Devoir de Philosophie

Alain: La route en lacets.

Publié le 18/04/2009

Extrait du document

alain
La route en lacet qui monte. Belle image du progrès. Mais pourtant elle ne me semble pas bonne. Ce que je vois de faux, dans cette image, c'est cette route tracée d'avance et qui monte toujours ; cela veut dire que l'empire des sots et des violents nous pousse encore vers une plus grande perfection, quelles que soient les apparences ; et qu'en bref l'humanité marche à son destin par tous moyens, et souvent fouettée et humiliée, mais avançant toujours. Le bon et le méchant, le sage et le fou poussent dans le même sens, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non. Je reconnais ici le grand jeu des dieux supérieurs, qui font que tout serve leurs desseins. Mais grand merci. Je n'aimerais point cette mécanique, si j'y croyais. Tolstoï aime aussi à se connaître lui-même comme un faible atome en de grands tourbillons. Et Pangloss, avant ceux-là, louait la Providence, de ce qu'elle fait sortir un petit bien de tant de maux. Pour moi, je ne puis croire à un progrès fatal ; je ne m'y fierais point. Alain

Le progrès n'est pas un mouvement continu et mécanique qui entraînerait tout vers davantage de perfection. Le serait-il qu'il faudrait s'en méfier.

 

  • Thème: l’idée de progrès, symbolisé par une route qui monte en lacets. [Idée dominante au XIXe siècle, héritière de l’optimisme des Lumières]

 

  • Question: L'idée est-elle juste: Ppeut-on croire à un progrès inéluctable? [Idée suspecte: objet d’un acte de foi. Alain, disciple de Descartes, esprit fort]

 

  • Thèse: L’idée d'un progrès tracé d'avance est inacceptable. [Elle est irrationnelle !]

 

  • Composition: Alain procède à l'analyse critique de l'idée que se font du progrès ceux qui l'imaginent comme une route en lacets qui monte :

   - de "La route en lacets qui monte " à "avançant toujours " il met en évidence l'incohérence des présupposés métaphysiques (fataliste et optimiste) de l'idée.    - de "Le bon et le méchant"à "je ne m'y fierais point", il met en évidence les présupposés religieux, à ses yeux irrationnels, de l'idée.  

alain

« et le bonheur.

Le chemin est malaisé.

On reconnaît sans peine l'allusion aux guerres et, d'une façon générale, à ladifficulté des rapports humains.

Kant les résume sous le concept d'insociable sociabilité car les hommes ont besoinles uns des autres mais sont rivaux, se jalousent et se nuisent.

Toutefois, la difficulté de la marche n'empêche pasle progrès puisque la route monte toujours.

Nous pouvons donc dire qu'Alain juge erronée la conviction selon laquellela somme des maux que les hommes se causent est en définitive inférieure à une résultante globale qui serait uneamélioration de notre condition sur tous les plans.

La séduction de cette idée lui paraît semblable à celle d'un tourde prestidigitation et c'est pourquoi il ne s'y fie point. b) Cette expression est liée à l'image de la route mais oblige à donner certaines précisions.

La fatalité est une notionoriginairement religieuse.

Le « fatum » est un décret prononcé par une puissance supérieure à la volonté humaine etdont les desseins sont impénétrables.

Nous ne pouvons que l'accepter, c'est-à-dire reconnaître sa marque dans toutce qui arrive.

Notre texte le montre bien quand Alain souligne que, de ce point de vue, « le bon et le méchant, lesage et le fou poussent dans le même sens.

» C'est précisément ce qui lui paraît inadmissible.

Si tout se produitfatalement, il n'y a plus de raison de distinguer les conduites.

Tout se vaut puisque tout concourt pareillement à laréalisation du décret divin.

La fatalité est donc aussi une doctrine qui supprime la liberté de l'homme en lasoumettant à cette force inexorable, indifférente à nos souhaits et à la qualité de nos jugements.

L'initiativehumaine est broyée par ce mécanisme implacable.La liaison avec le thème du progrès transforme celui-ci en émanation de la Providence.

Ce terme fait référence auxdoctrines monothéistes de l'histoire.

Le divin a perdu son caractère opaque et indéterminé en devenant unepersonne dotée de volonté.

Toutefois, le cours de l'histoire reste finalisé comme nous le rappelle la référence àPangloss.

On sait que Voltaire entend ridiculiser la doctrine leibnizienne de l'optimisme qui soutient que ce monde estle meilleur des mondes possibles.

Le mal n'aurait pas de réalité propre.

Il n'existerait que sur le mode d'une ombredestinée à mettre en valeur la beauté générale du tableau.

Alain juge aussi que cette conception est destinée ànous consoler en nous voilant la face.

Il peut être sécurisant de se concevoir « comme un faible atome en degrands tourbillons » dans la mesure où le sens de notre existence semble sauvé par son insertion dans une totalitéqui le justifie.

Le prince André, sur le champ de bataille d'Austerlitz, expérimente ce sentiment qui fait monterl'apaisement du fond de la détresse.

Nous nous disons que l'histoire est juste et bonne mais que notre esprit n'a pasla capacité de saisir la façon dont tout s'enchaîne pour le mieux.

Alain se refuse cette échappatoire.

La thèse d'un «progrès fatal » néglige trop les souffrances et les incohérences pour mériter son adhésion.

L'humanité « fouettée ethumiliée » ne poursuit pas sa marche en avant. - Question 3 Alain rejette la thèse d'un progrès mécanique de notre histoire.

Est-ce à dire que la thèse même d'un progrès soittrompeuse ? Il est impossible de répondre sans analyser cette notion qui s'avère plus complexe qu'elle n'y paraît.Une recherche de sa définition s'accompagne nécessairement de deux questions : de quoi peut-il y avoir progrès ?qu'est-ce qui est capable de progrès ?Ce terme associe deux aspects ; l'accroissement et l'amélioration.

Il y a augmentation quantitative mais celle-ci estorientée vers le meilleur sans quoi il s'agit seulement d'une progression dont le but peut être nuisible.

Nous parlonsdes progrès de la médecine pour désigner la mise au point d'appareils de plus en plus performants dans la réalisationd'opérations complexes.

Se faire enlever la cataracte était jusqu'à peu une épreuve délicate que l'apparition du lasera transformée en intervention bénigne.

L'évidence de cet exemple nous montre l'importance du domaine destechniques lorsqu'il s'agit de définir le progrès.

Or ceci est possible parce que l'homme travaille au moyen d'outilsdont il est le fabricant et qui constituent un capital transmissible d'une génération à l'autre.

Le progrès techniqueimplique donc une conception de l'histoire et du temps.

II ne faut pas d'ailleurs le limiter aux seuls instrumentsfabriqués.

Tous les savoir-faire s'enseignent.

Le savoir théorique dépend lui-même des techniques commel'imprimerie et d'une façon générale du stockage des informations.

Pascal soutient que l'évolution de l'humanité estcomparable à celle d'un seul homme qui grandit au fil des époques.

L'idée de progrès nous incite à ne pas concevoirle temps comme un monstre dévorant ses enfants mais comme la condition d'un épanouissement de nos facultés àtravers la suite des siècles.Le cas des techniques nous a permis de voir l'importance de la possibilité de transmettre des acquis que nossuccesseurs peuvent faire fructifier.

La perfectibilité a ceci de remarquable qu'elle n'est pas une faculté parmid'autres mais la source grâce à laquelle toutes les autres s'affinent et gagnent en efficacité.

Rousseau désigne doncpar ce terme la capacité de réfléchir à ce que l'on a accompli.

L'esprit est réflexif, il revient sur ses actes et sedemande s'il ne pourrait pas faire autrement et mieux.

C'est ainsi qu'il progresse.La réflexivité semble être une qualité mais sommes-nous sûrs qu'elle conduise nécessairement à des améliorations ?Si nous passons au plan de l'existence dans sa globalité, l'idée de progrès se complique.

En effet, la méchanceté etd'une façon générale les passions qui poussent les hommes à s'affronter sont liées à notre capacité de penser.Rousseau l'éprouve d'une façon tellement vive qu'il n'hésite pas à dresser le tableau d'un état de nature opposé ànotre état social comme le bien l'est au mal.

L'homme naturel est brutal mais il n'est pas méchant.

II ignore le désirde nuire, d'humilier l'autre car il n'a pas la conscience de sa ressemblance.

Nous découvrons que la rivalité est due àla conscience de la proximité d'autrui.

L'insociable sociabilité qui constitue, selon Kant, le mouvement de l'histoire etde la culture, exprime bien l'ambiguïté de l'existence humaine.

Ces deux penchants sont complémentaires,indissociables et opposés.

La coopération est source de bienfaits et la concurrence conduit à se faire du tort.

Kantnote toutefois que la compétition a aussi des vertus car sans elle les hommes n'actualiseraient pas leurs facultés etvivraient comme des moutons.

Nous sommes ainsi placés devant une difficulté redoutable.

La cause qui nous faitprogresser en nous rendant plus inventifs, plus soucieux d'art, de beauté et de bonnes manières produit. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles