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DESCARTES: vie et vérité

Publié le 25/03/2011

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« ... Il faut prendre garde à la différence qui est entre les actions de la vie et la recherche de la vérité, laquelle j'ai tant de fois inculquée ; car, quand il est question de la conduite de la vie, ce serait une chose tout à fait ridicule de ne pas s'en rapporter aux sens ; d'où vient qu'on s'est toujours moqué de ces sceptiques qui négligeaient jusqu'à tel point toutes les choses du monde, que, pour empêcher qu'ils ne se jetassent eux-mêmes dans des précipices, ils devaient être gardés par leurs amis ; et c'est pour cela que j'ai dit en quelque part : cc qu'une personne de bon sens ne pouvait douter sérieusement de ces choses « ; mais lorsqu'il s'agit de la recherche de la vérité et de savoir quelles choses peuvent être certainement connues par l'esprit humain, il est sans doute du tout contraire à la raison de ne vouloir pas rejeter sérieusement ces choses-là comme incertaines, ou même aussi comme fausses, afin de remarquer que celles qui ne peuvent pas être ainsi rejetées sont en cela même plus assurées, et à notre égard plus connues et plus certaines. «

L'étude ordonnée de cette page de Descartes vous mènera à en dégager l'intérêt, et à faire part des réflexions qu'elle vous suggère. CONSEILS PRÉLIMINAIRES 1. Bien marquer l'articulation du texte : « quand il est question de la conduite de la vie... « — « mais lorsqu'il s'agit de la recherche de la vérité... « 2. Préciser le sens du mot certitude (sens étymologique : fixé, assuré) et, en opposition, incertitude (qui peut être remis en question). 3. Il serait utile de consulter les Méditations métaphysiques, en particulier I (II - IV) - VI.   

I. — Valeur des données sensibles dans la conduite de la vie.   II. — Dévalorisation de la sensibilité pour la théorie pure.   III. — Le doute et le dualisme cartésien.

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« Ainsi, les donnés sensibles ont une fonction vitale à remplir : ils me signifient l'état de mon corps et les déséquilibresqui doivent être supprimés. Comme la nature n'est rien d'autre que « la disposition que Dieu a établie dans les choses créées » (id), lesimpressions sensibles sont en quelque sorte un langage à travers lequel Dieu me signifie ce qui est utile et ce qui estnuisible à ma survie en tant qu'union d'âme et de corps. On voit que, pour Descartes, la sensibilité conserve une valeur certaine (mais non théorique) pour le composé dematière et d'esprit qu'est l'homme vivant.

Mais il n'en va pas de même en ce qui concerne l'homme connaissant etrecherchant une certitude dans les sciences.

La connaissance proprement dite ne concerne que notre essencepensante, rationnelle. * * * Lorsque nous touchons à la question de la pure recherche de la vérité, l'éclairage change.

La question de la véritése confond pour Descartes avec celle de la certitude.

Qu'est-ce qu'une certitude ? C'est un jugement dont la véritéest telle qu'aucun doute ne puisse jamais l'ébranler, c'est une vérité que le temps ne peut ébranler, une propositiondéfinitivement énoncée (certa). Ce sont de telles propositions que Descartes, savant et philosophe, se propose de rechercher.

Or il est bien évident,la Première Méditation métaphysique s'emploie à le prouver, que les donnés sensibles ne nous livrent pas de tellesvérités.

C'est pourquoi ces renseignements que nous fournissent les sens seront considérés comme incertains : etmême, appliquant la résolution méthodologique du doute hyperbolique de ne pas cc donner créance aux choses quine sont pas entièrement certaines et indubitables...

» (Méditations métaphysiques I), Descartes prendra le parti deles considérer provisoirement comme fausses. Soumises à ce doute volontaire et radical, nos connaissances les plus communes s'effondrent.

Seules demeurerontles vérités absolument certaines : l'existence du moi, la connaissance de son erreur (la pensée), l'existence de Dieu,sa véracité, qui garantissent la valeur objective des idées claires et directes qui forment le discours rationnel. On voit que la fonction du doute cartésien est essentiellement de mettre en perspective nos différentesconnaissances, de les ordonner, de les hiérarchiser en fonction de leur degré de certitude et de leur sphèred'application. Il permet de remarquer que les connaissances qui, par le doute, cc ne peuvent pas être ainsi rejetées sont en celamême plus assurées et, à notre égard, plus connues et plus certaines ».

Ces connaissances ne procèdent que de laseule intuition intellectuelle et ne doivent plus rien à la connaissance sensible. * * * On voit que le texte répond à un double souci. D'une part, il s'agit pour Descartes de rappeler la distinction, déjà établie dans les Méditations, entre l'action et lathéorie.

La première est à rattacher à l'union de l'âme et du corps ; elle s'inscrit tout entière dans le domaine duprobable et ne peut jamais prétendre se régler sur la connaissance d'une certitude.

La conduite de la vie, c'estl'insertion concrète de l'homme dans le monde : cette insertion ne peut se faire autrement que par une utilisationdes indications transmises par nos sens.

La seconde est du domaine du pur connaître : elle a pour objet lacertitude, la vérité radicale et intemporelle.

Elle ne peut se réaliser que par l'application du fameux précepte"abducere mentem a sensibus".

La pensée pure en est la seule origine.

Ainsi se dessine le dualisme intellectualistecaractéristique de la philosophie cartésienne. D'autre part Descartes s'efforce de préciser le sens du doute méthodique.

Il le distingue du doute sceptique et enrestreint la portée à la seule activité théorique.

Il a pour but de distinguer radicalement la sphère de laconnaissance certaine de celle du rapport existentiel et pratique de l'homme au monde qui se nourrit de probabilité. C'est contre ce dualisme du théorique et du pratique, du certain et de l'incertain que réagira toute la penséemoderne.

Curieusement, alors que Descartes se préoccupait de fonder absolument la science sur une certitudemétaphysique, la pensée scientifique reniera ces prétendus fondements et réaffirmera son essentielle historicité.

Lascientificité d'une connaissance se définit davantage pour nous par la capacité qu'elle possède de remettre enquestion les fondements des vérités qu'elle énonce que par une quelconque prétention à énoncer des cc véritéséternelles ».

D'autre part l'anthropologie moderne remettra en question cette opposition du pratique et du théoriqueen tentant de dégager des cadres rigoureux de l'insertion de l'homme dans le monde : la phénoménologie, la penséemarxiste, le structuralisme, la psychanalyse établissent que si la science n'est pas faite de certitudes, inversementla pratique vivante de l'homme dans le monde n'est pas du domaine de la seule probabilité.

Il est des véritésexistentielles, historiques, sociales ou psychologiques qui, toutes, traitent de l'homme dans le monde et qui pourtantne sont ni plus ni moins certaines que les propositions de la Physique.

Par là est remise en question la totalité dudualisme au sein duquel se développe la pensée cartésienne.. »

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