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Dire à chacun sa vérité a-t-il encore un sens ?

Publié le 01/04/2005

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Dire « À chacun sa vérité » n'a donc pas de sens, car en disant cela on nie le concept de vérité lui-même. Dans le Théétète, Platon fait un pas supplémentaire en montrant que ce genre d'assertion se contredit, en posant à la fois la relativité de la vérité et son universalité. En effet, celui qui soutient que toutes les opinions sont vraies accorde à celui qui ne le pense pas que ce dernier a raison. Dès lors, cet accord est le signe que la vérité n'est pas réductible à l'opinion. Reprenons notre exemple : si A dit « blanche » la chose blanche qu'il voit, il estime dire la vérité. À l'inverse, si B dit qu'elle est « noire » et estime que chacun possède sa vérité, alors il convient que A dit vrai, tandis que A tient pour faux ce que dit B. Dès lors, la phrase « À chacun sa vérité » n'est plus uniquement contradictoire, mais elle prouve en plus que la vérité n'est pas relative. II - La structure de la vérité Dire « À chacun sa vérité », c'est donc nier la vérité elle-même. Mais, cela ne tient pas au fait que la vérité serait ce que tout le monde (ou la majorité) considère être vrai. Afin de comprendre cela, nous devons nous interroger sur la structure de la vérité.
Notre sujet nous interroge sur la vérité et le problème qu’il y a à penser, en deçà de la vérité qui mettrait tout le monde d’accord, les points de vue, les opinions, etc. qui semblent si diverses et tellement variées, que la vérité elle-même ne serait du coup plus pensable. Cependant, notre libellé nous interroge d’une manière spécifique en nous demandant si dire « À chacun sa vérité « possède encore un sens. En effet, si la vérité se définit d’abord comme la saisie objective des choses, dire qu’elle est multiple, n’est-ce pas se contredire ? Dès lors, n’est-il pas aberrant, c’est-à-dire absurde et contradictoire, de dire « À chacun sa vérité « ? Pour répondre, nous devons impérativement commencer par nous interroger sur la nature de la vérité.

« homme, alors il n'existe plus aucune différence entre les êtres ; toutes choses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».

Aucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » ( Platon ). La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras , nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis par l'idée de vérité.

Celle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une naturedéfinie ; et c'est cette stabilité ontologique qui fonde en définitive le principe de contradiction dans la sphère de lapensée.

C'est donc l'être qui est mesure et condition du vrai, et non l'opinion singulière.

« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en disantque tu l'es nous disons la vérité » (Aristote ). Puisque, s'il est vrai que tout est vrai, le contraire de cette affirmation ne saurait être faux, le relativisme trouve savérité dans le scepticisme.

Dire que tout est vrai, c'est dire tout aussi bien que tout est incertain et que rien nepeut être dit vrai.Il apparaît que le scepticisme comme le relativisme est une position intenable.

Dès qu'il se dit il se contredit.

II – La structure de la vérité Dire « À chacun sa vérité », c'est donc nier la vérité elle-même.

Mais, cela ne tient pas au fait que la vérité serait ce que tout le monde (ou la majorité) considère être vrai.

Afin de comprendre cela, nous devons nousinterroger sur la structure de la vérité.

Qu'est-ce que signifie, pour une assertion, être vraie ? La définition traditionnelle de la vérité retient comme critère l'adéquation.

Cela veut dire qu'une proposition, pour être vraie, doit dire ce qui est .

Il doit y avoir adéquation entre le mot et la chose, entre ce que je dis et ce qui est.

Par exemple, si je « lapin » quand je vois un éléphant, j'énonce quelque chose de faux ; par contre, si je dis« c'est bleu », en désignant le ciel, je dis quelque chose de vrai.

Or, le problème réside dans la perception que nousavons de la chose elle-même.

En effet, si je dis : « j'ai froid », il se peut que quelqu'un d'autre, moins sensible,estime qu'il fait chaud.

Dès lors, je ne dirais rien de vrai ou de faux en disant que j'ai froid, mais j'exprimeraisuniquement la manière dont je perçois les choses. Afin de résoudre ce problème, Platon montre l'erreur sur laquelle repose cette conception.

En effet, pour lui, la perception ne fournit pas de connaissance.

Or, énoncer la vérité, c'est produire une connaissance.

Ainsi, un telqui trouve une action héroïque et tel autre qui ne la trouve pas courageuse, ne cherchent pas à connaître cetteaction elle-même.

Pour connaître les choses en vérité, nous devons, selon Platon, déterminer ce qu'elles sont enelles-mêmes.

Nous devons, par-delà le divers de nos perceptions, dégager ce qu'est la chose en elle-même, demanière stable et définitive.

Nous devons donc dépasser les sensations que nous éprouvons pour connaître les Idéesdes choses.

Dès lors, appréhender une action courageuse, c'est dire dans quelle mesure elle participe à l'Idée decourage, c'est-à-dire comment elle se rattache à ce qu'est le courage en lui-même. Ainsi, se trouve sauvée la vérité comme adéquation de la pensée (du discours) et de la chose, puisque la chose n'est plus une variété perçue, mais un objet connue, autrement dit un être stable, une Idée, connue etexprimée comme telle.

Pour peu que nous cherchions à connaître les choses dans leur vérité, c'est-à-dire ce qu'ellessont en elles-mêmes, il n'y a plus de sens à dire « À chacun sa vérité ».

III – Nietzsche et la déconstruction de la vérité La manière qu'a Platon de sauver la vérité comme adéquation du discours à l'être revient dès lors à poser, par-delà le divers de la perception,des Idées stables qui correspondraient aux choses.

Précisons bien que cesIdées ne sont pas produites par l'esprit, mais que celui-ci les découvre, cettedécouverte étant la connaissance elle-même. Or, contre cette thèse, Nietzsche va soutenir que de telles Idées n'existent pas et que nous avons toujours affaire uniquement à la diversité denotre perception.

Est-ce à dire alors que la vérité est relative ? Ce n'est pasle cas.

En effet, alors que la phrase « À chacun sa vérité » suppose quetoutes les vérités se valent, nous avons vu qu'elle impliquait aussi dereconnaître l'universalité de la vérité.

En somme, dire « À chacun sa vérité »n'a pas de sens, car on dit à la fois que la vérité est relative et qu'elle n'estl'est pas.

En somme, on dit que chacun possède une opinion et que la véritén'est pas accessible ou que personne ne la détient, bien qu'elle existe etserait formulable si l'on pouvait décrire les choses objectivement. Ce que dit Nietzsche est différent, dans la mesure où il ne tient plus la vérité pour possible.

En supprimant les Idées platoniciennes, Nietzschesupprime l'objet auquel notre discours est censé correspondre.

C'est pour celaque Nietzsche dit que tout est interprétation.

Mais il ne faut pas s'y tromper.Si l'on estime que la vérité existe, mais que chacun ne fait qu'exprimer un point de vue, alors l'interprétation n'est qu'une manière de s'égarer.

En revanche, si l'on estime (avec Nietzsche)que la vérité n'existe pas (que les Idées n'existent pas), alors l'interprétation est une manière de construire le sens.Ainsi, tandis que dire « À chacun sa vérité » revient à dire, de manière contradictoire, que tout le monde a tort et raison, dire « Tout est interprétation » revient à dire que nous n'avons que partiellement raison et que nous avonsbesoin d'autrui pour voir les choses dans leur vérité.

Nous passons donc d'une situation où nous cherchons àimposer notre opinion à autrui (puisque nous estimons avoir autant raison que lui) à une situation où nous cherchonsà connaître le point de vue d'autrui afin d'enrichir notre connaissance du monde. Ainsi, dire « À chacun sa vérité » demeure un propos qui n'a pas de sens, ce qui ne nous empêche pas de. »

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