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Ce qui fait de l'Etat un enfer c'est que l'homme a voulu en faire son paradis ?

Publié le 10/04/2009

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C'est à Hölderlin que nous devons cette formule sentencieuse, qui nous invite à remettre en question la puissance politique s'imposant depuis le XVIième siècle. Comment donc ce pouvoir – nouvelle forme d'ordre institutionnel qui n'eut de cesse de se développer et de gagner en autonomie (par rapport à l'ordre religieux et familial) dans le temps – a-t-il pu devenir à ce point infernal ?

Reconnaissons que la force politique ne reçoit pas aujourd'hui, au travers de ceux qui en sont les acteurs, l'assentiment général. L'a-t-elle d'ailleurs jamais reçue ? Mécontentements, mépris (ce qui semble encore plus troublant), ce lot que réserve l'opinion commune aux actes et discours de nos dirigeants n'est certes pas nouveau. La philosophie et l'histoire, aux travers de certaines pensées critiques et argumentées, propices à démasquer les abus et illégitimités de certaines formes de pouvoir politique, ont contribué fortement à nous rendre suspicieux voire méprisants à l'égard de tout pouvoir politique en place.

Pourtant, reconnaissons parallèlement qu'une approche généalogique (recherche des racines, de l'origine de l'État) nous amène à considérer l'ordre étatique comme l'héritier, en droit, des idéaux que défendaient les philosophes de l'Antiquité grecque (tels que Platon et Aristote). Principes moraux et idéaux de sagesse devaient s'unir alors dans le difficile exercice de représentation, de gestion et de maintien de l'ordre publique, dans l'esprit de ces penseurs.

 

C'est justement au regard de cette contradiction que naît cette perspective, inquiétante pour la pensée, qu'évoque Hölderlin. Les idéaux qui sous-tendent la notion moderne d'État ne se sont-ils pas immanquablement et continuellement heurtés à l'échec – et donc au découragement populaire – quant à leurs prétentions de sagesse et de bonheur ? Plus profondément, cette sentence ne désigne-t-elle pas là une opposition fondamentale, entre la nature « politique « et idéaliste de l'homme et sa part « animale «, conflictuelle et égoïste ?

Les grecs, certes, mais plus tard également les « contractualistes « (Hobbes, Locke, Rousseau...) ou autres penseurs (Machiavel, Hegel) ont cependant contribué à redéfinir la puissance étatique dans ses fondements : la paix civile, l'intérêt général, le droit, la liberté. Ces fondements ne légitiment-ils pas, dès lors, l'espoir d'un accomplissement individuel par et dans l'État ?

« Avec les philosophes « contractualistes » (Hobbes, Locke, Rousseau), l'idée d'État reçoit une portée et unelégitimité nouvelle.

Le pouvoir étatique moderne consiste justement, selon eux, en la reconnaissance préalable ducaractère absolu de l'intérêt général, devant fonder et légitimer ce pacte passé entre le peuple et la force qui legouverne.

La liberté et la possibilité d'une vie sociale heureuse est justement garantie par l'État de droit.

Dès lors,ne devrions-nous pas questionner, en opposition à cette sentence d' Hölderlin, la possibilité d'un bonheur assuré parl'État de droit ? Rousseau, défendant l'hypothèse d'un « contrat social », passé entre les citoyens et le pouvoir politique (librementconsenti par le peuple), propice à la sauvegarde des libertés et des intérêts à la fois individuels et généraux : Malheureusement, cette vision idéale de l'Etat ne survivra pas aux horreurs nazies et aux différentes condamnationsphilosophiques des diverses nouvelles formes de dictatures étatiques.

Ainsi Hanna Arendt, qui démasqua lesnouveaux « totalitarismes », formes d'États tout puissants et sans opposition, qui se sert de tous les moyens poursoumettre le peuple à sa volonté (cf Le système totalitaire).

Ses négations profondes de la possibilité d'existenced'un État légitime s'intensifièrent notamment avec l'analyse que Weber fait des fondements du pouvoir politique etde l'État : « Comme tous les groupements politiques qui l'ont précédé historiquement, l'État consiste en un rapport dedomination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la violence légitime (c'est-à-dire sur la violence qui estconsidérée comme légitime).

L'État ne peut donc exister qu'à la condition que les hommes dominés se soumettentà l'autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs. » Cette violence fondatrice qu'évoquait déjà Weber sera analysée et critiquée dans ses manifestations politiquescontemporaines par Foucault.

Mais au-delà, Foucault dresse une analyse du « pouvoir » dans son essence, et quis'insinue partout et pas seulement dans le cadre étatique.

Son oeuvre, Surveiller et punir , dénoncera « une société de surveillance » et de sanction méthodique et insidieuse des individus (système carcéral).

Conclusion Il n'est certes pas vraisemblable d'envisager l'existence d'une forme idéale, eudémonique (propice au bonheur)d'Etat politique, tant l'histoire et la pensée fut riches d'exemples de désaveu des principes fondamentaux de lapolitique. Cet enfer étatique que nous donne à penser Hölderlin (à relativiser) est bien le fait d'une nature humaineambivalente.

Tout État, ni enfer ni paradis, n'est certes qu'une tentative infinie de perfectionnement politique,autant qu'une institution à la légitimité discutable et aux méthodes critiquables.. »

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