la géométried'Euclide ? Par un retournement de situation, il semble que plus l'abstraction est véritable, plus on se coupe du réel.

En toute logique, ce serait même le vulgaire qui aurait le plus raison, contre la science et la philosophie, dansl'appréhension du réel.

Comment résoudre toutes ces difficultés ? D'abord, on pourrait répondre, avec Hegel, que le réel, c'est le rationnel, et donc la réalisation de l'esprit. Rationalisation et abstraction iraient alors de pair avec une redécouverte du monde vraiment réel, celui des. »

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