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Condamné à être libre de J.-P. SARTRE

Publié le 05/01/2020

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Condamné à être libre
J.-P. SARTRE (1905-1980)
 
L'homme n'est pas une chose, mais une conscience. C'est pourquoi l'explication déterministe n'est qu'une tentative d'échapper à la liberté. En réalité, l'homme est condamné à être libre.
 
Du seul fait, en effet, que j’ai conscience des motifs qui sollicitent mon action, ces motifs sont déjà des objets transcendants pour ma conscience, ils sont dehors; en vain chercherai-je à m’y raccrocher : j’y échappe par mon existence même. Je suis condamné à exister pour toujours par delà mon essence, par delà les mobiles et les motifs de mon acte : je suis condamné à être libre. Cela signifie qu’on ne saurait trouver à ma liberté d’autres limites qu’elle-même ou, si l’on préfère, que nous ne sommes pas libres de cesser d’être libres. Dans la mesure où le pour-soi veut se masquer son propre néant et s’incorporer l’en-soi comme son véritable mode d’être, il tente aussi de se masquer sa liberté. Le sens profond du déterminisme, c’est d’établir en nous une continuité sans faille d’existence en soi. Le mobile, conçu comme fait psychique, c’est-à-dire comme réalité pleine et donnée, s’articule, dans la vision déterministe, sans solution de continuité, à la décision et à l’acte, qui sont conçus également comme données psychiques. L’en-soi s’est emparé de tous ces « data », le mobile provoque l’acte comme la cause son effet, tout est réel, tout est plein. Ainsi, le refus de la liberté ne peut se concevoir que comme tentative pour se saisir comme être-en-soi.
 
Jean-Paul SARTRE, L’Être et le Néant, 4e partie, ch. 1, Gallimard, 1943, p. 515.

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« d'être, il tente aussi de se masquer sa liberté.

Le sens profond du déterminisme, c'est d'établir en nous une continuité sans faille d'existence en soi.

Le mobile, conçu comme fait psychique, c'est­ à-dire comme réalité pleine et donnée, s'articule, dans la vision déterministe, sans solution de continuité, à la décision et à l'acte, qui sont conçus également comme données psychiques.

L'en-soi s'est emparé de tous ces «data», le mobile provoque l'acte comme la cause son effet, tout est réel, tout est plein.

Ainsi,_ le refus de la liberté ne peut se concevoir que comme tentative pour se saisir comme être-en-soi.

· Jean-Paul SARTRE, L'Être et le Néant, 4e partie, ch.

1, Gallimard, 1943, p.

515.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE C'est la conscience qui condamne l'homme à la liberté.

La conscience est en effet visée d'autre chose qu'elle­ même.

Elle ne peut donc prétendre s'identifier à ce qu'elle vise.

Expliquer un acte par ses motifs, c'est chercher dans un passé que je ne suis plus les raisons de mon choix actuel.

Mais si l'homme ne peut être ramené à un passé qui l'explique, c'est qu'il est d'abord un projet.

Et c'est à la lumière de ce projet que doivent être interprétés les motifs d'une action.

Autrement dit, les motifs n'ont de poids qu'autant que je leur en prête.

«Toute délibération est toujours truquée», nous dit Sartre.

Confondre le motif avec la cause, c'est donc inverser l'ordre des choses.

Le motif est bien plutôt l'effet de ma décision.

L'action libre pose une fin et cherche ensuite les moyens de l'atteindre.

C'est pourquoi l'explication déterministe ne peut valoir pour l'homme.

L'homme est «pour-soi», la chose est un «en-soi», c'est-à-dire sans conscience de soi.

Mais l'erreur de l'explication déterministe n'est pas innocente.

Elle exprime l'angoisse devant la liberté, qui nous rend responsables de ce que nous sommes.. »

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