Devoir de Philosophie

BERGSON ET LE HASARD

Publié le 30/08/2014

Extrait du document

bergson

Une énorme tuile, arrachée par le vent, tombe et assomme un pas­sant. Nous disons que c'est un hasard. Le dirions-nous, si la tuile était simplement brisée sur le sol ? Peut-être, mais c'est que nous penserions vaguement alors à l'homme qui aurait pu se trouver là, ou parce que, pour une raison ou pour une autre, ce point spécial du trottoir nous intéressait particulièrement, de telle sorte que la tuile semble l'avoir choisi pour y tomber. Dans les deux cas, il n'y a de hasard que parce qu'un intérêt humain est en jeu et parce que les choses se sont passées comme si l'homme avait été pris en considération, soit en vue de lui rendre service, soit plutôt avec l'intention de lui nuire. Ne pensez qu'au vent arrachant la tuile, à la tuile tombant sur le trottoir, au choc de la tuile contre le sol : vous ne voyez plus que du mécanisme, le hasard s'évanouit. Pour qu'il intervienne, il faut que, l'effet ayant une signification humaine, cette si­gnification rejaillisse sur la cause et la colore, pour ainsi dire, d'humanité. Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s'il avait une intention.

 

BERGSON.

Analyse du sujet

·    Lorsqu'un texte, comme c'est ici le cas, se termine part une défini­tion, penser qu'il convient d'abord d'expliquer ce qui la justifie du point de vue de l'auteur, avant d'envisager de la « critiquer «.

·    Le texte n'est pas difficile à comprendre, mais on sera attentif à cer­taines de ses expressions : « semble l'avoir choisi «, « comme si... «.

·    Dans quel sens Bergson prend-il ici le terme « mécanisme « ?

·    La définition du hasard à laquelle on aboutit fait encore intervenir un « comme si « : quel sens lui donner ?

Plan

Introduction

I.   — Hasard et intérêt humain

II. — Un mécanisme finalisé

— Hasard et sens Conclusion

bergson

« CORRIGÉ [Introduction] Le recours au hasard témoigne d'un désir intellectuel de compréhen­ sion complète.

Dans le monde que l'homme prétend scientifiquement expliquer, il ne peut exister d'arbitraire absolu, et un phénomène imprévu (peut-être même imprévisible) semble déjà moins inquiétant pour peu qu'on le rattache au hasard.

Mais comment définir ce dernier? C'est ce à quoi s'attache ici Bergson, à partir d'un exemple simple, et il montre que toute allusion au hasard révèle surtout l'existence d'un projet humain qui colore le monde et lui confère des significations.

[1 -Hasard et intérêt humain] L'exemple proposé a l'avantage d'être simple, sinon caricatural : l'homme assommé par la chute d'une tuile constitue une sorte d'image d'Épinal.

Mais la formulation du hasard, avec ce qu'elle peut avoir de ras­ surant dès lors que ce qui est nommé paraît déjà quelque peu maîtrisé, que désigne-t-elle exactement ? L'inversion de la situation propose un premier éclaircissement : évoque-t-on encore le hasard lorsque la tuile tombe sans assommer qui que ce soit ? C'est possible, dans deux cas : soit que l'on imagine que quel­ qu'un aurait pu se trouver là (le hasard a fait ou «voulu» qu'il échappe de peu à un accident), soit que la chute de la tuile s'effectue en un endroit par­ ticulier, qui nous concernerait pour une raison ou pour une autre (c'est l'endroit où je pensais donner rendez-vous le lendemain, ou au contraire celui où j'ai trouvé un billet de cent francs il y a une semaine ...

) Dans ces deux cas, et même si elle n'est pas suivie d'un accident, la chute semble bien viser son lieu précis.

Et cette impression est due au fait que le lieu avait une signification particulière pour quelqu'un : il était lié à un projet, à un souvenir, à une action en cours, etc.

On peut donc admettre qu'il n'y a de hasard (réel ou potentiel) que relativement à ce que Bergson nomme un «intérêt humain».

C'est en fonction de ce dernier que les phénomènes prennent la signification parti­ culière d'un «hasard» -heureux ou malheureux -, c'est-à-dire d'un concours de circonstances qui paraît venir confirmer ou empêcher une entreprise.

[Il -Un mécanisme finalisé] Lorsqu'on conçoit le déroulement d'un événement sans qu'il vienne perturber, d'une façon ou d'une autre, une intention humaine, on ne ren­ contre rien d'autre que du «mécanisme » insignifiant.

L'ordre des choses. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles