Donnez le thème général du texte de Bergson

Langage et subjectivité

Chacun a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous le hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et de mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité, de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage.

H. BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience, chap. III, PUF, 1985.

La thèse de Bergson

La pensée « demeure incommensurable avec le langage ». C’est-à-dire que jamais le langage ne peut être strictement adéquat à notre pensée.

L’argumentation de Bergson repose sur l’idée que les mots n’expriment jamais que de généralités figées (ex. : les mots « joie » ou « tristesse » expriment des idées générales); alors que notre pensée, dans le sens large du terme, la vie de notre conscience, est toujours singulière et changeante, faite de multiples nuances à la fois successives et fondues les unes dans les autres, qui échappent à la généralité du mot (ex. : le sentiment de joie ou de tristesse