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Commentaire Texte Sartre, "Cahiers Pour Une Morale"

Publié le 22/07/2010

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sartre

Et comme il faut assumer nécessairement pour changer, le refus romantique de la maladie par le malade est totalement inefficace. Ainsi y a-t-il du vrai dans la morale qui met la grandeur de l'homme dans l'acceptation de l'inévitable et du destin. Mais elle est incomplète car il ne faut l'assumer que pour la changer. Il ne s'agit pas d'adopter sa maladie, de s'y installer mais de la vivre selon les normes pour demeurer homme. Ainsi ma liberté est condamnation parce que je ne suis pas libre d'être ou de n'être pas malade et la maladie me vient du dehors ; elle n'est pas de moi, elle ne me concerne pas, elle n'est pas ma faute. Mais comme je suis libre, je suis contraint par ma liberté de la faire mienne, de la faire mon horizon, ma perspective, ma moralité, etc. Je suis perpétuellement condamné à vouloir ce que je n'ai pas voulu, à ne plus vouloir ce que j'ai voulu, à me reconstruire dans l'unité d'une vie en présence des destructions que m'inflige l'extérieur [...]. Ainsi suis-je sans repos : toujours transformé, miné, laminé, ruiné du dehors et toujours libre, toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Totalement déterminé et totalement libre. Obligé d'assumer ce déterminisme pour poser au-delà les buts de ma liberté, de faire de ce déterminisme un engagement de plus. Jean-Paul SARTRE

La conséquence sera une vie harassante, en effet, je suis "sans repos" (l14)et ainsi doublement usé (l14-15). Usé de l'extérieur par tout ce qui peut contrarier mes projets, c'est-à-dire les obstacles qui m'empêchent de suivre tranquillement mon "chemin" ; usé intérieurement car il faut en quelque sorte faire semblant de vouloir tous ces obstacles. En effet, ne pas les vouloir reviendrait à se laisser aller, se laisser entrainer par le déterminisme. En même temps, je deviens forcément "responsable de ce dont je ne suis pas forcément responsable" : ma manière d'être malade me revient entièrement, même si la maladie n'est pas ma "faute". 

sartre

« suffisante pour faire triompher ce moi qui m'incombe : je choisis ainsi ma manière d'être malade.

Cependant, s'il fautainsi reprendre pour soi tout ce qui vient d'ailleurs, quelle est sera la conséquence?La conséquence sera une vie harassante, en effet, je suis "sans repos" (l14)et ainsi doublement usé (l14-15).

Uséde l'extérieur par tout ce qui peut contrarier mes projets, c'est-à-dire les obstacles qui m'empêchent de suivretranquillement mon "chemin" ; usé intérieurement car il faut en quelque sorte faire semblant de vouloir tous cesobstacles.

En effet, ne pas les vouloir reviendrait à se laisser aller, se laisser entrainer par le déterminisme.

En mêmetemps, je deviens forcément "responsable de ce dont je ne suis pas forcément responsable" : ma manière d'êtremalade me revient entièrement, même si la maladie n'est pas ma "faute".

Ainsi, je ne choisis absolument pas ce quim'arrive de l'extérieur, mais je choisis absolument, c'est-à-dire totalement, mes réactions vis-à-vis de cesévénements provenant du dehors.

En effet, même si l'homme n'est pas responsable des situations dans lesquelles ilest jeté, il est quand même responsable du sens et de l'orientation qu'il va donner à sa situation.

Surtout, c'est enétant "totalement déterminé" que je serais "totalement libre".

En effet, ma liberté ne peut prendre son sens quedans un tel contexte : c'est en prouvant ma liberté que je montre qu'elle est totale, ces preuves ne pouvantapparaître que dans la difficulté et l'épreuve.

En m'imposant un être que je ne veux pas être, ici le malade, je doisreconquérir mon être perdu.

Ainsi, Sisyphe, condamné à rouler son rocher garde l'énergie que chaque chute luiimpose de perdre.

D'où l'idée que cette liberté dans l'assomption est un dépassement du déterminisme : j'arrive àposer au-delà de ce déterminisme, des buts à ma liberté.

Je reste volontaire dans ce que je n'ai pas voulu, ce quime permet ce fameux "changement", posé comme point de départ par Sartre : ce qui était déterminé est changégrâce aux buts que j'arrive encore à poser.

Mais c'est un engagement supplémentaire à d'autres : je suis déjàengagé, j'ai déjà à prendre parti et à agir quand je ne suis pas déterminé.

Cependant, bien qu'il soit possible decomprendre notre caractère entier au sein du déterminisme, il est plus difficile de croire à une liberté absolue : l'idéede contrainte ne limite-t-elle pas, en la rendant relative, notre liberté?Certes, il est concevable de ne pas croire à la possibilité d'un libre arbitre absolu qui m'arracherait à toutedétermination.

Par exemple, la suspension de jugement que s'impose Descartes pour douter qu'il y ait "aucune terre,aucun ciel, aucune chose étendue..." (Méditations Méta.) est artificielle.

L'attitude naturelle me fait admettre plusraisonnablement qu'il y a des choses hors de moi, avec lesquelles je dois compter.

Mais peut-on s'en tenir àl'attitude stoïcienne consistant à accepter le destin? Même Descartes dans sa morale provisoire préconise leconsentement à la nécéssité : "plutôt changer mes désirs que l'ordre du monde." L'exemple de la maladie estd'ailleurs utilisé pour illustrer cette position : "nous ne désirerons pas davantage être sains, étant malades".

(Disoursde la méthode).

Le malade doit-il pour autant s'abandonner à la maladie? On peut en effet douter d'une liberté quiconsisterait seulement à vouloir être ce qu'on est, puisqu'il ne peut en être autrement.

L'idée qu'il faudrait "assumer"ce qui nous arrive se présente alors comme plus accessible : il ne s'agit ni de nier abstraitement les contraintes, nid'y consentir passivement, mais de s'en rendre responsable.

Même en situation de contrainte par ce qui s'impose àmoi, ma liberté demeure totale, le problème étant de savoir comment.

En fait, il semble qu'elle le soit de part sonauthenticité et les efforts qu'elle suppose : elle est totale au sens de complète, achevée, parfaite.

Ainsi, il est plusdifficile d'assumer que d'être simplement soi : s'efforcer de rester soi-même dans un contexte qui justement détruitce que l'on est ou ce que l'on avait choisi d'être relève de l'exploit.

De plus, la liberté apparait comme totale parcequ'elle a su se maintenir là ou ailleurs la mauvaise foi triomphe, c'est-à-dire un mensonge à soi-même consistant àfaire comme si notre existence était déterminée à l'avance.

Elle traduit une fuite de responsabilité, elle va mimer unesorte d'identité à soi-même où je n'ai pas à me questionner sur moi-même.

En revanche, le malade qui assume samaladie est bien celui qui s'interdira d'éclipser son "je" de cela même qu'il n'a pas voulu, au point de dire "je le veux".C'est donc bien bien la contrainte extérieure et la contrainte intérieure, c'est-à-dire le fait que j'ai toujours à choisirma manière d'être au sein même de ce que je n'ai pas choisi, qui donnent à la liberté humaine son caractère total.En effet, en étant ainsi libre, je prouve que je suis responsable.

Déterminisme et liberté, s'ils semblent inconciliablesau premier abord, sont capables de se combiner : on peut être à la fois libre et déterminé, plus encore, on peutl'être totalement.

Mais surtout on peut même dire que c'est dans un déterminisme total que la liberté peutégalement se faire valoir comme totale.

En même temps, on comprend que cette liberté peut aussi être refuséedans une attitude plus paradoxale encore : la mauvaise foi.. »

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