Devoir de Philosophie

Deux excès: exclure la raison, n'admettre que la raison. Quelles réflexions vous suggère cette pensée ?

Publié le 11/03/2004

Extrait du document

... Il n'est pas rare de constater que les préjugés de tous ordres survivent à leur réfutation rationnelle ; il est aussi assez fréquent que les exigences de la raison soient ou tenues en échec ou cantonnées dans des domaines relativement restreints par rapport à la totalité de l'expérience humaine. Mais peut-on se contenter de dresser l'amer constat des limites rencontrées partout et en toute époque semble-t-il par l'exigence de vérité ? L'analyse de la signification du conflit séculaire entre vérité et violence pose à la philosophie la question de son propre statut : question dont la mort de Socrate signalait déjà le côté dramatique. L'étude d'un texte de Pascal va nous permettre d'aborder cette question, et d'en éclairer des aspects décisifs. Étude ordonnée du texteSur quoi porte précisément le texte proposé ? Sur le conflit séculaire entre violence et vérité. Pascal précise d'emblée la nature de ce conflit, en parlant d'une guerre, et en assigne même le responsable premier, en écrivant : « la violence essaie d'opprimer la vérité. « Bref, l'agresseur est bien la violence elle-même, ce qui ne saurait surprendre compte tenu de ce qui la définit : entendue en son sens strict, la violence n'est pas autre chose que l'exercice brut de la force, sans égard pour le droit ni même l'existence d'autrui. Si l'on parle de la violence des éléments naturels (un ouragan) c'est que la force de la nature s'y manifeste de façon brute, selon son élan propre. Appliquée aux sociétés humaines, aux relations entre les hommes, elle est le fait de volontés particulières s'imposant à d'autres volontés particulières par la mise en jeu nue et brutale d'un rapport de forces, sans égard ni au droit ni aux exigences morales.

Si l'homme est doué de raison, les passions le poussent souvent à ne pas en tenir compte. On peut aussi être tenté, pour des raisons métaphysiques ou morales, de privilégier le monde des sentiments, jugé plus authentique. Inversement, on peut vouloir rejeter les passions, pour ne vivre que sous la conduite de la raison. Or, ces deux attitudes sont excessives : la raison est nécessaire, mais la dictature de la raison aboutirait à un oubli des finalités du coeur. De même, une existence sans passions serait pauvre, mais des passions tyranniques ne peuvent que conduire au malheur.

« pour une telle critique). * Quelques implications du sujet dans un domaine particulier : celui de la connaissance.Dans la connaissance se pose le problème des limites de la raison discursive et du modèle mathématique de ladémonstration qu'elle épouse le plus souvent.

Cf.

sur ce point Pascal : nécessité d'une articulation de la raison surautre chose qu'elle-même (une intuition directe des évidences premières).

Cette limite, en un sens, Descartes larencontre aussi : la régression démonstrative à l'infini est impossible.

Il y a nécessité d'une intuition fondatrice etirréductible.

Ainsi, la combinaison des idées claires et distinctes et de la raison discursive (mise en oeuvre comme «méthode d'invention ») permet la découverte du vrai.

Cf.

aussi la Règle XII {Règles pour la direction de l'esprit,Éditions Vrin), explicitant l'articulation de « l'intuition évidente » et de la « déduction nécessaire ».

En fait, pourDescartes, la raison, entendue au sens large, englobe aussi bien le « bon sens » (« lumière naturelle », faculté dedistinguer le vrai du faux) que la capacité de démonstration rigoureuse.

Sujet 3993Quels sont les excès et quelles sont les limites de la raison ? Qu'est-ce qui vient limiter les pouvoirs de la raison ? Qu'est-ce qui lui résiste, s'oppose à elle, la conteste ou mêmela détruit ? La passion, l'inconscient, la foi, le surnaturel, la folie? Concentrons-nous sur cette dernière forme dedéraison, peut-être nous permettra-t-elle d'aborder les autres.De l'Antiquité à la Renaissance, la folie a pu être considérée comme une manifestation divine, en tous cas commel'expression d'une révélation inaccessible à la raison.

Platon ironise plus d'une fois sur l'incapacité où est la raisondiscursive de rendre raison d'elle-même, et ne semble pas dédaigner le secours d'une inspiration divine.

Lechristianisme exalte la « folie de la croix » totalement étrangère à la sagesse du monde.

« Alors, dit Saint Paul, queles Juifs réclament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons unMessie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens » (Corinthiens, 1, 22-23).

Erasme composeradans ce sens un Éloge de la folie (1509) ; concluant, avec Eschyle, que « souvent même un fou parle à propos ».L'avènement du rationalisme classique s'accompagne, d'après Foucault, d'un grand renfermement.

La folie est alorsprésentée comme une menace, traitée comme une déficience : elle devient déraison, elle n'est tout au plus « que levain simulacre de la raison ».

« Désormais la folie est exilée.

Si l'homme peut toujours être fou, la pensée, commeexercice de souveraineté d'un sujet qui se met en devoir de percevoir le vrai, ne peut pas être insensée.

Une lignede partage est tracée qui va bientôt rendre impossible l'expérience si familière à la Renaissance d'une Raisondéraisonnable, d'une raisonnable déraison » (Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1972, p.

202).

Seulpeut-être Pascal se montrera sensible à l'imposture d'une raison qui voudrait tout régir.

La folie, ou au moins ladéraison, appartiennent à l'homme.

Prétendre changer sa condition,c'est peut-être lui faire courir un risque plus grand encore : « les hommes sont si nécessairement fous que ce seraitêtre fou par un autre tour de folie de n'être pas fou » (Pensées, Lafuma, 412).

« L'homme, dit encore Pascal, n'agitpoint par la raison qui fait son être » (id., 491).

« L'homme n'est ni ange ni bête (ni pure raison ni pur instinct] et lemalheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête ».

Là encore, trop de raison tue la raison.

L'histoire ne l'a que tropmontré : les tentatives de rationalisation intégrale du comportement humain, réduit à sa fonction d'agentéconomique de production, peuvent se révéler des entreprises de destruction de l'humanité.

C'est ainsi que laplanification exhaustive des besoins et des ressources économiques de l'homme en Union soviétique (1917-1990)n'aura pas été moins catastrophique que l'exaltation irrationnelle de la bête de proie, membre de la « race supérieure», dans l'Allemagne nazie (1933-1945).En somme, l'idolâtrie de la raison est tout aussi désastreuse que son mépris.

Anatole France, peu suspectd'irrationalisme, écrivait dans ce sens : « J'ai l'amour de la rai-son, je n'en ai pas le fanatisme; la raison nous guideet nous éclaire; quand vous en aurez fait une divinité, elle vous aveuglera et vous persuadera des crimes » (Lesdieux ont soif, p.

87).

Rien de plus périlleux, par conséquent, que d'ériger la raison humaine en juge infaillible etabsolu de toutes choses.

C'est peut-être pourquoi le Prologue de l'Évangile de Saint-Jean : « Au commencementétait le Logos » ne place pas la raison humaine au principe de toutes choses, mais une raison divine, au dessein delaquelle chacun doit pouvoir librement répondre.

Quant à savoir si un Verbe divin peut s'incarner dans un visaged'homme, c'est plutôt l'affaire de témoins qui prétendent l'avoir rencontré, que d'une déduction de la raison.

Même sil'on peut toujours raisonner, comme le fait Pascal, sur la probabilité des prophéties et des témoignages.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles