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« De quoi est constitué, logiquement, le monde ? »

Publié le 22/02/2012

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Les héraclitéens considéraient que le monde est en perpétuel mouvement, si bien que nous ne pouvons rien dire de lui, a fortiori, rien dire de vrai. En effet, pour pouvoir dire quelque chose de lui, il faudrait déjà pouvoir dire de quoi il est fait, ce qui implique de pouvoir saisir les choses qui le constitue. C'est, dans cette perspective présocratique, la possibilité d'avoir une connaissance du monde qui s'évapore, autrement dit, la possibilité de fonder une science. Pourtant, cette totalité en perpétuel changement que constitue le monde semble, par delà ces changements, présenter des aspects constants, être régi par des lois, être logique. Si nous pouvions déceler ce qui semble s'agencer logiquement pour former le monde, nous sauverions ainsi la possibilité d'en dire quelque chose de vrai. La possibilité de fonder toute science de trouve par conséquent conditionnée par une question : de quoi est constitué, logiquement, le monde ?

« constitution du monde, dans la mesure où la logique est toujours présente en souterrain dans n'importe quellescience, puisque les propositions scientifiques suivent les règles logiques.

Nous voulons dire par là que l'implicationlogique par exemple ou la non-contradiction s'applique aussi bien à un raisonnement en chimie, comme celui quenous avons décrit précédemment, qu'à un raisonnement de physique.

Il semble justement qu'elle s'applique à toutraisonnement.

Mais alors, qu'est ce qui interdit de rendre compte de la constitution logique du monde au traversd'une théologie par exemple ? Après tout, les raisonnements de la théologie sont avant tout logiques et nouspourrions affirmer dans cette perspective que les constituants du monde sont les créations de Dieu, répondant auxlois décrétées par celui-ci.

Inspirons nous à nouveau de Carnap : pour parler d'une constitution du monde, et pas den'importe quelle construction, il faut que les énoncés de ce langage commun logique soient vérifiables.

Touteconstruction, logique en elle-même mais coupée du monde, n'est donc pas valable.

Il est impossible par exemple devérifier la proposition "Dieu existe", donc Dieu ne peut pas intervenir dans le système de propositions rendantcompte de la constitution logique du monde.

Or la théologie en a besoin pour que sa constitution soit logique, doncla théologie propose certes un système logique, mais ne rendant pas compte du monde.Nous avons identifié la logique de constitution du monde comme étant la logique elle-même, pour autant que lespropositions qu'elle produit soient vérifiables.

Nous savons par conséquent à quelles exigences doivent répondre lesconstituants du monde que nous recherchons, comment ils doivent s'agencer entre eux. Il convient maintenant d'identifier la nature de ces constituants.

Parler d'une matière du monde ne pose pas deproblème.

Mais une matière, pour pouvoir être considérée comme le constituant de quelque chose, doit répondre àdeux critères : premièrement, la matière peut être du divers informe, ce que le constituant ne peut pas être.

Il doitpouvoir être saisi en une unité.

Par exemple, on doit pouvoir dire d'un mélange qu'il est constitué de telles ou tellesmolécules bien déterminées.

Deuxièmement, un constituant n'est pas un simple élément.

Si un élément répond bienau critère d'unité, encore faut-il pour être un constituant que justement il « constitue » quelque chose.

Une simplejuxtaposition d'éléments ne « constitue » pas à proprement parler.

Le mari et la femme constituent par exemple uncouple de mariés, non par simple juxtaposition mais bien par un ensemble de relations.

Même lorsque nous parlonsd'un couple de variables indépendantes en mathématiques, par exemple une abscisse et une ordonné, c'estprécisément leur mise en relation qui constitue les coordonnées d'un point dans le plan.Nous venons de poser deux exigences pour avoir affaire à des constituants.

Soumettons leur une premièrehypothèse de ce que pourraient être les constituants du monde.

Nous recherchons, conformément à ce qu'a montréla première partie, des constituants qui entretiennent des relations que la logique exprime, en tant qu'elle régit lespropositions scientifiques, et qu'il est possible de vérifier.

De plus, « le monde » dont nous parlons est bien latotalité du réel : nous ne nous demandons pas par exemple ce qui constitue le monde de l'ouvrier chez Proust ou lemonde des salons.

L'hypothèse la plus évidente est alors la suivante : le monde est constitué des objets de laphysique (que nous entendons au sens large de science de la nature).

En outre, les constituants du monde sont denature physique.Les objets de la physique vérifient-ils les exigences que nous avons soulignées ? A première vue oui : la mécaniquesaisit par exemple en une unité un mobile dont elle souhaite évaluer la trajectoire.

Elle exprime cette trajectoire àtravers des formules dont le soubassement est logique et les vérifient par confrontation à l'expérience.

Pour cela,elle met en relation le constituant « mobile » avec les constituants « atmosphère » et « Terre » au travers de loisqui régissent respectivement le frottement et l'attraction terrestre.

Un problème subsiste cependant : pourquoi avoirchoisi un constituant, par exemple cette pierre comme mobile, plutôt que d'autres comme les atomes qui laconstituent ?Corrigeons l'hypothèse pour éviter de tomber dans l'arbitraire consistant à privilégier un constituant : cet arbitrairedisparaît si nous considérons que les constituants du monde sont ses constituants ultimes, c'est-à-dire, le termed'une démarche d'analyse des constituants en constituants plus élémentaires.

A nouveau, cette réponse sembleinsuffisante.

En effet, rien n'indique que ces constituants ultimes existent bien.

La progression des sciences versl'infiniment petit nous invite plutôt à penser le contraire.

Les quarks seraient aujourd'hui les constituants légitimes dumonde parce qu'ils nous semblent ultimes, mais rien ne permet de prétendre qu'ils le seront demain.

Au stade denotre réflexion, nous ne pouvons pas affirmer l'existence de constituants ultimes.

Le choix de nos constituants estpar conséquent totalement arbitraire dans la mesure où la hiérarchie des constituants est infinie.

Le quark n'a surl'atome, comme constituant du monde, pas plus de privilège que le mouton à l'égard du troupeau.

Il nous fauttrouver un critère qui justifie le choix d'un constituant de base.Voyons quelle solution l'atomisme logique de Russell propose pour résoudre ce problème : bien conscient de cetarbitraire dans le choix, il explique que nous ne pouvons rien dire de la réalité des objets, mais que précisément,nous n'en avons aucun besoin, et que, par conséquent, les objets sont construits.

Ce sont des fictions logiques quenous construisons selon deux critères : la continuité et l'habitude appliquées aux sense data.

La solution de Russellnous permet de répondre de manière radicale à une des interprétations que nous avions fournies de notre question(savoir, parmi les constituants du monde lesquels sont de nature logique).

En effet, la réponse serait dans laperspective russellienne : tous les constituants du monde (les objets et leur relation) sont de nature logique,puisque les objets de la physique peuvent être ramenés à des classes, qui sont elles-mêmes des objets logiques.

Laréponse de Russell ne peut cependant pas nous convenir totalement.

Si les critères qu'il propose sont de bon sens,ils restent toutefois subjectifs : l'arbitraire que nous voulions éviter se trouve seulement déplacé vers lasubjectivité.

On n'a plus affaire aux objets du monde mais à ceux de l'homme.

Pourquoi, dans ce cas, ne paspréférer les objets tels que les conçoivent les fourmis, avec l'habitude et la continuité qui est la leur à l'échelle oùelles évoluent dans le monde ? Si les constituants du monde sont les objets physiques (et leurs relations), il semble que le problème de l'arbitrairedu choix des constituants de base soit insoluble.

C'est donc en amont de la réflexion qu'il faut corriger noshypothèses.

Résumons les acquis de notre investigation : les constituants de base ne peuvent pas être les objets ;. »

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