Devoir de Philosophie

Doit-on faire le bonheur des autres ?

Publié le 28/01/2004

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Cela implique-t-il que l'on renonce à son propre bonheur ? Comment faire le bonheur d'autrui ? Comment prétendre connaître ce qui fera le bonheur d'autrui ? Cette difficulté ne remet-elle pas en cause l'assimilation du devoir et de la recherche du bonheur d'autrui ? En effet, comment concevoir un devoir dont on ne peut dire avec certitude ce qu'il nous commande de faire ? Ce devoir n'est-il pas le masque de l'immoralité même (par l'abnégation) ? N'est-ce pas singer la vertu que de se rabaisser et toujours viser le bien d'autrui plutôt que le sien ? Introduction et problématique: Lorsque nous aimons quelqu'un, nous sommes prêts à tout pour "faire son bonheur". Le bonheur d'autrui est-il le but de ce que l'on nomme l'altruisme. Avons-nous le devoir de faire le bonheur d'autrui ?
Ce sujet est plus technique qu'il n'y paraît. D'une part la question de ce que je peux ou dois faire pour autrui n'est pas facile à démêler; d'autre part, une certaine connaissance des textes de Kant sur la morale est souhaitable pour saisir la portée philosophique de la question. Deux approches complémentaires permettront de mieux élaborer l'analyse du sujet : je peux me demander en quoi j'ai le devoir de contribuer au bonheur d'autrui, mais je peux aussi me demander ce que j'attends ou réclame d'autrui en vue de mon propre bonheur.


« La bienveillance me fait désirer le bonheur d'autrui.

Mais cet altruisme seheurte à la liberté même de cet autre moi qui n'est pas moi. Kant a bien montré que le bonheur n'est pas un concept dont onpourrait fournir une définition générale, mais une représentation flottanteau gré de l'imagination, différente pour chacun et si versatile quechacun est bien en peine de savoir ce qui le rendrait vraiment heureux.Dès lors, il me sera d'autant plus difficile de savoir ce qui ferait lebonheur d'autrui.

Souvent nous avons une idée précise de la façon dontautrui devrait vouloir être heureux, mais se faisant nous risquons fort d'yinvestir, d'y projeter nos propres désirs, nos propres fantasmes...

et dene pas respecter sa liberté. L'idée selon laquelle je pourrais avoir le devoir de faire le bonheur d'autruiest par ailleurs limitée par le fait que je ne peux ni être heureux à saplace ni l'empêcher d'être malheureux.

Je ne peux reprocher à autrui dene pas être heureux de ce que je lui offre sous le prétexte égoïstequ'ainsi il m'empêche d'accomplir mon devoir de le rendre heureux... Ces réflexions montrent donc les limites de l'altruisme: j'ai le devoir decontribuer au bonheur d'autrui en laissant à ce dernier la liberté detrouver son bonheur comme il l'entend ou même ne pas le trouver.

entrel'attitude trop passive qui se désintéresse d'autrui et celle trop volontariste qui étouffe sa liberté, on ne peuttracer une frontière claire et définitive: l'équilibre est affaire de discernement moral. Troisième partie: l'amitié chez Aristote. En fait, le bonheur se situe peut-être davantage dans la réciprocité de la relation entre deux êtres que dans lerésultat des actions de chacun pour l'autre.

Précisons cette idée. • Les catégories de l'amitié Dans L'Éthique à Nicomaque, Aristote explique qu'il y a trois typesd'amitié : je peux aimer quelqu'un parce qu'il me procure du plaisir, parcequ'il m'apporte un gain matériel ou, dans le cas de l'amitié véritable,parce qu'il est ce qu'il est : j'aime alors autrui non pour ce qu'ilm'apporte mais pour ce qu'il est.

Mon devoir consiste alors non à luiapporter du plaisir ou un gain matériel mais à l'aider à être lui-même, à lafois proche de moi et différent de moi. • Faire le bonheur d'autrui sans agirCette disposition à favoriser autrui tel qu'il est implique avant tout unedisposition à le laisser être lui-même; ce qui veut dire que mon devoirenvers lui en vue de son bonheur ne consiste pas toujours à « faire »quelque chose pour lui, mais parfois au contraire à m'abstenir de fairequelque chose, à m'abstenir d'intervenir pour ne pas le contraindre àdevenir ce que je voudrais bien qu'il fût. • Dois-je travailler au bonheur de tous les autres?Cette attitude à la fois prévenante et discrète trouve sa pleineexpression lorsqu'une attitude réciproque de la part d'autrui vient luirépondre : l'amitié est un dialogue dans lequel chacun souhaite lebonheur de l'autre.

Mais le nombre des vrais amis est réduit, mon devoir moral m'oblige en revanche à l'égard de tous ceux qui croisent ma route.

Comme cependant je ne puis pas meconsacrer autant à tous, il importe de ne pas réduire l'expression du devoir à l'idée de « faire le bonheur del'autre » : à l'égard de ceux dont je ne suis pas assez proche pour travailler explicitement à leur bonheur, j'aidu moins le devoir de justice. Conclusion Il semble bien que le bonheur d'autrui tienne une place importante dans la façon dont je dois me représenter ledevoir moral.

Dans ce cadre, il est toutefois nécessaire de fortement nuancer l'expression « faire le bonheurd'autrui » puisqu'en aucun cas je ne puis avoir le devoir de vivre à sa place.

De même, je ne puis exiger d'autruiqu'il fasse mon bonheur, dont je suis responsable.

Je peux en revanche espérer sa bienveillance et faire appel àelle tout en reconnaissant que je ne puis réclamer l'exclusivité de l'attention d'autrui.

De la même façon, enfin,j'ai le devoir de limiter mon action en faveur d'autrui pour lui laisser la liberté d'autres amitiés ou d'autresrelations.. »

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