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Doit-on parler du goût ou des goûts ?

Publié le 11/08/2004

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Cette question s’entend dans le champ esthétique essentiellement et c’est bien ce sens qu’elle prend son envergure philosophique. Le problème principal que pose le sujet est de saisir la possibilité de l’existence d’une norme du goût. En effet, nous avons pour habitude de dire que des goûts et des couleurs on ne discute pas. Les préférences sont relatives. Les normes du plaisir sont personnelles et subjectives. La relativité du goût fait qu’en matière d’art et de plaisir esthétique nous ne pouvons pas parler d’un goût mais des goûts. Cependant, l’absence d’un critère de goût valable rend alors toute discussion et évaluation impossibles. Or force est de constater que les personnes s’accordent pour classer certains chef d’œuvres au-dessus de tous. Dès lors, toute théorie esthétique, cherchant à définir le beau, doit passer outre cette aporie. Ainsi dialectiquement doit-il être possible de définir un goût certain subjectif mais que l’on peut penser universellement valable. Alors on pourrait parler « du goût «. Cependant, la forme de la question par le « doit-on « implique une injonction qui ici a peu à voir avec la morale. C’est donc d’un critère ultime que nous avons besoin.

« KANT : Lorsqu'il s'agit de ce qui est agréable, chacun consent à ce que son jugement, qu'il fonde sur un sentiment personnel et en fonction duquel ilaffirme d'un objet qu'il lui plaît, soit restreint à sa seule personne.

Aussi bien,disant : « Le vin des Canaries est agréable il admettra volontiers qu'un autrecorrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : cela m'est agréable.

Il en estainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, maisaussi pour tout ce qui peut être agréable aux yeux et aux oreilles de chacun.La couleur violette sera douce et aimable pour celui-ci, morte et éteinte pourcelui-là.

Celui-ci aime le son des instruments à vent, celui-là aime lesinstruments à corde.

Ce serait folie que de discuter à ce propos, afin deréputer erroné le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il lui étaitlogiquement opposé ; le principe : « A chacun son goût (s'agissant des sens)est un principe valable pour ce qui est agréable.Il en va tout autrement du beau.

Il serait (tout juste à l'inverse) ridicule quequelqu'un, s'imaginant avoir du goût, songe en faire la preuve en déclarant :cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement que porte celui-ci, leconcert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre appréciation)est beau pour moi.

Car il ne doit pas appeler beau, ce qui ne plaît qu'à lui.Beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément ;personne ne s'en soucie ; toutefois lorsqu'il dit qu'une chose est belle, ilattribue aux autres la même satisfaction ; il ne juge pas seulement pour lui,mais pour autrui et parle alors de la beauté comme si elle était une propriétédes choses.

C'est pourquoi il dit : la chose est belle et dans son jugement exprimant sa satisfaction, il exigel'adhésion des autres, loin de compter sur leur adhésion, parce qu'il a constaté maintes fois que leur jugements'accordait avec le sien.

Il les blâme s'ils jugent autrement et leur dénie un goût, qu'ils devraient cependantposséder d'après ses exigences ; et ainsi on ne peut dire : « A chacun son goût Cela reviendrait à dire : le goûtn'existe pas, il n'existe pas de jugement esthétique qui pourrait légitimement prétendre à l'assentiment de tous. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 La beauté est-elle une propriété des choses ?2 Le principe du « A chacun son goût est-il acceptable lorsqu'il s'agit de l'agréable ?3 Les objets beaux font-ils l'unanimité ? Réponses: 1 - Non : la beauté n'est pas dans les choses, mais dans le jugement sur ces choses.

Cependant ce jugement esttel que tout se passe comme si la beauté était une propriété de l'objet.2 - Oui, parce qu'il n'y a aucune contradiction logique dans le fait que ce qui est agréable pour quelqu'un ne le soitpas pour quelqu'un d'autre.3 - Non : lorsque l'on interroge plusieurs personnes sur une oeuvre d'art, on ne constatera rien de tel.

L'universalitéest ici une exigence du jugement esthétique, nullement la constatation sociologique d'une unanimité. • Bien qu'elle soit abstraite, cette thèse présente l'intérêt très concret d'abolir les barrières entre les classes, lesâges, les sexes...

dans le domaine de l'art.

Il peut y avoir des cultures différentes, mais sur le fond les goûts doiventse rejoindre : si les graffes sont vraiment de l'art, alors ils le sont au même titre que les Nymphéas de Monnet, et lamusique techno vaut les sonates de Chopin.

Mais Kant montre bien qu'aucune partialité ne doit être à l'oeuvre dansl'appréciation de la beauté.

Cela exclut aussi bien le snobisme que la démagogie. • À la condition de ne pas faire prévaloir ses intérêts personnels dans le jugement de goût, on peut donc s'accorderavec autrui sur la beauté d'une oeuvre.

C'est en quoi les musées peuvent contribuer à éduquer les goûts : même sion n'aime pas tel portrait de Bacon ou telle sculpture de Giacometti, on peut reconnaître que l'artiste a su saisir ledéchirement d'une âme ou la fugacité d'un mouvement.

Cependant, l'art ne donne sa pleine saveur que dans leressenti.

C'est uniquement lorsqu'on le goûte, personnellement, que le beau cesse d'être abstrait. « Une chanson que braille une fille en brossant l'escalier me bouleverse plus qu'une savante cantate.

» Jean Dubuffet, L'Homme du commun à l'ouvrage, 1973.. »

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