Devoir de Philosophie

Bergson, L’évolution créatrice: mémoire et création

Publié le 05/01/2020

Extrait du document

bergson

Dégagez l’intérêt philosophique du texte suivant, en procédant à son étude ordonnée.

Quand l’enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage. La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin. L’opération n’exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps. C’est que le résultat en est donné. C’est que l'image est créée déjà et que, pour l’obtenir, il suffit d’un travail de recomposition et de réarrangement — travail qu’on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané. Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l’évolution psychologique qui la remplit et l’invention qui en est le terme. Le temps d’invention ne fait qu’un ici avec l’invention même. C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. Enfin, c’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée.

Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art. Et c’est ce rien qui prend du temps.

Bergson, L’évolution créatrice, © PUF, coll. « Quadrige », 8e éd. 1998, p. 1,5.

Le premier exemple proposé par Bergson est simple, mais la présentation qu’il en fait frôle le paradoxe.

Nous avons en effet l’habitude, lorsque nous voyons un enfant manipuler les éléments d’un jeu de patience ou d’un jeu de cubes pour reconstituer une image, de considérer qu’il lui faut un certain temps pour réussir. Or Bergson soutient le contraire : « l’opération n’exige pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps ». Qu’elle n’exige pas un temps « déterminé », on l’admettra encore aisément si l’on comprend «déterminé» comme synonyme d’« obligatoire », ou de « constant » : on sait que l’enfant réussit, à force de répétitions, de mieux en mieux et de plus en plus vite, et Bergson le souligne lui-même.

Il semble initialement plus difficile d’admettre que l’opération « théoriquement, n’exige aucun temps ». Pour justifier cette affirmation, Bergson fait valoir deux éléments : la recomposition de l’image a déjà eu lieu, elle

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles