Devoir de Philosophie

Autrui peut-il m'aider à me connaître?

Publié le 05/12/2010

Extrait du document

 

La connaissance de soi par soi semble vouée à l'échec. Toutes les difficultés qu'elle présente se ramènent à celle-ci: dans cette entreprise, le sujet et l'objet ne font qu'un; celui qui tente de se connaître est à la fois juge et partie. Par conséquent, le caractère objectif d'une telle tentative peut être à bon droit mis en doute. Mais pour pallier cet inconvénient, on pourra avoir l'idée de recourir à l'aide d'un tiers extérieur. Je suis mal placé pour prétendre me connaître. Autrui, peut-on espérer, pourra adopter un point de vue objectif sur moi-même et ainsi me faire connaître qui je suis. Cependant, il s'agit d'une idée paradoxale. S'il est déjà si difficile de se connaître soi-même, comment autrui pourrait-il m'aider?

 

« Aristote[Notice], l'amitié se fonde sur la ressemblance. II.

L'amitié. C'est la thèse soutenue dans un texte d'origine obscure, que l'on attribue traditionnellement à Aristote. Apprendre à se connaître est très difficile (...) et un très grand plaisir en même temps (quel plaisir de seconnaître!); mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes: ce qui le prouve,ce sont les reproches que nous adressons à d'autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmeserreurs, aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, par l'indulgence et la passion qui nousempêchent de juger correctement.

Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nousvoulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c'est en tournant nos regards versnotre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu'un ami est un autre soi-même.

Concluons: la connaissancede soi est un plaisir qui n'est pas possible sans la présence de quelqu'un d'autre qui soit notre ami; l'homme qui sesuffit à soi-même aurait donc besoin d'amitié pour apprendre à se connaître soi-même. Aristote constate la difficulté de se connaître soi-même.

Il souligne que le problème est lié à l'identité du sujet etde l'objet.

Il en conclut qu'il faut donc un intermédiaire.

Je ne peux pas m'analyser dans la solitude.

J'ai besoin desautres pour savoir qui je suis.

Mais ce n'est pas n'importe quel autre qui pourra me fournir cette aide: il me fautun ami. Se connaître est difficile, pour les raisons que l'on a vues.

Mais il serait dommage de renoncer, car c'est unesource de plaisir.

En effet, la connaissance, selon Aristote, procure de la joie.

Le savoir est une source debonheur, car le bonheur réside, pour chaque être, dans l'accomplissement de sa fonction propre (Ethique àNicomaque, I, 6).

Mais pourquoi cette connaissance particulière qu'est la connaissance de soi? Parce que l'on yest en accord avec soi-même.

La connaissance vraie consiste dans l'accord de l'opinion avec son objet.

Je suisdans le vrai si ma connaissance est conforme à la réalité.

Où trouver, ailleurs que dans la connaissance de soi,une meilleure occasion de contempler un objet qui soit en accord avec soi-même, puisque justement cet objet estsoi-même? Mais c'est justement aussi de là que vient la difficulté de se connaître: je suis le plus mal placé poursavoir qui je suis, parce que je manque de recul par rapport à moi.

Aristote donne aussitôt une preuve de ce qu'ilavance, une preuve de fait, qui repose sur l'expérience.

Nous attribuons aux autres des défauts que pourtantnous possédons aussi.

Comment se fait-il que nous ne les remarquions pas aussi facilement quand ils sont nôtres?Notre connaissance ne sera pas objective, parce que déformée par l'indulgence et la passion.

Chacun sera tentéd'être indulgent avec lui-même.

Que la passion, par exemple l'orgueil, rende aveugle, c'est un thème classique.

Ilest difficile de reconnaître ses faiblesses, de mettre le doigt où ça fait mal.

Celui qui connaît et ce qui est àconnaître ne peuvent donc se confondre.

De la même façon, il est impossible pour l'œil de se voir lui-mêmedirectement.

Je peux observer toute chose, sauf ma propre vision.

Le seul moyen d'étudier l'œil, c'est de prendreun point de vue extérieur sur lui, de l'observer du dehors, ce qui n'est possible que par un intermédiaire: celui dumiroir.

De la même façon, puisqu'il est impossible de se connaître directement, on le fera indirectement, grâce àun médiateur.

C'est autrui qui jouera le rôle du miroir.

Je ne peux me connaître seul.

Il faut qu'autrui joue le rôlede moyen terme entre moi et moi-même.

Toutefois, pour que sa médiation soit efficace, il ne s'agit pas decompter sur n'importe qui: c'est d'un ami seulement que l'on peut espérer obtenir la connaissance de soi.

Pourquelle raison? L'ami, peut-on supposer, sera peut-être plus objectif, plus bienveillant à notre égard, tandis que lepremier venu serait peut-être plus sévère.

Mais si l'ami est trop indulgent, la connaissance qu'on en retirera nesera donc pas objective.

En réalité, il ne s'agit pas de compter sur l'autre pour qu'il nous dise ce que noussommes.

Aristote ne dit pas que le rôle de l'ami va consister à nous exprimer son opinion sur nous.

Nulle part dansle texte il n'est question que l'autre nous apporte une opinion sur nous.

Ce n'est pas la parole qui doit servir demoyen de nous connaître: Aristote ne parle que du regard.

C'est en contemplant mon ami que je découvre qui jesuis.

Autrui est donc comparable au miroir.

Je me reflète en lui.

Je me connais en le connaissant.

Mais commentest-ce possible? Mon ami n'est pas moi, il est un autre.

Oui, mais il est un autre moi-même, précise Aristote.L'argument de l'auteur qui justifie la confiance faite à l'ami pour se connaître, c'est que l'ami est un "alter ego".Une certaine conception de l'amitié est ici sous-entendue, selon laquelle les amis sont semblables.

L'amitié sefonderait sur la ressemblance.

Aristote reprend enfin sa thèse pour en tirer une conclusion paradoxale.L'autosuffisance suppose l'amitié.

Pour être autosuffisant, j'ai besoin d'un ami.

Autrement dit, cette indépendancene peut s'acquérir seul.

Pour être libre, j'ai besoin des autres, à condition qu'ils soient des amis.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles