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Appréciez ce jugement : « C'est dans les mots que nous pensons, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

  • CONSEILS PRATIQUES

• Voici un sujet parfaitement classique ! Vous avez très probablement à votre disposition pour le traiter un ensemble de connaissances développées au cours concernant le pro-

blême du langage et de sa valeur. Vous ne devriez donc pas, devant cet intitulé, pécher par ignorance. Le problème, semble-t-il, sera essentiellement pour vous de conceptualiser tout d'abord avec finesse et exactitude, en donnant aux termes de l'intitulé un sens rigoureux et précis de manière à bien expliciter le sens du sujet avec fermeté et netteté (or, vous remarquerez que la citation est assez longue). D'autre part, il faut vous efforcer d'élaborer un plan très cohérent. Tentons de mener à bien ces deux tâches. • Tout d'abord, réfléchissons sur le sens des termes. - Mots : sons ou groupes de sons correspondant à un sens entre lesquels se distribue le langage. Unités linguistiques fonctionnant de manière relativement autonome. - Penser : ce terme possède au moins deux significations : • exercer son esprit, son activité consciente ; • appliquer l'activité de son esprit aux éléments fournis par la connaissance. Combiner des jugements. Exercer effectivement son intelligence. Réaliser une activité proprement intellectuelle ou rationnelle. - La pensée : plusieurs sens : • tous les phénomènes de conscience ; • les phénomènes de la connaissance ; • la connaissance de type rationnel ; Au fond, il est très difficile, dans ce cas précis, d'exclure totalement une de ces significations. - Donner : ici, fournir. - Existence : ici, le fait d'être réellement, de manière concrète et déterminée, d'avoir une réalité. - Haute : ici, élevée, supérieure, éminente, etc. - Vrai : ce à quoi nous pouvons accorder notre assentiment, par suite d'un rapport de conformité avec l'objet de pensée. La connaissance et la raison Quel est, maintenant, le sens de cette phrase assez longue où l'on a d'ailleurs rassemblé deux énoncés de Hegel, après avoir fait une longue coupure à l'intérieur du texte ? Il s'agit de porter un jugement déterminant la valeur de cet énoncé (« appréciez ce jugement «) : c'est dans les unités du langage que nous exerçons une activité spirituelle authentique, le signe linguistique fournissant aux phénomènes spirituels leur mode d'être le plus conforme à ce qui est. Condensons le sens de notre intitulé : il s'agit, en fait, de savoir si c'est avec les mots et les signes linguistiques que nous pensons de la manière la plus authentique. • Le problème est le suivant : peut-il y avoir une pensée sans langage, un ineffable ne pouvant être exprimé par des paroles et possédant, néanmoins, un contenu psychique réel ? Le problème est donc, en filigrane, celui de la valeur de l'ineffable. • Quel plan adopter ? Nous vous conseillons un plan dialectique par thèse, antithèse et synthèse. Pour être réellement intéressant ce plan doit d'ailleurs être conçu de manière progressive, avec approfondissement des notions ou termes envisagés. Ici, le travail d'approfondissement devra porter sur 1'« affinement « du concept « mot «. Le « mot «, c'est, bien entendu, le signe linguistique mais il faut purger ce signe de toute imprécision et de toute ambiguïté de manière à ce qu'il exprime sans équivoque ce qui est réel. Une fois opérée cette activité critique, la synthèse recherchée prend alors son sens plein (« mot « = signe précis).

  • Voici donc notre plan simultanément dialectique et progressif :
  • A. Thèse.

Nous ne pouvons penser sans les mots. Dans le mot, l'interne (la pensée) et l'externe (la formulation objective) se réconcilient et s'unifient.

  • B. Antithèse.

- Critique du langage. - Une pensée au-delà du langage. - Plénitude de l'ineffable.

  • C. Synthèse.

Le langage (clarifié), forme la plus haute de la pensée. • Quelle sera la conclusion du problème posé ? Elle sera assez nuancée : certes, il n'y a pas de pensée sans langage mais l'ineffable ou l'inexprimable existent. Cet « élément mystique « ne doit pas nécessairement être valorisé. Peut-être n'a-t-il aucune valeur...

  • BIBLIOGRAPHIE

Bergson, Le Rire, PUF. Hegel, Morceaux choisis, t. 1, NRF, Gallimard, p. 89 et suivantes. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Tel, Gallimard, p. 42, 45, etc.

« à un sens, unités linguistiques fonctionnant de manière relativement autonome, forment le terrain et le lieu où nousexerçons notre activité consciente, mais aussi rationnelle.

Ces signes fournissent aux phénomènes spirituels deconscience ou de connaissance (« à la pensée ») un poids de réalité, une manière d'être concrète et déterminée («une existence ») qui sont les plus élevés et les plus éminents (« haute ») et aussi les plus conformes à ce qui estréellement (« vraie »).

Insistons sur ce dernier terme : les signes linguistiques auraient pour caractéristique de faireparvenir dans la sphère du vrai, du réellement réel, de l'universel concret ; en eux se manifesterait le vrai, c'est-à-dire l'élément spirituel nécessaire et universel.Comment apprécier le jugement selon lequel nous ne pouvons penser sans les mots, telle est la signification globalede l'intitulé de sujet qui nous est proposé.• Le problème posé par le sujet est celui de la valeur de l'ineffable c'est-à-dire de ce qui ne peut être dit.L'ineffable, est-ce la pensée obscure (comme le pense Hegel) ou bien, au contraire, une pensée riche se donnantau-delà de tout langage ? II.

Discussion. A.

Thèse.

Nous ne pouvons penser sans les mots. Comment ne pas reconnaître tout d'abord, dès l'examen de l'intitulé, la vérité des mots de Hegel ? Reprenonsl'analyse du terme de « pensée » laquelle renvoie essentiellement à l'activité de l'esprit, à la faculté ayant pourobjet la connaissance.

Cette activité de l'esprit, pour être saisie sous sa forme véritable, ne doit-elle pas prendreune forme externe ? C'est bien ce qui semble effectivement nécessaire.

Si la pensée répudie la forme objective dulangage et des signes linguistiques, si elle se veut pur silence intérieur, alors, elle sombre en fait dans le néant et sedétruit en tant que pensée, en tant qu'activité de l'esprit.

Pourquoi se détruit-elle ? Parce que les mots permettent de définir, de préciser et de délimiter.

Par conséquent, qu'il s'agisse de manifesternotre spiritualité ou bien le réel extérieur en tant que tel, l'activité consciente de l'homme doit s'efforcer de lesexprimer, le mieux possible, à travers les signes linguistiques qui définissent et délimitent.Les mots et le langage permettent, tout d'abord, à la pensée de s'incarner.

Avant les mots, il n'y a rien, seulementun écoulement incessant, sans existence, sans densité, sans réalité.

Grâce aux mots, l'inconsistant prend une formeconcrète et s'incarne dans une extériorité.

Mais les mots donnent aussi à la pensée la possibilité de se conquérirelle-même, de se trouver.

Le langage est une longue conquête comme le montre très bien l'exemple de l'alchimiepoétique : le poète crée, de manière démiurgique, un nouvel univers.

Dans cette double perspective (incarnation etconquête), les mots donnent bel et bien à la pensée son existence la plus élevée et la plus vraie : nommer par desmots, c'est tirer du néant.

Par conséquent, les mots créent un nouvel univers, beaucoup plus élevé en dignité quecelui qui, antérieur à lui, existe encore sous une forme inconsistante.

Ce nouvel univers, celui du langage, estégalement le plus vrai qui soit.

Dans la parole, ne découvrons-nous pas le chiffre de notre destin ? Ainsi dansl'Évangile, le Verbe est conçu comme rédempteur, c'est lui qui apporte la grâce.

Le Verbe, c'est Dieu : il exprime etmanifeste donc la vérité sous sa plus haute forme.Qu'il s'agisse de la religion, de la philosophie ou de la poésie, dans tous les cas (et nous pourrions multiplier lesexemples), les mots apparaissent une promesse de richesse, d'esprit et de vérité.Nous reconnaîtrons donc sa pleine valeur au jugement de Hegel.

Vouloir penser sans les mots, quelle tentative insensée ! On croit ordinairement, dit Hegel, que ce qu'il y a de plus haut,c'est l'ineffable.

Or, note Hegel, c'est là une opinion superficielle et sansfondement.

En réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, à l'état defermentation, qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot, le signe.Ainsi, l'analyse de Hegel souligne les rapports d'étroite solidarité du langage etde la pensée.

C'est dans les mots que nous pensons.

Ils permettent à lapensée de prendre corps.

Avant les mots, la pensée est une nébuleuse, uneréalité informe.

Dans les mots, la pensée acquiert une forme.

Le langage est àla pensée ce que l'être est au non-être, la détermination à l'indétermination,l'acte à la puissance, la forme à la matière, la limite à l'illimitation.

Le langage,c'est la précision introduite par la raison.

Rappelons d'ailleurs que logossignifiait, chez les Grecs, à la fois raison et discours.

Cette proximité de laraison et du discours est riche de signification et de vérité. B.

Antithèse. Néanmoins, si nous revenons sur ce terme de pensée, quelques problèmessurgissent immédiatement dans notre analyse.

Le mot incarne la pensée,disions-nous en prolongeant les vues et le jugement de Hegel.

Or, que signifieexactement ce terme de pensée ? Il renvoie manifestement à beaucoup dechoses : la pensée peut désigner les phénomènes de connaissance et, toutparticulièrement, la connaissance de type rationnel.

Mais on peut également voir dans la pensée comme Descartes, l'ensemble des phénomènes spirituels.

Par le mot de pensée, j'entends, ditDescartes, tout ce qui se fait en nous, de telle sorte que nous l'apercevons par nous-mêmes.

Or, à ces phénomènesspirituels conscients, se rattachent sentiments et imagination.

De ce point de vue, si nous envisageons la penséecomme l'ensemble des phénomènes spirituels, il n'est nullement évident que les signes linguistiques puissent toujoursexprimer sentiments, sensation et imagination.

Dès lors, une partie de la pensée (conçue au sens large) semblerebelle à l'expression linguistique.

En effet, le langage permet-il toujours à la pensée (sous son aspect vécu, intuitif. »

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