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Bergson, l'énergie spirituelle: Peut-on savoir avec certitude qu'un être est conscient ?

Publié le 20/09/2011

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bergson

« Pour savoir de science certaine qu'un être est conscient, il faudrait pénétrer en lui, coïncider avec lui, être lui. Je vous défie de prouver, par expérience ou par raisonnement, que moi, qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. Je pourrais être un automate ingénieusement construit par la nature, allant, venant, discourant ; les paroles mêmes par lesquelles je me déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n'est pas impossible, vous m'avouerez qu’elle n'est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance extérieure vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu'une probabilité; mais y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude. «  Bergson, l’énergie spirituelle    Intro :    La conscience peut-elle se prouver par l’expérience ou le raisonnement ? Par l’analogie ? C’est à ces questions qu’il nous est proposé de réfléchir à l’occasion de ce texte de Bergson. L’auteur y défend la thèse selon laquelle on ne saurait produire aucun raisonnement ou argument rationnel suffisant pour démontrer qu'un être est conscient. Il faut donc reprendre le texte de Bergson dans son détail afin de mieux saisir comment le raisonnement scientifique, toute tentative par expérience ou raisonnement échouent à prouver la conscience, et enfin comment l’analogie ne ramène qu’à une probabilité, et à aucune certitude scientifique…

bergson

« inavouées de tout raisonnement. Cependant, si l'on prend en compte le fait que Bergson est un défendeur de l'intuition, on peut comprendre la fin dutexte d'une manière différente… En effet, dans quelle mesure le raisonnement par analogie qu'il finit par proposer neserait-il pas en fait la seule solution, bien que non certaine, qu'il donne à ce problème ? Réflexion philosophique/critique : Le problème que pose le texte est de savoir commenton peut prouver qu'un être est conscient alors que la conscience est une substance immatérielle donc qu'on ne peutpas voir… Cependant, le texte ne semble pas résoudre ce problème, il se contente de repousser tout raisonnementscientifique… On pourrait cependant dire que cet extrait fait avancer l'étude du thème en prouvant que toutetentative pour essayer de déterminer avec certitude si un être est conscient ou pas, est vaine… on n'arriveratoujours qu'à une probabilité ! Tout d'abord, il serait bon de préciser le contexte socio-historique.

Au tournant du 19e et du 20e siècle, le conceptd'énergie révolutionne la physique.

La crise des sciences “dures” est accompagnée par une crise de la science dessciences, la philosophie.

Un regain de la lutte matérialisme/idéalisme, l'émergence de philosophies nouvelles anti-rationalistes et anti-intellectualistes, la multiplication de ce qu'on appela des “philosophies de savants”, en sont lescaractéristiques.

Deux philosophies influentes au tournant du siècle intègrent les concepts d'énergie et d'évolution,celles d'Herbert Spencer et d'Henri Bergson, justement… Ensuite, nous pourrions comparer l'auteur à d'autres qui se sont prononcés sur la même question, mais raisonnantdifféremment.

Reprenons Descartes par exemple… (n'aurait-il d'ailleurs pas parlé d'homme et d'automate dans saMéditation Deuxième, exemple repris ici ?).

En ce qui concerne la conscience, on aurait tendance à assimiler laposition de Bergson à la sienne.

Tous deux considèrent la conscience comme une réalité intérieure, ils pensent quece phénomène est irréductible à un phénomène corporel.

Cependant, Descartes, lui, considère pouvoir démontreravec certitude (une certitude scientifique, cf.

les Méditations métaphysiques) qu'il est de la nature de l'hommed'être conscient.

De plus, avant de considérer la conscience comme une intériorité, Descartes la considère commeun phénomène substantiel.

Pour Bergson, au contraire il s'agit de considérer la conscience AVANT TOUT comme uneintériorité qui ne peut pas être l'objet d'une science (au sens de science certaine).Nous pourrions également confronter Bergson à d'autres philosophes qui avaient une vision des choses radicalementopposée à la sienne… Citons Husserl et Sartre.

Pour ces défenseurs de l'intentionnalité, la conscience est action dese tourner vers le dehors.

« Toute conscience est toujours conscience de quelque» dira Husserl.

Pour lui, laconscience n'est pas un intérieur clos, mais elle est inséparable des objets qu'elle vise selon des intentions, desintérêts variés.

« La conscience n'a pas de dedans, elle n'est rien que le dehors d'elle-même » ajoutera Sartre. En ce qui concerne l'importance du texte dans le cadre de la pensée philosophique, cet extrait n'est pas le plusimportant des écrits de Bergson.

Le texte n'est pas central dans l'ouvrage d'où il est tiré, L'Energie spirituelle(1919).

Il ne vient que compléter sa définition de la conscience.

D'autres parties du livre mettent donc plus enexergue l'idée défendue par l'auteur.

C'est plutôt la pensée de Bergson dans son ensemble (qui transparaît donc biensûr dans ce texte) qui est importante.

Hostile au positivisme scientiste et matérialiste, mais aussi aux philosophiesintellectualistes, il a voulu « opérer un retour aux données de l'intuition, coïncidence immédiate et spontanée avecun objet, permettant d'atteindre l'être profond des choses, lequel est durée pure et spirituelle, mais aussi libertéjaillissante.

»L'originalité du point de vue de Bergson (non visible dans cet extrait) réside dans le fait que selon lui, la conscienceserait originellement co-extensive à la vie (appartient au vivant dans son entier, pas uniquement à l'homme) maiscette force spirituelle, dans l'évolution, s'est parfois assoupie là où elle était devenue inutile.La pensée de Bergson est importante pour éclairer un grand problème humain.

Selon Bergson, la conscience semanifesterait par un choix, et serait tournée soit vers le passé, (mémoire, c'est à dire création) soit vers le futur(anticipation, c'est à dire choix.) Ainsi, il y aurait des fluctuations (variations successives en sens contraire) de laconscience.

Les conséquences potentielles de sa thèse sont énormes.

L'humanité se définit souvent par saconscience : si nous acceptons que celle-ci puisse osciller, n'y a-t-il pas un risque de négation de la conscience etdonc de l'humanité de certains ?Pour se concentrer davantage sur l'extrait ici présenté, il serait bon tout d'abord de citer Hegel qui, dans sonEsthétique écrit : "L'homme est un être doué de conscience." Depuis des temps immémoriaux, l'homo sapiens acherché ce qui lui est propre, ce qui fait de lui un homme.

Cependant ici, Bergson montre bien qu'en aucun cas nousne pouvons prouver de manière certaine que l'être en face de nous est doté d'une conscience ! Le texte de Bergsonà proprement parler a donc une importance capitale, puisqu'il touche à ce qui pour beaucoup définit l'humanité. Pour conclure, l'intérêt de ce texte est de faire prendreconscience aux hommes qu'aucun raisonnement ou argument rationnel n'est suffisant pour démontrer qu'un être estconscient.

Cependant, une ambiguïté peut apparaître à la fin, où les propos de Bergson concernant le raisonnementpar analogie sont quelque peu flous.

Deux interprétations semblent possibles.

Soit l'analogie est un moyen d'aboutirà une conclusion concernant la conscience de l'être en face de nous, cependant cette conclusion ne serait jamaisqu'une probabilité… Soit le lecteur comprend que Bergson refuse aussi le raisonnement par analogie et se voit alorsobligé de conclure à l'impossibilité d'une preuve certaine sur la conscience des autres… ce qui est assez frustrant !Le texte soulève un problème majeur dans l'histoire de la philosophie : le fait que l'homme soit un être doué deconscience était quelque chose d'établit, cependant Bergson, montrant ici que nous n'avons aucune preuve de la. »

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