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Du désordre, Chaos et changement catastrophique

Publié le 18/07/2013

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1. Distinguer chaos et désordre. Je considère le chaos comme l’hyperbole et l’hypostasie du sentiment de désordre (que nous éprouvons dans des circonstances particulières). 

Hyperbole au sens où quand nous parlons de chaos, nous exagérons un aspect du sentiment de désordre que nous éprouvons : la pénombre d’associations attachées au mot “chaos” nous propulse du côté d’un imaginaire mythique et religieux (qu’on ait connaissance ou pas de l’instance du chaos dans la mythologie grecque). Comme si nous personnalisions “la cause errante” dont parle Platon dans le Timée, ce qui lutte contre l’instauration de l’ordre démiurgique (et ne cesse de lutter, d’où cette conclusion : le démiurge n’est pas omnipotent, ou : nous sommes condamnés, dans une certaine mesure, à la discursivité). Comme s’il y avait là une force latente contenue tant bien que mal par l’ “ordre social” (ou “la nature”), et qui ne manque pas (à l’occasion d’une catastrophe) de se manifester de temps à autre, rappelant le caractère précaire de tout ordre établi. Hypostase dans la mesure où la tendance métaphysique de la pensée humaine nous conduit à dégager le désordre de la fange des circonstances dans lesquelles ils s‘éprouve, et postuler l’existence d’un principe, d’un matériau préexistant, susceptible d’ expliquer à la fois le désordre de la nature et le désordre moral. S’ y articule la question de l’irrégularité, de l’anomalie, et donc, partant, du mal. On trouvera par exemple chez xx une évocation (parce qu’il n’est pas permis de décrire quoi que ce soit) de cet “état des choses quand Dieu était absolument absent”

« les confirme en les suivant, qu’au sens où on les met à l‘épreuve en ne les suivant pas, c’est-à -dire en suivant d’autres règles) l’institution familiale, ne sont pas les mêmes que celles qui régissent l’entreprise dans laquelle on travaille, les soirées mondaines auxqu elles on est convié, la table de poker à laquelle s’assoit le joueur, l’institution scolaire (et au sein de cette institution, la pluralité des lieux régulés par des règles différentes, et parfois contradictoires entre elles, d’un cours à l’autre, puis, la cour de récréation, et certains groupes plus ou moins constitué dans la cour de récréation, etc etc..).

Bref, ce que j’essaie de pointer là, qu’Erving Goffmann a décrit avec tant de soin dans ses fameuses études de microsociologie ( Les Cadres de l’expérience, 1974), c’est que ce que nous voulons dire quand nous parlons d’un ordre social, pourrait bien être surtout le sentiment d’une certaine stabilité, fondée sur des régularités (pour ainsi dire “naturelles”, mais aussi le fait d’une certaine répétition, que les gens pensent et se comportent en général conformément à ce qu’on attend d’eux dans telle ou telle situation etc.), laquelle, dans la perspective d’une pluralité d’ordres, suppose que ces différents ordres soient plus ou moins compatibles les uns ave c les autres, c’est -à -dire qu’il m’est possible de suivre telle ou telle règle dans une situation donnée, puis (l’idée de succession est importante) d’en suivre d’autres, mêmes “contradictoires” avec les premières, dans une autre situation.

L’ordre social serait alors la compatibilité relative et forcément toujours précaire de la pluralité des ordres auxquels chacun de nous doit composer selon ses préférences (les groupes auxquels il est lié ou auxquels il choisit d’adhérer).

Notez bien que cette compatibil ité peut supposer que les groupes ne se rencontrent pas.

Adopter ce point de vue, partir de la réalité complexe des groupes humains en interrelation, plutôt que de l’idée métaphysique de l’ordre ou du chaos, c’est aussi faire pièce à ce fantasme d’un “en dehors” de l’ordre, d’un “tout autre” que l’ordre, que désignerait le chaos.

3.

Le changement catastrophique entraîne une recomposition de grande ampleur des ordres relatifs.

Un des effets frappants d’un tremblement de terre, c’est la destruction (relativ e) de la propriété et ce qui s’ensuit : le pillage (les médias disent “des scènes de pillage”, ce qui me témoigne de la distance que la caméra (ou l’information) instaure entre le réel (le pillage) et la représentation (une scène)).

Ce que manifeste le pil lage, c’est la ruine des frontières habituellement établies (et dans l’ensemble respectées) de la propriété privée et de l’espace public.

Non seulement la maison en ruines est, de fait, ouvertes à tous vents, mais les vitres des boutiques, même encore debo ut, ne tiennent plus devant les nouvelles règles qu’instaurent certains groupes menacés de famine (je caricature, car c’est probablement plus compliqué que cela).

Ce n’est pas tant la catastrophe elle- même qui fait désordre (d’autant plus que, ce que nous appelons catastrophe naturelle peut tout aussi bien être considéré par le scientifique comme un événement qui s’inscrit dans une régularité, du point de vue géologique, c’est -à -dire, ce à quoi on peut s’attendre en vertu des mouvements habituels qui gouver nent la tectonique des plaques).

Mais bien plutôt les êtres humains qui “font” désordre aux yeux d’autres êtres humains.

Cela ne signifie pas que le groupe qui fait désordre ne suive pas de règles, alors que le groupe qui “subit” le désordre continuerait d’en suivre : les deux groupes à mon avis suivent des règles, mais elles sont d’une part incompatibles logiquement (du point de vue par exemple de ce qu’on entend par “propriété”) les unes avec les autres, et d’autre part, incompatibles réellement, dans la mesure où les groupes se rencontrent physiquement, dans un espace désormais partagé (pour le meilleur ou pour le pire, tout dépend du point de vue que vous adoptez).

Les états de crise favorisent l‘émergence ou la manifestation spectaculaire des incompatib ilités.

Les ordres entrent en conflit, pour se maintenir ou d’imposer, ce qui ne manque pas de les forcer à s’auto - modifier, sous la pression des données nouvelles de l’expérience (par exemple, les propriétaires vont créer une milice privée pour protéger l eurs habitations, voire, comme on le voit dans certains pays, bâtir de véritables camps retranchés, des cités luxueuses à l’abri des regards et défendues par les forces armées, et organisées autour de règles qui leur sont propres).

4.

Ces thématiques peuve nt être étudiées par les historiens (pensez aux réaménagements des règles et des lois en temps de guerre), par les anthropologues qui se rendent sur les lieux des catastrophes, ou encore par les écrivains et cinéastes qui produisent des oeuvres post -apocal ytiques (je songe par exemple au roman récent de Cormak macCarthy, The Road, dans lequel les deux héros sont. »

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