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Bachelard: L'opinion constitue-t-elle un obstacle à la connaissance ?

Publié le 15/03/2006

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La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit.

Une des thèses principales de La Formation de l’Esprit Scientifique est « la suprématie de la connaissance abstraite et scientifique sur la connaissance première et intuitive « Pour Bachelard, l’abstraction se réalise dans le processus de rectification discursive propre aux mathématiques, qui ont un rôle « non plus descriptif mais formateur «; l’ordre abstrait, parce qu’il est prouvé, a une valeur de vérité. Les mathématiques employées doivent être algébriques : elles ne se limitent pas ici à une géométrisation des phénomènes, mais à une réelle explication.

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« objectivité.

Bachelard veut s'opposer à cette « philosophie facile qui s'appuie sur un sensualisme plus ou moinsfranc, plus ou moins romancé, et qui prétend recevoir directement ses leçons d'un donné clair » (ch.

II, p.24).

Au contraire, «l'esprit scientifique doit se former contre la nature (...), contre le fait coloré et divers » (p.24).

De plus : « en multipliant les occasions de la curiosité, loin de favoriser la culture scientifique, on l'entrave».

Quels sont lesarguments qui suscitent cette opposition ? Par de nombreux exemples tirés de l'Electricité du XVIIIe siècle, del'Alchimie...

Bachelard montre que cette investissement affectif « enlève à la pensée scientifique le sens duproblème, donc le nerf du progrès » (ch.

II, p.29), produit une « immobilité de la connaissance » (ch.

II, p.44) ; larecherche cesse dans la mesure où la réponse est toute trouvée, elle est le phénomène lui-même.

De plus, le pittoresque peut devenir le but ultime de l'expérience, ou effacer, chez les élèves par exemple, la théorie qui y estassociée.

Aussi, l'opinion est la forme de la connaissance d'un point de vue pré- scientifique, il représente ce qu'ilfaut surmonter.

On peut assimiler ainsi la science du passé à une opinion qu'on doit rectifier. « Elle est le premier obstacle à surmonter.

Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers,en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire.

L'esprit scientifiquenous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous nesavons pas formuler clairement.

Avant tout, il faut savoir poser des problèmes.

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Et quoi qu'on dise, dans la viescientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes.

C'est précisément ce sens du problème qui donne lamarque du véritable esprit scientifique.

Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à unequestion.

S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique.

Rien ne va de soi.

Rien n'estdonné.

Tout est construit.

» Une des thèses principales de La Formation de l'Esprit Scientifique est « la suprématie de la connaissance abstraite et scientifique sur la connaissance première et intuitive » Pour Bachelard, l'abstraction se réalise dans le processus de rectification discursive propre aux mathématiques, qui ont un rôle « non plus descriptif mais formateur »; l'ordreabstrait, parce qu'il est prouvé , a une valeur de vérité.

Les mathématiques employées doivent être algébriques : elles ne se limitent pas ici à une géométrisation des phénomènes, mais à une réelle explication .

Leur rôle ne se limite pas à un vague artifice rendant plus crédible l'interprétation d'une expérience.

Elles s'opposent en cela à l'intuition ;en effet, l'intuition ou l'expérience ne jouent pas un rôle déterminant en mathématiques.

Comme l'explique Russell, «2 + 2 = 4 » n'est pas une vérité obtenue par répétition de l'expérience mais une vérité construite, produite a priori . Cette opposition entre mathématiques et intuition rappelle l'opposition intuition-entendement : selon Kant,l'entendement est la marque de la spontanéité de l'esprit, alors que l'intuition est la marque de sa passivité.L'abstraction recrée le monde qui l'entoure, et lorsque sa reconstitution correspond à la réalité, cela signifie qu'elleest valable et qu'on peut l'utiliser pour extrapoler de nouveaux phénomènes : « Pour l'esprit scientifique, toutphénomène est un moment de la pensée théorique, un stade de la pensée discursive, un résultat préparé ».

On pourrait aller jusqu'à dire que l'abstraction peut aussi « créer » le monde qui l'entoure : en effet, « la substancen'est que la concrétisation d'idées théoriques abstraites.

Sans ces idées théoriques, on ne pourrait pas créer lasubstance, car c'est vraiment créer une substance que d'établir d'une manière permanente une propriété dans unétat bien défini ».

A la base de la construction scientifique, le questionnement sans cesse renouvelé : « touteconnaissance est une réponse à une question ».

On comprend dès lors l'importance du sens du problème chez les scientifiques.

Le problème est forcément construit car il est du domaine des mathématiques, de la science.

Aussi,tout ce qui peut faire obstacle à la construction des problèmes, entre autre la subjectivité sera à bannir duraisonnement scientifique.

L'entreprise de Bachelard a consisté à repérer la dose de subjectivité qu'il existe dansnotre connaissance par une psychanalyse de la connaissance objective.

Tout ce qui est premier dans notre rapportaux choses est à proscrire : l'expérience première, l'opinion, l'imaginaire, le pittoresque, la mythologie.

La science estrationnelle. Aussi juste avant ce texte, il écrit : « L'idée de partir de zéro pour fonder et accroître son bien ne peut venir quedans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse.

Mais devant le mystèredu réel, l'âme ne peut se faire, par décret, ingénue.

Il est alors impossible de faire d'un seul coup table rase desconnaissances usuelles.

Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir.

Quand il seprésente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.

Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.Accéder à la science, c'est, spirituellement, rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire unpassé.

» Et : « Un obstacle épistémologique s'incruste sur la connaissance non questionnée.

Des habitudesintellectuelles qui furent utiles et saines peuvent, à la longue, entraver la recherche.

« Notre esprit , dit justement M.

Bergson a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l'idée qui lui sert le plus souvent.

» L'idée gagne ainsi une clarté intrinsèque abusive.

A l'usage, les idées se valorisent indûment.

Une valeur en soi s'oppose à la circulation des valeurs, C'est un facteur d'inertie pour l'esprit.

» Cette opinion est formé par l'habitude,l'éducation, elle est renforcée par la facilité.

Or la science n'a rien de facile et d'immédiat car elle est construite, rienne nous ait donné dans une première expérience.

La pensée scientifique est une difficulté vaincue, un obstaclesurmontée. Ce texte a indiqué la marche à suivre pour arriver à une pensée scientifique véritable : par la négation de l'opinion etla construction des problèmes par la science.

Rien ne peut être donné dans l'expérience première.

La facilité del'opinion est un indice que la pensée n'est pas encore entrée dans le domaine de la science.

Aussi Bachelard a eupour objectif dans ce livre d'examiner ce qui constituait ces opinions, comment elles sont nées, pourquoi ellesperdurent et comment les surmonter, et non les supprimer, car il sait qu'elles sont constitutives de l'âme humaine.. »

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