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Blaise PASCAL: La question du moi et de l'identité personnelle.

Publié le 18/04/2009

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Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées. Blaise PASCAL

 « Qu'est-ce que le moi ? « est la question qui introduit tout le texte et cependant c'est la question à laquelle Pascal ne va pas répondre tout au long du texte, mais seulement essayer de donner un esquisse de réponse. Durant le texte, on va donc s'interroger sur la nature du « moi « c'est-à-dire de la personne. Ordinairement, la personne est définie comme un tout, une unité et cependant elle est aussi une individualité qui la rend différente des autres. Pascal dans ce texte commence par étudier les qualités physiques du « moi «. Pour cela il commence avec l'exemple d'un « passant «. Etre passant est une qualité physique accidentelle. On peut être un passant pendant un moment puis ne plus l'être l'instant suivant. On ne peut pas être tout le temps un passant, ce n'est pas une qualité naturelle. Je ne suis passant que pour celui qui me regarde, mais pas en moi-même. De plus, être passant c'est être invisible aux yeux

 

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« Que reste-t-il alors à aimer ? « Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? »On pourrait espérerici que Pascal demande qu'on sache aller plus loin, qu'on ne se contente pas d'apprécier des qualités comme s'ils'agissait d'aimer un objet de consommation, mais qu'on veille à atteindre le fond de la personnalité d'autrui.

Bien aucontraire, et ce moment de la réflexion s'apparente à une mise à mort, aimer « la substance de l'âme d'unepersonne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent » est à la fois impossible et injuste.

Autrement dit,toute affection est superficielle et c'est très bien ainsi.

« On n'aime donc jamais vraiment personne, mais seulementdes qualités ».Comprenons en effet d'une part que cette « substance de l'âme », ce moi profond, cette personnalité véritable,quelque soit le nom dont on veut l'appeler, est incommunicable.

Nous ne pouvons nous y attacher qu'à travers sesmanifestations, qui, si elles sont aimables, passeront pour des qualités, mais elles « ne sont point ce qui fait le moi».

Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'en plaindre : pour être aimé, il faut être aimable, et pour être aimable, il fautmanifester extérieurement des qualités.

Le contraire de cette loi serait une étrange injustice.

En effet, il n'y a rien làau fond que de très normal : qui veut être aimé doit plaire, et même les amants les plus unis ont encore à seséduire.

Mais le corollaire de cette vérité est humiliant, car prétendre être aimé pour soi-même n'est plus que lamanifestation d'une vanité ridicule.Et pour parachever sa destruction de cette vanité, Pascal « enfonce le clou » par une comparaison peu flatteuse :« qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personneque pour des qualités empruntées ».

On peut songer ici à la fable de La Fontaine intitulée L'Ane portant desReliques, dont la moralité est : « D'un magistrat ignorant c'est la robe qu'on salue ».

Le peuple se prosterne devantdes reliques sacrées, et l'âne qui les porte s'imagine que ces marques de vénération s'adressent à sa personne.

Cetâne est l'image des puissants, et on reconnaît là un lieu commun de la satire sociale ; les grands de ce monde sontfréquemment ridicules, dès qu'ils s'imaginent que le respect qui s'adresse à leur fonction traduit une quelconquemarque d'estime.

Ceci, tout le monde le comprend aisément.

La force de Pascal, c'est de montrer que celui qui veutêtre aimé pour ses qualités, même réelles, est exactement dans le même cas de figure.

Toute qualité est en effet «empruntée », c'est-à-dire que nous ne valons quelque chose que par ce que nous avons reçu, de la nature ou de lasociété peu importe, sans donc pouvoir prétendre l'avoir mérité.

Donc, même quand l'affection que l'on me porte estlégitime, je ne saurais la recevoir comme un dû et y trouver une preuve de la valeur particulière de ma personne.On peut à partir de là discerner l'intention de Pascal.

Seul Dieu, au fond, mérite d'être aimé, car seul ce qui est bonen soi est aimable sans restriction.

Tout le « mérite » humain tient alors dans l'humilité avec laquelle nous pouvonsaccueillir la grâce qui nous est donnée, mais qui pourrait tout aussi bien nous être reprise – de même que lapuissance sociale qui est toujours fragile – et par conséquent nous avons d'abord à prendre conscience de notreimpuissance à être aussi parfaits que notre orgueil le souhaiterait.

Ce qui fait la valeur de la personne humaine n'estpas quelque chose qui serait en elle ou qu'elle se serait donnée, mais c'est sa capacité à s'agenouiller devant ce quila dépasse, et devant la seule source de perfection qui est Dieu.

Tout le reste, toutes les autocongratulations outous les échanges d'affection inspirés par le narcissisme, relève de la comédie humaine. Pour prolonger l'explication Sans doute souhaitera-t-on ne pas accepter une telle démonstration sans réagir.

Qui ne trouvera en lui le désir deprotester contre son caractère implacable ? Il faudrait donc donner un écho aux répugnances que nous pouvonsressentir.

On pourrait peut-être essayer d'en prendre totalement le contre-pied, et d'exalter l'égotisme oul'affirmation de soi.

Mais, si cela constituerait une perspective radicalement opposée à celle de Pascal, il n'est passûr que cela nous mènerait à des conclusions vraiment différentes.

Nous risquons en effet de dire que nous n'aimonsen autrui que l'hommage qu'il rend à nos qualités par son admiration ou tout simplement par son désir, ce qui seraitune autre manière, peut-être plus pessimiste encore, d'affirmer l'incommunicabilité des consciences.Si donc l'on veut défendre une certaine vérité des affections humaines, il faudrait se demander en quoi un êtrehumain est-il plus aimable qu'un animal ou même qu'une chose.

Si l'on en reste à l'énumération des qualitéspossibles, on reste dans le relatif, et par exemple une terre aimée pourra valoir plus, subjectivement, que la sommede tous les individus qui y vivent, et ceci sans parler de tous les vices proprement humains qui pourraient pousser àla misanthropie.

Toutefois, la personne humaine n'est pas un simple objet – d'où la répugnance que nous avons àêtre considérés comme de simples « passants » anonymes – mais aussi un sujet conscient.

C'est aussi pour cetteraison qu'il est impossible d'y trouver une permanence qui serait éventuellement aimable.

Or, cela implique uneouverture au monde.

Etre un sujet conscient, cela signifie ne pas être enfermé dans les limites de sescaractéristiques individuelles.

Ce que je ne suis pas, je pourrais l'être, car cela ne m'est jamais totalement étranger.Nous pouvons ici trouver une raison de nous intéresser particulièrement aux autres êtres humains.

Autrui, c'est biensûr quelqu'un à qui je reconnais des qualités et des défauts, mais Pascal l'a montré, ce n'est pas là ce qui fait lasubstance de la personne, et toute qualité est provisoire.

C'est surtout quelqu'un qui est ce que j'aurais pu être etque je ne serai jamais.

Si autrui me révèle à moi-même, ce n'est pas parce qu'il peut dire qui je suis, mais parce qu'ilm'ouvre à des possibilités qui contribuent à mon épanouissement.. »

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