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Aristote: Animal Politique

Publié le 14/04/2005

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aristote
Ces considérations montrent donc que la cité est au nombre des réalités qui existent naturellement, et que l'homme est par nature un animal politique. Et celui qui est sans cité, naturellement et non par suite des circonstances, est ou un être dégradé ou au-dessus de l'humanité. Il est comparable à l'homme traité ignominieusement par Homère de « sans famille, sans loi, sans foyer » car, en même temps que naturellement apatride, il est aussi un brandon de discorde, et on peut le comparer à une pièce isolée au jeu de trictrac. Mais que l'homme soit un animal politique à un plus haut degré qu'une abeille quelconque ou tout autre animal vivant à l'état grégaire, cela est évident. La nature, en effet, selon nous, ne fait rien en vain ; et l'homme, seul de tous les animaux, possède la parole. Or, tandis que la voix ne sert qu'à indiquer la joie et la peine, et appartient pour ce motif aux autres animaux également (car leur nature va jusqu'à éprouver les sensations de plaisir et de douleur, et à se les signifier les uns aux autres), le discours sert à exprimer l'utile et le nuisible, et, par suite aussi le juste et l'injuste : car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux, d'être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité. Aristote
La cité, chez Aristote, répond à une satisfaction des besoins, mais pas seulement, elle vise principalement les conditions optimales du bien vivre. Aussi est-elle un fait par nature, ement une institution conventionnelle, comprenons artificielle. L'opposition avec les sophistes (opposant la loi à la nature) est ici consommée. L'homme-animal politique, comprenons social, ne cherche pas seulement à vivre, il est même dégagé d'une stratégie de la survie dès lors qu'il tend à vivre « bien «, certes confortablement — au bas mot — mais aussi pleinement, en plénitude, en tant que la cité lui offre les conditions optimales à son entière réalisation d'homme. Le politique ou le social, serions-nous tentés de voir, affranchit l'homme de la seule satisfaction de ses besoins vitaux pour le solliciter à une toute autre fin, à savoir le bonheur, voire la promotion de son individualité. L'étudiant pourrait se reporter aux analyses qu'Aristote consacre au livre VIII de l'Éthique à Nicomaque, sur l'amitié. Ce thème est radicalement nouveau. Le lien social n'est pas réductible à la satisfaction des besoins

aristote

« Point méthode L'originalité d'une thèse exige de l'étudiant un réel souci d'étonnement.

Il lui suffit la plupart du temps de prendre lamesure de toute la distance qui sépare la pensée de l'auteur de l'opinion commune.

Il lui faudra donc se placer à la foisdans la double perspective du sens commun et du philosophe.

Sans ce travail de mise en regard réciproque, l'étudiantsera incapable de saisir quoi que ce soit de décisif.

La problématique procédera d'un étonnement de second niveau.Souligner l'intérêt intellectuel d'un texte est bien, mais s'en étonner est encore mieux.

C'est tout le sens de la rechercheproblématique qu'on pourrait proposer comme suit.La difficulté de ce passage est cependant manifeste.

S'il est vrai qu'une communauté humaine est essentiellement unecommunauté de parole, la cité ne risque-t-elle pas de se compromettre avec un usage sophistique du discours ? N'y a-t-ilpas, finalement, un danger pour la communauté de se fédérer autour de valeurs illusoires ou erronées ? On songe auxdébats qui opposeront Démosthène à Eschine, au sort qui se jouait alors d'Athènes par de simples mots, sous l'oeilattentif de Philippe de Macédoine.

Si la parole peut être à la base de la communauté politique, dans quelle mesure neserait-elle pas non plus à la source de son éclatement tout aussi bien ?Le plan du passage est fort clair.

La première partie est consacrée au rappel de la nature politique de l'homme, tandis quela seconde partie, qui en est l'argumentation principale, fera de la parole l'instrument de la socialisation de l'humain. I.

LA NATURE POLITIQUE DE L'HOMME L'homme n'a d'autre fin politique que d'y voir réaliser les conditions optimales à son bonheur, nullement d'y trouver lesconditions à sa survie « animale ».

En tant qu'humains, nous recherchons davantage une vie en plénitude qu'une sécuritéde nos biens et de nos personnes.

Si l'homme en effet tend à bien vivre, vivre ne saurait lui suffire.

Ce qui indique déjàque le bonheur est inaccessible à la bête et de ce point de vue qu'il est une exigence de l'humaine singularité, et par suitequ'une politique ne vaut pour autant seulement qu'elle assume - au moins partiellement - cette exigence.

Si « l'a-social »est un « brandon de discorde », en plus d'être ou bien un dieu (en ce qu'il aurait le pouvoir de se passer d'autrui) ou plusprobablement un humain dégradé, c'est qu'il fait douter de notre prétention au bonheur, il est parmi nous comme celui quisuspecterait la fausse naturalité de notre communauté, il est celui que ne motiverait en rien une recherche commune dubonheur et dont la seule présence ou revendication à être, dérangerait la délibération en commun, « comme une pièceisolée au jeu du trictrac » empêcherait le mouvement des pions et bloquerait à elle seule l'issue de la partie. II.

LA PAROLE, INSTRUMENT DE SOCIALISATION DE L'HUMAIN Point méthodeNous n'allons pas proposer une rédaction de la seconde partie de ce texte, mais en souligner les aspectssaillants selon notre méthode de lecture, c'est-à-dire par antinomies.

L'opposition entre l'homme comme animalpolitique et la bête vivant à l'état grégaire est commandée par l'opposition entre parole et voix.

C'est au lecteurque revient d'argumenter cette distinction à la suite d'Aristote. Point réflexionLa voix est «phonè », simple matériau sonore, un cri par exemple.

La parole est «dialectos », c'est-à-dire voixarticulée.

L'homme parle c'est-à-dire il articule des sonorités, ce que l'animal ne peut pas faire (cf.

De Anima, II,8 42l b 30 sq.).

L'idée d'articulation est centrale.

La voix désigne, un cri fait signe pour un signifié.

La fonction dedésignation est pratiquement linéaire.

Un cri dit quelque chose.

La parole, elle, ne désigne pas tant qu'elle nesignifie.

Plus rigoureusement, elle dit quelque chose de quelque chose.

Ainsi par exemple peut-elle commenter àun deuxième niveau, l'utilité ou le dommage de ce qui est plaisant, mais aussi à un troisième niveau interrogerle juste de l'utile ou même commenter d'une décision juste ce qu'elle contient de bon ou de mauvais malgrétout.

La parole dit quelque chose de quelque chose, elle est liée au pouvoir de décliner sur différents modes unemême réalité de sens (pragmata).Voilà qui est essentiel.

Si la parole ne déclinait pas, elle ne pourrait dire quoique ce soit de (+ ablatif en latin) quelque chose.

La signification est liée à la déclinaison, la déclinaison estattachée à notre pouvoir d'articuler selon des accents et des flexions (ptôsis) diverses, des sons.

Plus donc laparole est articulée plus elle est en mesure de se commenter elle-même.

Deux conséquences peuvent êtreenvisagées :1.

La déclinaison n'est pas nominale seulement mais verbale aussi.

Il s'agit de la conjugaison.

La conjugaisonfournit à la l'intelligence l'occasion et la possibilité d'énoncer modes et temps.

Bref, elle confère à la raison leprivilège de penser l'action, c'est-à-dire le projet qu'on se propose (la recherche du bonheur), et de lui voirsubordonner une série de moyens.

La conjugaison rend possible le travail de délibération.

La parole articuléeest outil de liberté et de décision.

Par elle, l'homme se rend maître de sa propre destinée politique, ce qui estimpossible à l'animal qui à l'instar de l'abeille est dans l'incapacité de décider du sort de son essaim.

En tant qu'ilest possible à ses membres de délibérer sur l'avenir d'une communauté, cette communauté est politique,autrement ses membres vivent à l'état grégaire.

L'âme de la cité n'est autre que la délibération politique ; on levoit, le projet social des hommes dépasse largement l'instauration d'un régime visant à garantir uneorganisation des besoins et des services.2.

Mais il y a plus à remarquer.

Par son articulation, la parole est en mesure de se commenter, avons-nous dit.Elle peut ainsi indéfiniment se reprendre et même se contester.

La parole est le lieu où la controverse s'incarne.Mais du fait de la destination commune au bonheur, l'éristique atteint ses limites.

Démosthène et Eschinepeuvent s'opposer sur les moyens à proposer à la survie d'Athènes, mais l'un et l'autre ayant à coeur non pasde survivre mais de vivre heureux, une issue à la controverse est possible, puisque c'est encore en terme debonheur que devront être interprétées des valeurs comme le juste ou le bien.

II n'est pas de controverse quisur la base d'un même parler ne peut à son tour se commenter et trouver, au-delà des conflits, une solutioncommune au moins approchée, sinon même recevoir une sanction.

Une communauté des besoins ne fédéreraitpas autant une communauté politique autour des rivalités d'intérêts que ne le ferait une communauté desentiments et de valeurs nées de l'exercice dialogué de la parole.

C'est donc bien cette dernière qui au mieux. »

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