Culture et histoire : Perspectives philosophiques

« est au contraire engagé, par le travail de son esprit et de ses passions sociales insa­ tiables, dans une activité incessante de transformation et d'invention de lui­ même.

L'auto-création est, de fait, ce qui explique les formes infiniment diverses, exaltantes ou inquiétantes, sous lesquelles l'humanité se présente à nos yeux.

Et c'est par la notion de« culture» que l'on peut le mieux désigner ce travail d'auto-création et ses résultats.

La culture prend des formes diverses : langage*, religion, technique*, art*, science, morale*, droit*, politique* ...

Ces différents aspects de la culture ont en commun d'être des médiations par lesquelles l'homme donne sens au monde.

L'ordre « symbolique », l'ordre des signes*, des valeurs, des règles que l'homme se représente et qui orientent son existence, s'ajoute à l'ordre naturel (les exigences de la vie matérielle, les lois de la vie organique et du monde phy­ sique), et constitue comme un second environnement pour l'homme.

L'existence de cet environnement culturel a notamment une conséquence impor­ tante du point de vue des rapports des hommes entre eux.

La culture a le plus sou­ vent une dimension sociale, elle crée donc des communautés d'hommes liés entre eux de façon toute particulière, parce qu'ils partagent des codes et des réfé­ rences symboliques.

Mais pour la même raison, elle divise l'humanité, elle sépare les hommes qui ne partagent pas la même façon de donner sens au monde.

Une autre conséquence importante de l'existence culturelle des hommes est que ceux-ci sont des êtres historiques.

Parce qu'ils sont créateurs des condi­ tions de leur existence, ils réinventent sans cesse celles-ci et donnent de nou­ velles figures à leurs mœurs, à leurs œuvres, à leurs institutions.

En outre, parce qu'ils pensent leur rapport au réel, ils se projettent dans le temps* et situent en permanence leur présent par rapport à un passé qu'ils se remémorent et à un ave­ nir qu'ils anticipent.

La connaissance du passé est, pour ces différentes raisons, un objet essentiel de préoccupation de l'homme : c'est dans le passé qu'il est tenté de trouver la clé de son présent.

Cette quête est certes indispensable ; mais elle implique un danger, celui de solliciter excessivement le passé, voire de le déformer ou de le manipuler.

Il est à cet égard révélateur que la première forme de récit« his­ torique )) se confonde avec le récit mythique sur les origines du monde et de l'homme.

Aussi la réflexion sur le sens de l'histoire* et sur les leçons que nous croyons pouvoir en tirer est-elle inséparable de la question de la science his­ torique, c'est-à-dire d'une connaissance rigoureuse et objective du passé.. »