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Calculer, est-ce penser ?

Publié le 08/08/2005

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Si Heidegger dit que la science ne pense pas, c'est parce qu'il attribue un sens spécifique au mot «penser«. Ce sens n'est d'ailleurs pas facile à saisir, et il reste, pour Heidegger, plutôt l'objet d'un questionnement que d'une définition. Car «définir«, ce serait encore rester dans un mode de pensée conforme à la métaphysique et à la science occidentale, et donc encore manquer le «penser« que vise Heidegger. «Je ne peux pas dire, par exemple, dit Heidegger, avec les méthodes de la physique ce qu'est la physique. Ce qu'est la physique, je ne peux que le penser à la manière d'une interrogation philosophique«. Il faut donc distinguer lorsque l'on est à l'intérieur de la science, avec ses méthodes et son langage propre, qui permet un certain type d'appréhension du réel (les étants), doué notamment d'une grande efficacité technique. Et une «pensée« qui consiste justement en un effort pour sortir des catégories de pensée établies par la science - mais aussi par la philosophie - et qui permet de revenir à la question de l'être. Le texte de Heidegger est intéressant à confronter avec des préjugés scientistes, pour qui il n'y a pas de pensée hors de la science.

« n'être admises que comme hypothèses, et dans ce cas la conclusion aussi n'est qu'hypothétique.

Ceux quisuivront ces règles avec soin se garderont facilement des idées trompeuses.

»Leibniz.

L'évidence est un critère de vérité insuffisant, parce que subjectif.

Il repose sur une inspection de l'esprit (laconscience que nous avons de penser à quelque chose).

Il manque donc à la règle cartésienne des idéesclaires et distinctes un critère objectif, qui nous permette de savoir à quoi reconnaître le clair et le distinct,autrement que par l'attention que nous y portons.L'évidence peut être trompeuse.

Où trouver alors les critères objectifs du clair et du distinct, et donc de lacertitude ? Dans les règles de la logique, c'est-à-dire dans le respect de la forme logique du raisonnement,dont la non-contradiction est la principe le plus universel.

Le syllogisme des Anciens en fournit l'exemple.

Lesmathématiques aussi, mais Leibniz retient d'elles moins, comme Descartes, la clarté des intuitions que larigueur du formalisme.Le calcul, manipulation réglée de signes, telle que la conclusion est nécessaire et immanquable, devient larègle suprême de la vérité : règle machinale, mais par conséquent plus sûre et plus objective que l'appel àl'évidence.On peut qualifier la conception cartésienne d'intuitionnisme et lui opposer le formalisme de Leibniz.

[Il est parfaitement possible de calculer sans penser.

Calculer, c'est mettre en oeuvre des mécanismes. Le pur calcul n'est qu'un automatisme que la machine est capable de reproduire.] La pensée n'est pas nécessaire au calculC'est la machine à calculer qui nous prouve que calculer n'est pas penser.

Quelle que soit sa sophistication,une machine n'est que matière, et la matière ne pense pas.

Pourtant la machine calcule ou, plus exactement,l'homme peut la faire calculer.

Or, en ne se trompant jamais, la machine montre bien qu'elle n'est qu'unemachine et qu'elle ne pense pas.

Si l'erreur est humaine, c'est parce qu'elle est pensée. Il ne faut pas confondre intelligence et penséeLe calcul demande de l'intelligence, et c'est pourquoi l'on parle, à propos des ordinateurs, d'intelligenceartificielle.

Mais l'intelligence n'est pas la pensée.

Un ordinateur calcule (le programme d'échecs Belle examine29 millions de configurations en trois minutes...) mais ne pense pas.

Il est incapable de seulement reproduirece qu'on appelle le «sens commun». Calculer, c'est manipuler, penser, c'est comprendreOn peut calculer sans comprendre, sans même savoir à quoi correspondent les calculs.

Nous l'avons tous faiten résolvant des équations à une ou plusieurs inconnues sans nous poser de question.

Mais pour comprendreun problème, par contre, il faut convoquer sa pensée. [] Dire que calculer n'est pas penser, ce n'est pas pour autant mépriser le calcul.

Lorsque Heidegger dit que lascience ne pense pas, il ajoute quelques lignes plus loin: «cependant, [elle] a toujours quelque chose à voiravec la pensée».

Il faut simplement comprendre que le calcul ne demande pas la mise en oeuvre de la penséeau sens le plus général que l'on peut donner à ce mot.

L'univers du calcul est un univers conventionnel etartificiel.

C'est pourquoi il est étranger au domaine de la pensée vivante.

C'est ainsi aussi que l'on peutentendre le reproche fait parfois à la science: elle n'a pas «pensé» à ce qu'elle faisait, au danger de larecherche, aux conséquences des découvertes, etc.

Mais si la science ne pense pas, le scientifique enrevanche pense, car il ne se contente jamais simplement de calculer.. »

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