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Communiquer, est-ce nécessairement dialoguer ?

Publié le 27/02/2008

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Ainsi il n'y a dialogue que s'il y a communication, que s'il y a échange entre des individus. C'est une telle absence de communication que nous pouvons observer dans un dialogue de Platon, le Gorgias, qui entre autres oppose Socrate à Calliclès sur la question de la justice. Socrate soutient l'idée selon laquelle il « vaut mieux subir l'injustice que la commettre » et Calliclès soutient la position inverse. L'enjeu est important: vaut-il mieux s'en sortir quitte à être moralement condamnable ou vaut-il mieux agir toujours selon le bien? Un dialogue s'engage. Mais que constate-t-on? Le dialogue se termine sur un mythe raconté par Socrate et non sur une réponse argumentée et définitive. Etrange dialogue. Est-ce à dire qu'on ne puisse pas répondre à ce problème trop difficile? Non, ce qui fait que ce dialogue échoue est l'absence de communication.

« qu'il lui est officieusement offerte de s'enfuir?).

Le procès va donc être une absence totale de dialogue (Voirl'Apologie de Socrate) et Socrate le fait remarquer dès le début.

Il n'y a pas d'échange possible, car il n'y a pas demise en commun possible: « J'ai soixante dix ans.

Je suis tout à fait étranger au langage d'ici » Qu'est ce à dire? Neparlant pas la langue des juges, aucun dialogue ne va être possible, et ceci parce qu'il n'y a rien de commun.Dialoguer suppose ce qu'instaure la communication à savoir un monde commun.

C'est pourquoi à propos desnégociations de paix entre l'Israël et la Palestine, James Baker faisait remarquer que le plus difficile était que lespays s'accordent par émissaires interposés sur l'heure et le lieu des rencontres, à savoir sur un terrain commun quiest la condition même de tout dialogue.

Deuxième partie Ainsi, le dialogue semble requérir comme condition nécessaire la communication.

Toutefois, affirmer que lacommunication est une condition nécessaire au dialogue ne conduit pas à dire que toute communication estnécessairement dialogue.

Nous l'avons remarqué dès l'introduction, on parle de techniques de communication, demoyens de communication et non de techniques de dialogue ou de moyens de dialogue.

A quoi tient donc cettedifférence?Comme la publicité nous le montre, mais aussi bien des formes de discours politiques, persuader l'autre que telproduit est le meilleur ou que telles idées sont les bonnes réclame des techniques.

Aussi une entreprise va-t-elle sedoter d'un service de communication, interne ou externe, un homme politique de conseillers en communication, dontle but va être de transmettre une « image » d'un produit ou d'un homme.

Dans ces deux cas , il s'agit de faire ensorte que l'on soit séduit par ce qui nous est présenté, on va alors s'attacher à faire croire à une ménagère par uneprocédure d'identification, qu'en achetant telle lessive, elle est beaucoup belle charmante que sa voisine qui achèteune lessive X et qui par-dessus le marché est obligée de cacher les taches de sa jupe qui n'a même plus de couleur.Mais de la même manière on peut s'attacher à faire croire que si on est dans une situation économique peufavorable, c'est à cause d'un groupe d'individus dont il faudrait rapidement se débarrasser si on veut vraiment que lepays soit plus propre.

Telle est la technique du bouc émissaire que l'Allemagne nazie s'est évertuée à développer, ens'attachant bien à dire que ceux qui restent sont les plus beaux et les plus forts.

Or, lors de l'usage de ces procédésde communication, il n'y a aucun dialogue et pourtant il y a bien communication puisque des groupes entiers depersonnes finissent par adhérer à ces divers discours.

Il est intéressant alors de remarquer que l'expression utiliséeest alors celle « d'image » à savoir ce que l'on commence par voir et qu'on ne conçoit pas.

C'est ce que remarqueDescartes dans les Méditations métaphysiques, l'image est particulière sensible imprécise et surtout limitée.

Je peuxbien avoir l'image d'un polygone de quatre côtés, mais je peux seulement concevoir un polygone de dix mille côtéssur lequel je vais pouvoir faire des calculs, même si je ne peux me le représenter en imagination.

De la même manièreje peux mettre en commun des représentations mais aussi des désirs sans qu'ils soient nécessairement réfléchis.C'est ainsi que le démagogue peut communiquer par la parole tout un ensemble d'images et de représentations quine font que satisfaire les désirs de ceux qui les écoutent.

Telle est la forme que peut prendre la communication: unetransmission et une réception passive d'opinions qui satisfont les désirs et qui ancrent un peu plus chacun dans lespréjugés.

Il est alors clair ici que la communication peut se faire sans dialogue mais avec une bonne technique.

C'esten ce sens que Socrate s'oppose aussi dans le Gorgias à son premier interlocuteur qui porte le nom du dialogue etqui est présenté comme un grand rhéteur.

Ce que Socrate critique dans cette forme de rhétorique qui n'est qu'untravail de persuasion, c'est justement l'absence de dialogue; Et d'ailleurs ce que Calliclès reprochait à Socrate dansle passage cité, c'était justement sa volonté de dialoguer.

C'est pourquoi Socrate compare cette rhétorique à unedrogue dont le but et d'endormir les esprits, mais aussi de les maintenir dans l'illusion de la pensée.

Le dialogueprésuppose donc, comme le faisait remarquer Socrate lors de l'ouverture de son procès, un monde commun, c'est àdire avant tout un accueil, une ouverture à l'autre.

A l'opposé, le rhéteur, prince de la communication, s'attache àsoumettre cet autre par la flatterie.

Troisième partie Ainsi, il n'y a pas de dialogue sans communication, mais la communication n'est pas nécessairement dialogue.

Qu'ya-t-il alors de « commun » dans le dialogue? Quelle forme de communication revêt-il?Si la communication dans certaines formes peut d'opposer radicalement au dialogue, c'est que ce qui est mis encommun, partagé, dans la communication est contraire au dialogue lui même.

Ce qui alors dans la communicationnous apparaissait critiquable, ne tient pas nécessairement à la forme qu'elle peut prendre mais à son fond.

Ce que ledémagogue cherche à atteindre dons son discours ce sont les désirs des individus qui l'écoutent.

Ce que lepublicitaire cherche à provoquer c'est le désir du spectateur.

Nous voyons alors ce qui oppose cette communicationau dialogue.

Ce que Socrate cherche à produire chez Calliclès en lui posant des questions, c'est avant tout uneréflexion, à savoir d'abord la reconnaissance d'un problème.

Nous rejoignons ici l'étymologie de dialogue qui contientle terme grec logos, la raison.

Si Calliclès ne veut pas dialoguer, mais de la même manière si dans un débat il n'y apas de dialogue possible c'est parce que personne ne veut au sens premier entendre raison.

C'est pourquoi biensouvent on assiste à des prestations dans lesquelles chacun s'emporte en pensant qu'il s'agit de parler plus fort ouplus longtemps pour avoir raison.

De la même manière, il peut y avoir une communication qui n'est pas dialoguequand ce qui est en commun n'est pas la raison mais le désir.

C'est pourquoi Socrate définit la pensée comme un «dialogue de l'âme avec elle même ».

La pensée est dialogue quand elle cherche à raisonner, à réfléchir et nonsimplement à sentir.

Mais cet échange n'est pas sans poser problème car il renvoie à la question même de la langueet c'est aussi ceci qui empêche le dialogue, qui peut produire des clivages et des tensions.

Là où il n'y a plus delangage commun, il n'y a plus de dialogue possible, mais là en général il n'y a même plus de communication et cesont les désirs qui reprennent le dessus.. »

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