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Alain: Le doute est le sel de l'esprit.

Publié le 27/02/2008

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alain
« Le doute est le sel de l'esprit ; sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. J'entends aussi bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand on s'aperçoit qu'on s'est trompé ou que l'on a été trompé, ce n'est pas difficile ; je voudrais même dire que cela n'avance guère ; ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; aussi c'est un doute triste ; c'est un doute de faiblesse ; c'est un regret d'avoir cru, et une confiance trompée. Le vrai c'est qu'il ne faut jamais croire, et qu'il faut examiner toujours. L'incrédulité n'a pas encore donné sa mesure. Croire est agréable. C'est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix. Il est naturel et délicieux de croire que la République nous donnera tous ces biens ; ou, si la République ne peut , on veut croire que Coopération, Socialisme, Communisme ou quelque autre constitution nous permettra de nous fier au jugement d'autrui, enfin de dormir les yeux ouverts comme fond les bêtes. Mais non. La fonction de penser ne se délègue point. Dès que la tête humaine reprend son antique mouvement de haut en bas, pour dire oui, aussitôt les rois reviennent. » Alain, « Libres propos »

Comment garantir les connaissances, progresser dans la vérité, respecter la liberté, construire un monde de justice et de paix sans un doute délibéré et réfléchi ? Telle est la question à laquelle répond le texte en établissant une définition du doute formulée en termes métaphoriques : le doute est le sel de l'esprit.

Le texte s'emploie à justifier cette définition en opposant le doute qui y correspond au doute forcé. Il établit que le doute véritable est une tâche critique, un travail d'examen. Le texte se termine sur une alternative : douter ou « dire adieu à la liberté «. Une telle alternative correspond à une épreuve par les conséquences de la définition et redouble l'argument de la nécessité du doute dans le domaine de la connaissance afin d'emporter définitivement l'assentiment du lecteur. Mais Alain définit le doute contre toute croyance et fait de l'incroyance un impératif. Or, s'il est vrai qu'il n'est pas rigoureux d'entreprendre sans s'être auparavant interrogé, comment pourrait-on entreprendre sans croire ?  

 

alain

« Ce doute est doublement stérile : il ne permet pas d'instaurer une connaissance puisqu'il n'opère pas de ruptureavec l'erreur commise et qu'il n'est pas voulu.

On comprend que ce doute ne soit que « regret d'avoir cru » et «regret d'avoir été abusé » : il ne fait rien d'autre que reconduire ce qu'il regrette d'avoir déjà fait : croire.

C'est pourcela qu'il «n'avance pas», c'est un doute réactif comme tout ce qui n'est pas vraiment voulu. b) Alain en déduit l'impératif de la pensée : « il ne faut jamais croire».

L'injonction d'incroyance s'accompagne d'uneobligation «d'examiner toujours», qui conforte l'idée d'une inscription du texte d'Alain dans la problématiquecartésienne de la première méditation.

La fiction du malin génie dont nous avons déjà parlé fait du doute radicall'instrument d'un examen auquel la volonté ne peut mettre un terme, puisque ce malin génie peut toujours noustromper.

L'initiative toujours à reprendre de la volonté est le seul moyen d'écarter l'erreur.

L'esprit qui doutes'apparaît à lui-même comme le sujet d'une activité de pensée. 3.

Alternative : douter ou renoncer aux valeurs et à l'action morale. La conclusion d'Alain constitue un dernier argument, une sorte d'épreuve de sa définition par les conséquences :entre la route toute tracée de la croyance et le difficile chemin du doute, il faut choisir.

Mais l'alternative ne portepas sur la facilité ou la difficulté, la paresse ou le travail, l'agrément ou la peine : Alain a fait de la tristesse unecaractéristique du doute stérile et il n'y revient pas.

S'il condamne l'ivresse, et fait de sa privation un devoir, cen'est pas pour la jouissance qu'elle peut procurer, c'est parce qu'elle est incompatible avec le libre vouloir.

De celibre vouloir dépendent « liberté, justice et paix».

La crédulité, c'est tout simplement la fin de la moralité et ducivisme.

Ce qui est condamnable dans la crédulité, comme dans l'agréable, comme dans l'ivresse, c'est toujours lapassivité.

Celui qui n'est pas capable d'entreprendre de douter, celui qui est crédule, croit que les valeurs tombentdu ciel.

La liberté, la justice et la paix ne peuvent exister que si les hommes décident de les construire ensemble.Sans le doute, l'homme ne connaît pas la puissance de la volonté et aucun progrès n'est possible, ni dans ledomaine de la connaissance, ni dans le domaine moral et politique.

Le doute apparaît comme une pratique.

En touterigueur, Alain peut conclure que « l'incrédulité n'a pas donné sa mesure », mais en anticipant ainsi sur l'avenir del'esprit, dont l'« incrédulité porterait les promesses», Alain paradoxalement ne fait-il pas une profession de foi ? Laposition d'Alain est à la limite du paradoxe.Le doute volontaire est le moyen de ne rien absolutiser sauf la liberté, cette idée qui régule tous les efforts delibération. II.

Intérêt philosophique du texte 1.

L'intérêt philosophique du texte est de montrer que la croyance, et par conséquent l'opinion, par naturecroyante, inhibe la vie de l'esprit2.

Mais il ne faut pas s'y tromper, l'éloge du scepticisme est un éloge de la volonté.3.

Or on voit mal comment la volonté d'entreprendre et d'exécuter des œuvres de liberté, de justice et de paixpourrait faire l'économie de la foi.

Sans la foi, c'est la liberté qui s'évanouit ; sans la foi, la liberté s'évanouit et lajustice et la paix ne sont que des chimères; Alain reconnaît lui-même dans ses Propos la nécessité de faire place àla foi.On ne peut entreprendre ni réussir sans confiance en soi, sans détermination irréversible de la volonté.

Sur ce pointencore Alain est cartésien.

La résolution est la règle de l'action (cf.

Descartes, Traité des Passions, Art.

152/153).Ce que la volonté décide de sa propre initiative est réellement le meilleur, à la condition d'être obstinémentpoursuivi.

C'est la fidélité au choix qui rend l'action effective et en fait la valeur.

On ne peut ni organiser la paix, niréformer la justice sans croire qu'elles méritent d'être voulues : «Vouloir sans croire que l'on saura vouloir ce n'estpoint vouloir.

» La liberté elle-même relève de la foi.

Kant en fait un postulat de la raison pratique (c'est-à-dire uneproposition théorique qui ne peut être prouvée, mais dépend d'une loi pratique dont la valeur est inconditionnée).

Lafoi en la liberté est la condition première de l'action.

On ne peut agir sans croire que « l'on suffira à soi quoiqu'ilarrive », écrit Alain dans les Propos.

Alain ne fait pas l'éloge du doute ni de la foi, mais l'éloge de la volonté qui veutce qu'elle veut, qui, selon l'expression de Nietzsche, «se veut elle-même» et doute précisément parce qu'elle croiten sa puissance. Conclusion Le principal intérêt du texte est de rappeler avec vigueur et rigueur que l'esprit meurt s'il ne se fait esprit critique.Indirectement c'est la philosophie qui se trouve exaltée.

La difficulté du texte tient à son apparente condamnationde toute croyance et de toute crédulité, alors que la définition du doute qu'il développe suppose la foi dans lavolonté et dans ses entreprises.. »

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