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Blaise PASCAL: Le Roseau pensant

Publié le 01/04/2005

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L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée. Je n'aurai pas davantage en possédant des terres : par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends. Blaise PASCAL
Dans les fragments 200 et 113 des Pensées, Pascal s’interroge : qu’est-ce que l’homme ? Pour répondre à ce problème, il cherche à établir une définition qui se fonde sur le rapport de l’homme avec le type d’être qui lui est spécifique. Or il existe deux types d’être que sont l’étendue, c’est à dire l’espace et la pensée. Par son corps l’homme appartient à l’étendue, mais sa conscience le relie à la pensée. Le problème de ces fragments est donc : faut-il définir l’homme par son rapport à l’étendue ou à la pensée ? Dans une première partie, de la ligne 1 à la ligne 6, nous étudierons la célèbre métaphore du roseau pensant qui met en scène cette ambiguïté constitutive à l’homme en nous interrogeant sur son ordre spécifique. Puis, dans une deuxième partie qui va de la ligne 6 à la fin de notre texte, nous examinerons la réponse de Pascal : toute notre dignité consiste en la pensée.
 

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« L'homme, malgré son orgueil, n'est pas de force égale avec la nature « il ne faut que l'univers entier s'arme pourl'écraser ».

On peut noter le style de Pascal dans ses alternatives tranchées marquées par un « mais »symptomatiques de sa stratégie du renversement du pour ou contre : il s'agit après avoir affirmé une thèse de lacontrebalancer immédiatement pour troubler le lecteur.

Ainsi après avoir insisté sur la faiblesse de l'hommeperceptible dans son incapacité à résister, Pascal en proclame la noblesse, c'est à dire la valeur infinie : « quandl'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue ».

D'où vient cette valeur contredisant savulnérabilité ? _ Vulnérable, l'homme a plus de valeur que la nature qui peut l'écraser « puisque il sait qu'il meurt ».

Par son corps,l'homme appartient à la nature.

Or la moindre cause naturelle peut détruire son corps, c'est à dire le faire mourir.Mais par la pensée, l'homme sait qu'il est promis à la mort.

Or il est seul à avoir la conscience de sa conditionmortelle.

Ainsi « l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien ».

L'univers, c'est à dire la totalité de lanature a beau pouvoir détruire à chaque instant, le corps de l'homme.

Il est lui-même dépourvu de la conscience decet avantage qui consacrerait sa victoire.

Par conséquent l'homme a une valeur supérieure du fait de posséder lapensée, même si cette pensée est la pensée de sa faiblesse.

Pour illustrer ce point, on peut citer le fragment 114qui se réfère encore à la fable du Chêne et du roseau : « la grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaîtmisérable ; un arbre ne se connaît pas misérable.

C'est donc être misérable que de se connaître misérable, maisc'est être grand que de connaître qu'on est misérable ». Après avoir étudié la métaphore du roseau pensant qui explique l'ambiguïté de la condition humaine, il nous fautétudier la thèse de Pascal : « toute notre dignité consiste en la pensée' II Toute la dignité de l'homme réside dans sa pensée _ Le roseau pensant montre d'une part en quoi l'homme en tant que roseau, est la partie la plus faible de la nature,d'autre part, en quoi la pensée vient compenser sa faiblesse et renverser la défaite de l'homme face à la nature enune victoire paradoxale.

En effet, si la nature peut nous écraser, mais qu'elle l'ignore, nous savons que nous sommesmortels, mais cette connaissance de notre mortalité nous arrache à l'ordre de la nature pour nous élever à notreordre propre : la pensée.

La dignité désigne la valeur infinie dont seule jouit l'humanité, par opposition, la nature n'apas de dignité, mais seulement un prix.

Que signifie que « toute notre dignité consiste en la pensée » ? Cela signifieque la pensée est ce qui fait la valeur infinie de l'humanité.

Or l'homme n'est pas tout entier pensée, mais il est aussinature par son corps et ses possessions matérielles.

Si la pensée est ce qui fait la valeur de l'homme, quelle attitudedoit-il adopter par rapport à ce qui en lui n'est pas pensée ? _ « toute notre dignité consiste donc en la pensée.

C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de ladurée que nous ne saurions remplir ».

Le roseau face à la nature est abaissé par le vent qui lui signifie sa faiblesseet la reconnaissance de la supériorité de tout ce qui l'entoure.

Or la reconnaissance de la supériorité signifie pourl'homme une humiliation.

Dans l'humiliation, on est abaissé vers le sol (humus signifie en latin le sol).

Or si la penséeest ce qui fait la valeur de l'homme, c'est par la pensée que l'homme peut se « relever), reconnaître sa propre valeuret l'affirmer supérieure à celle de toute la nature grâce à la pensée.

Il s'agit donc de pas fonder la valeur de l'hommeà partir de l'ordre de la nature qui n'est pas son ordre propre : ce qui le prouve, c'est que l'homme ne le « remplit »pas.

Comme le montrent les fragments 68, 194, mais surtout 135, il n'y a aucune raison pour que j'habite en ce paysplutôt qu'en cet autre, ni que je sois né à cette époque plutôt qu'en n'importe quelle autre.

Je suis jeté dans unespace et dans un temps sans les avoir choisi.

A la base de cette indifférence de mon être à l'espace et au temps,il y a donc cette absence de raison qui s'appelle la contingence : ce qui est pourrait être autrement, et même nepas être du tout.

Ainsi le fragment 135 a pour objet la contingence de mon existence : « Je sens que je puis n'avoirpoint été car le moi consiste dans ma pensée ; donc moi qui pense n'aurais point été si ma mère eut été tuée avantque j'eusse été animé.

Donc je ne suis pas un être nécessaire » Par conséquent le fondement de ma valeur setrouve dans la pensée ainsi que le principe de la morale. _ La morale consisterait alors à chercher ma dignité dans la pensée et non dans l'espace.

Et ensuite, à régler mapensée selon une méthode , en distinguant des ordres.

Nous voyons donc que l'homme participe de manièreprivilégiée à la pensée par laquelle il se définit et possède une dignité.

Aussi cette thèse sur la condition humaineconduit Pascal à dévaluer ce qui est de l'ordre de la nature ou de l'espace.

En tant que l'homme est par essence unroseau pensant, la possession des terres est une possession inadéquate à son essence : « je n'aurai pas davantageen possédant des terres ».

En effet, pour un être qui n'a de valeur que par la pensée, il n'y a pas d'intérêt àchercher de la valeur dans l'espace : cette possession n'est pas véritablement possédée par le roseau pensant.« par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point ; par la pensée je le comprends « .

cettedernière phrase résume tout l'enjeu de notre texte qui exprime tout le pathétique de la condition humaine.

Dansl'ordre de l'espace, l'univers réduit le roseau à un point qu'il peut détruire ; mais dans l'ordre de la pensée, la défaitedu roseau face aux puissances naturelles se change en une victoire paradoxale : la grandeur de l'homme consiste àcomprendre, c'est à dire à englober et à dominer ce qui dans l'ordre de l'espace, le réduit au néant. Conclusion : La métaphore du roseau pensant explique l'ambiguïté de la condition humaine : l'homme est un être misérable dans l'ordre de l'espace, mais un être grand par sa pensée.

Ainsi c'est par la pensée que l'homme se définitet fonde sa valeur infinie, c'est à dire sa dignité.

Néanmoins la condition humaine reste pathétique : si la penséesurpasse la nature, l'homme n'est pas tout entier pensée, mais aussi nature.

Aussi lui qui surpasse infiniment lanature est susceptible à tout moment de disparaître par elle.

La tension pathétique propre notre conditionconsisterait dans cette opposition entre la grandeur de notre pensée immortelle en droit et la misère de notre corps. »

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