Devoir de Philosophie

Devons-nous être heureux ?

Publié le 27/02/2008

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Toutefois, nous devons prendre garde à ne pas renverser l?ordre des choses. En effet, poser la question « devons-nous être heureux ? », ce n?est pas se demander s?il faut imposer à l?homme, par un devoir, la recherche du bonheur. C?est plutôt se demander si l?homme a pour destination le bonheur ; dès lors, la question « devons-nous être heureux ? » entend remettre en question le présupposé immédiat selon lequel l?homme est voué au bonheur. Un premier niveau de critique de l?idéal de bonheur pourrait s?en prendre au bonheur tel qu?Aristote le dépeint : une situation de contentement absolue, puisqu?elle vaut en soi. Le bonheur est alors ce que l?on désire par-dessus tout, car il annonce l?arrêt du désir. Si désirer, c?est manquer de quelque chose, le désir est alors insatisfaction et douleur. Le bonheur serait alors l?arrêt de tout désir et de toute souffrance. Cependant, Aristote pare l?argument en montrant comment le bonheur se définit comme activité et non pas comme cessation d?activité.

« II – Kant et le devoir moral Pour Kant, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs , le devoir apparaît comme une notion strictement morale.

Il se définit commesuit : « Le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour laloi (morale) ».

Qu'est-ce que cela signifie ? Pour Kant, le devoir estl'expression de la rationalité de l'homme, c'est-à-dire de la possibilité de réglernotre action sur des maximes universelles, telles que « Agir toujours de tellesorte à considérer autrui comme une fin en soi et non comme un moyen ».Dès lors, le devoir a pour unique fonction de rendre nos actions morales etnon de les faire contribuer à notre bonheur. Le devoir est une loi de la raison. «Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne quedans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin etjamais simplement comme un moyen.» Kant, Fondements de la métaphysiquedes moeurs (1785). • L'impératif catégorique de Kant est distinct du commandement christiquequant à son fondement.

En effet le commandement d'amour du Christ vient del'extérieur et est fondé sur un commandement antérieur qui prescrit l'obéissance inconditionnelle au Christ.L'impératif kantien vient, lui, de la raison.

C'est en nous-mêmes que nous le trouvons, comme une structure de notrepropre esprit, qui fonde notre moralité.• Que ce soit un «impératif» ne signifie pas que nous soyons contraints à nous y plier, mais il est en nous commeune règle selon laquelle nous pouvons mesurer si nos actions sont morales ou non (d'où la «mauvaise conscience»).• Il se distingue aussi par sa portée.

En effet, traiter les autres «comme une fin» ne signifie pas nécessairement les«aimer».

C'est à la fois moins exigeant, car il s'agit «seulement» de les respecter, en reconnaissant en eux la dignitéhumaine.

Mais c'est aussi plus exigeant, car il faut maintenir le respect même quand on n'aime pas! C'est là que le«devoir» est ressenti comme tel. En effet, pour Kant, la recherche du bonheur s'accomplit plus certainement chez l'animal, qui se fie à son instinct.

Tandis que l'homme, qui hésite et réfléchit, se voue souvent au malheur, l'animal se porte sans hésitationvers l'objet qui le satisfera.

Dès lors, la destination de l'homme n'est pas le bonheur.

Cette idée se confirme dans lefait que si, pour agir, l'homme ne prend en compte que son propre profit, au détriment d'autrui, il n'accomplira jamaisaucune action morale.

Par la raison, l'homme s'élève donc à l'universel, c'est-à-dire à la loi morale, qui doit guiderson action, indépendamment de la considération particulière du bonheur de sa personne. Schopenhauer ne s'y trompera et remerciant Kant d'avoir débarrassé la morale de la recherche du bonheur. Ainsi, accomplir une action morale peut impliquer de se rendre malheureux.

Nous ne devons donc pas, premièrement,être heureux, car nous partageons ce désir avec l'animal, mais nous devons premièrement nous rendre dignes denotre humanité, par le respect de la loi morale. Cependant, une telle posture n'implique pas d'abdiquer le bonheur humain, simplement sa position d'absolu. Kant dit justement que, si la moralité ne prend pas appui sur le bonheur, au sens où agir moralement peut nousrendre malheureux, elle nous rend toutefois digne d'être heureux.

Dès lors, nous ne devons pas tant être heureuxque moraux, afin de nous rendre digne du bonheur.

III – Le droit au bonheur Ainsi, alors que nous recherchons tous le bonheur, il semble que d'autres devoirs, plus fondamentaux, préexistent à cette quête.

Le bonheur ne suffirait donc pas à définir le devoir proprement humain.

Cependant, nouspouvons prolonger cette réflexion en nous demandant si l'homme doit être heureux, au sens où ne pas être heureuxserait le signe d'un échec ou d'une erreur.

Pour Blaise Pascal, l'homme ne se soucie jamais que du passé ou del'avenir, sans considérer le moment présent, ce qui lui fait dire dans les Pensées : « Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyonsjamais ».

Nous pouvons aller plus loin en critiquant l'idéal d'un bonheur que nous devrions atteindre inconditionnellement, c'est-à-dire d'un bonheur qui nous serait dû. Ayn Rand, dans son ouvrage La vertu d'égoïsme , indique de quelle manière les démocraties modernes se doivent d'assurer les droits fondamentaux aux individus, sans que cela implique une quelconque garantie dansl'exercice de ce droit.

Par exemple, la liberté d'expression n'implique pas que l'État fournisse à chacun un studio deradio, des micros et tout l'équipement nécessaire à l'expression des individus.

De même, le droit au bonheur, que lepréambule de la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis de Jefferson a consacré sous la formule « the pursuit of happiness », n'implique pas que l'État pourvoie activement au bonheur humain ; sur ce point, il se contente de fournir un cadre à l'activité humaine, à l'individu en quête de bonheur. Dès lors, être heureux est moins un devoir qu'un droit.

Cela implique qu'il n'existe pas d'exigence quant au bonheur humain, notamment sur une norme fixe du bien applicable à tous.

La qualité du bonheur se trouve alorslaissée à la discrétion de chacun, à l'exercice d'un droit, car parler d'un devoir de bonheur, c'est certainements'acheminer vers la tyrannie d'une vision unilatérale.. »

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