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Aristote, Éthique à Nicomaque (Traduction Tricot, Vrin)

Publié le 11/04/2012

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aristote

Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu'il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien est ce à quoi toutes choses tendent. Mais on observe, en fait, une certaine différence entre les fins : les unes consistent dans des activités, et les autres dans certaines oeuvres, distinctes des activités elles-mêmes. Et là où existent certaines fins distinctes des actions, dans ces cas-là les oeuvres sont par nature supérieures aux activités qui les produisent. Or, comme il y a multiplicité d'actions, d'arts et de sciences, leurs fins aussi sont multiples : ainsi l'art médical a pour fin la santé, l'art de construire des vaisseaux le navire, l'art stratégique la victoire, et l'art économique la richesse. Mais dans tous les arts de ce genre qui relèvent d'une unique potentialité (de même, en effet, que sous l'art hippique tombent l'art de fabriquer des freins et tous les autres métiers concernant le harnachement des chevaux, et que l'art hippique lui-même et toute action se rapportant à la guerre tombent à leur tour sous l'art stratégique, c'est de la même façon que d'autres arts sont subordonnés à d'autres), dans tous ces cas, disons-nous, les fins des arts architectoniques doivent être préférées à toutes celles des arts subordonnés, puisque c'est en vue des premières fins qu'on poursuit les autres. Peu importe, au surplus, que les activités elles-mêmes soient les fins des actions, ou que, à part de ces activités, il y ait quelque autre chose, comme dans le cas des sciences dont nous avons parlé. Si donc il y a, de nos activités, quelque fin que nous souhaitons par elle-même, et les autres seulement à cause d'elle, et si nous ne choisissons pas indéfiniment une chose en vue d'une autre (car on procéderait ainsi à l'infini, de sorte que le désir serait futile et vain), il est clair que cette fin-là ne saurait être que le bien, le Souverain Bien. N'est-il pas vrai dès lors que, pour la conduite de la vie, la connaissance de ce bien est d'un grand poids, et que, semblables à des archers qui ont une cible sous les yeux, nous pourrons plus aisément atteindre le but qui convient? S'il en est ainsi, nous devons essayer d'embrasser, tout au moins dans ses grandes lignes, la nature du Souverain Bien, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève. On sera d'avis qu'il dépend de la science suprême et architectonique par excellence.

aristote

« désir serait futile et vain), il est clair que cette fin-là ne saurait être que le bien, le Souverain Bien.

N'est-il pas vrai dès lors que, pour la conduite de la vie, la connais­ sance de ce bien est d'un grand poids, et que, semblables à des archers qui ont une cible sous les yeux, nous pourrons plus aisément atteindre le but qui convient? S'il en est ainsi, nous devons essayer d'embrasser, tout au moins dans ses grandes lignes, la nature du Souverain Bien, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève.

On sera d'avis qu'il dépend de la science suprême et architectonique par excellence.» Ce texte illustre ce que peut être la recherche critique de la philosophie dans son souci d'éclairer à la fois la pratique humaine et les différentes fins qui l'orientent.

Quelle fin mérite d'être poursuivie pour elle-même ? Quelle fin n'est recherchée qu'en vue d'autre chose qu'elle-même? Un savoir ou un savoir-faire particulier n'a de véritable sens qu'au niveau ultime de référence où il peut se comprendre.

D'où la perspective d'une «science architectonique», permettant d'ass igner le sens et le fondement de chaque savoir, de chaque savoir-faire.

Cette métaphore de l'architecture est décisive pour comprendre le projet d'une sagesse visant la totalité ordonnée de l'expérience humaine.

Aristote vise ici la politique, comme théorie rationnelle de la vie dans la cité (du grec :polis), celle-ci devant assurer, par son organisation optimale, les conditions de l'accomplissement humain.

Il ne s'agit pas seulement de vivre, mais de bien vivre (en grec, en zen: la vie réussie), c'est-à-dire de se réaliser selon le meilleur de l'homme (selon son «excellence>> dit Aristote).

Plus généralement, ce texte propose la matrice d'une démarche critique exemplaire, qui peut s'effectuer à des niveaux et dans des contextes très variés.

Pour toute connaissance, pour toute pratique particulière, il est en effet possible de se demander quel statut elle a au regard de ce qui définit sa raison d'être.. »

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