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Défendre ses droits, ses intérêts, ses privilèges est-ce la même chose ?

Publié le 23/08/2005

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Qu'elles soient de natures philosophiques, politiques ou morales, certaines pensées ont axé leurs réflexions sur les notions de « légitimité « et de « légalité «. Celles-ci sont fondées sur la reconnaissance d'un état conflictuel entre les hommes. Nul besoin, en effet, de spéculer sur la permission ou la proscription dès lors que l'on se trouve dans un état de paix général et de respect mutuel. Au sein d'une opposition entre les tenants du « droit naturel « et ceux du « droit positif «, seront abordées de manière polémique les notions de « droit «, d' « intérêt «, de « privilège «. Ces dernières seront elles-mêmes analysées à tous les niveaux : étatique, collectif, individuel.
Rousseau problématisera nouvellement ces questions par rapport aux concepts de justice, d'intérêt, d'utilité (Cf. Du contrat social). Ces concepts seront, antérieurement à cette œuvre, éclairés selon deux périodes distinctes (Cf. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) : celle d'un état dit « de nature « et celle de l'état « social «. La thèse de Rousseau est que loin d'être l'instauration d'une paix harmonieuse entre les individus, la société pervertit plutôt une nature originellement « bonne « de l'humain. La puissance hiérarchique créée n'infléchit pas le rapport de force (débutant dans le « troisième état de nature «), selon l'auteur. Ce serait plutôt l'inverse : l'ordre civil contractualisé (d'abord faussement) serait intensificateur de conflits. La nécessité pour chacun de se défendre face aux menaces extérieures (l'autre) conduirait donc à constituer un état social nécessaire. Mais les « droits «, les « intérêts « et les « privilèges « de l'individu ne se rapportent-ils pas juridiquement à la création d'un « état social « ?
Doit-on, dès lors, identifier la défense des droits, des intérêts et des privilèges dans et par la constitution d'un État de droit positif ?
La question ici posée demande donc qu'on établisse philosophiquement cette identification.
Mais la philosophie n'est-elle pas justement cette science qui considère que chaque mot à son sens propre et exclusif ?
 


« notions seraient donc, selon Calliclès, identifiées dans le stratagème d'édification d'une loi contre-nature.

C'est lanotion même de « défense » qui permettra d'identifier ces trois notions (droit, intérêt, privilège). Nietzsche réutilisera cette conception calliclèsienne du droit naturel en y apportant toutefois une rectificationintéresante.

Les « forts » sont certes ceux dont la nature à conféré un droit de domination.

Leur intérêt est doncde faire valoir ce privilège naturel.

Mais selon l'Allemand, l'histoire (Cf.

Généalogie de la morale ) prouve que ce sont les « faibles », les « réactifs » qui tendent à s'imposer contre les forts.

ce renversement à une conséquence.

Les« forts » doivent, pour survivre, apprendre à « défendre » leur droit, leurs « intérêts » et leurs « privilèges » face àla menace des « faibles » et de leurs loi inique (selon la nature).

Puisque le vrai droit, le vrai intérêt et le vraiprivilège est celui que la nature confère simultanément à un être qualifié de « fort », celui-ci ne saurait utiliser les« ruses » réactives des « faibles » pour faire triompher ce droit naturel.

Le faire serait du même coup renier ce qu'ily a de noble, de vital et de spontané dans la force naturelle. Avec Rousseau, Calliclès et Nietzsche sont identifiées les notions de droit, d'intérêt et de privilège à chaque momentde l'évolution (naturelle, politique et morale) du concept de droit.

Ce qui est distingué ici, c'est le niveau etl'instance qui sont porteuses de ces notions.

Celles-ci restent cependant inséparables à chaque moment del'analyse de ces auteurs. II.

Une distinction de fond Toutefois, cette identification formelle est elle légitimée unanimement par la philosophie ? Celle-ci n'est-elle pas cetexercice de discernement qui consacre la différence et la nuance, sémantiquement ? Reconnaissons que la confrontation de deux conceptions – en philosophie du droit – nous oblige à remettre enquestion cette identification.

En effet, si les « jusnaturalistes » (tenants du droit naturel) montrent en quoi de tellesnotions sont inséparables dans le droit naturel et également à partir de la sphère « positive » du droit, il n'en estpas de même pour tous les penseurs.

Rousseau lui-même voulait « chercher si, dans l'ordre civil, il peut y avoirquelque règle d'administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu'ils sont, et les lois telles qu'ellespeuvent être.

» (Cf.

Du contrat social ).

En disant cela, le Genevois posait la question de la légitimité des lois.

Toute loi n'est pas légitime selon l'auteur.

La perspective des abus de pouvoir et des injustices est alors projetée.

De fait,cela divise la pensée du droit et de ses applications.

Défendre son droit n'est plus alors égal à la défense de sesintérêts et celle de ses privilèges.

Si le droit est juste, selon Rousseau, il ne peut plus admettre la poursuite d'unintérêt égoïste allant contre l'intérêt public.

De même les privilèges sont plutôt la marque d'un droit inique.

Le droitjuste est celui conféré par une loi juste.

L'idée de justice contredit évidemment la notion de « privilège » puisqu'ils'exercera au profit de certains et au dépend des autres.

Un justice sociale n'est possible qu'en tant qu'elle sedéfinit par la traque et la destruction des injustices sociales telles que l'idée de privilégier quelqu'un plutôt qu'unautre.

Défendre son droit se fera justement, la plupart du temps, contre un injustice perpétrée contre soi ou contrel'usage d'un privilège abusif.

La forme du « contrat » proposé par Rousseau est justement la possibilité d'instaurer lajustice sociale – car au profit du plus grand nombre – en s'attaquant aux différentes inégalités qui découlent duconflit.

Ce dernier est le plus souvent généré par l'intérêt particulier (allant contre un autre intérêt particulier !) ouces « passe-droit » nommés privilèges et qui engendre les inégalités sociales et les conflits de personnes.

Le droitsera celui qui, précisément, se bat contre les intérêts et privilèges particuliers. Marx a lui-même cherché à redéfinir la possibilité d'une justice sociale (Cf.Manifeste du parti communiste ).

C'est par le constat que les intérêts économiques du capitalisme et les privilèges exorbitants conférés à la basepatronale aux dépends de la base ouvrière que Marx débute son projet d'unethéorie « communiste ».

La justice sociale ne saurait être connue dans l'èredu capitalisme.

Celui-ci est générateur d'inégalités par le biais d'un« libéralisme » (théorie du libre échange généralisée) qui ne fait qu'enrichir lesdéjà riches et appauvrir les déjà pauvres.

Le droit capitaliste est droit dedisposer de l'ouvrier comme d'une « force de travail ».

L'intérêt est toujours,comme le privilège, consacré au profit du patronat et aux dépends del'ouvrier.

Marx développera sa théorie communiste en reformulant l'idée dudroit.

La justice sociale ne naîtra (après quelques années confuses !) que surla base d'un droit commun qui, justement, mettra fin aux intérêts particuliers(générateurs d'inégalités sociales et de conflits) et aux privilèges pourconsacrer l'égalitarisme social et le partage (volonté du partage équitable etneutralisation des différences sociales et salariales).

Nous avons doncl'exemple d'une pensée philosophico-politique qui prône la défense des droitsdes plus démunis en s'attaquant justement aux intérêts particuliers et auxprivilèges.

La conséquence est l'élaboration d'un droit qui contredit les notionsd'intérêt et de privilège telles qu'elles existent concrètement à l'époque del'auteur. Rawls, dans sa Théorie de la Justice , s'attaquera aux positions « jusnaturalistes » pour consacrer une justice sociale s'appuyant sur une logique de distribution et de redistribution constantes des richesses pour lutter contre lesinégalités sociales et économiques.

La défense de ses droits passe, chez l'auteur, par une neutralisation des intérêtsparticuliers et des privilèges sociaux jugés injustes.. »

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