Du désordre, Chaos et changement catastrophique
Publié le 18/07/2013
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1. Distinguer chaos et désordre. Je considère le chaos comme l’hyperbole et l’hypostasie du sentiment de désordre (que nous éprouvons dans des circonstances particulières).
«
les confirme en les suivant, qu’au sens où on les met à l‘épreuve en ne les suivant pas, c’est-à -dire
en suivant d’autres règles) l’institution familiale, ne sont pas les mêmes que celles qui régissent
l’entreprise dans laquelle on travaille, les soirées mondaines auxqu elles on est convié, la table de
poker à laquelle s’assoit le joueur, l’institution scolaire (et au sein de cette institution, la pluralité
des lieux régulés par des règles différentes, et parfois contradictoires entre elles, d’un cours à
l’autre, puis, la cour de récréation, et certains groupes plus ou moins constitué dans la cour de
récréation, etc etc..).
Bref, ce que j’essaie de pointer là, qu’Erving Goffmann a décrit avec tant de
soin dans ses fameuses études de microsociologie ( Les Cadres de l’expérience, 1974), c’est que ce
que nous voulons dire quand nous parlons d’un ordre social, pourrait bien être surtout le sentiment
d’une certaine stabilité, fondée sur des régularités (pour ainsi dire “naturelles”, mais aussi le fait
d’une certaine répétition, que les gens pensent et se comportent en général conformément à ce
qu’on attend d’eux dans telle ou telle situation etc.), laquelle, dans la perspective d’une pluralité
d’ordres, suppose que ces différents ordres soient plus ou moins compatibles les uns ave c les autres,
c’est -à -dire qu’il m’est possible de suivre telle ou telle règle dans une situation donnée, puis (l’idée
de succession est importante) d’en suivre d’autres, mêmes “contradictoires” avec les premières,
dans une autre situation.
L’ordre social serait alors la compatibilité relative et forcément toujours
précaire de la pluralité des ordres auxquels chacun de nous doit composer selon ses préférences (les
groupes auxquels il est lié ou auxquels il choisit d’adhérer).
Notez bien que cette compatibil ité peut
supposer que les groupes ne se rencontrent pas.
Adopter ce point de vue, partir de la réalité complexe des groupes humains en interrelation, plutôt
que de l’idée métaphysique de l’ordre ou du chaos, c’est aussi faire pièce à ce fantasme d’un “en
dehors” de l’ordre, d’un “tout autre” que l’ordre, que désignerait le chaos.
3.
Le changement catastrophique entraîne une recomposition de grande ampleur des ordres relatifs.
Un des effets frappants d’un tremblement de terre, c’est la destruction (relativ e) de la propriété et ce
qui s’ensuit : le pillage (les médias disent “des scènes de pillage”, ce qui me témoigne de la distance
que la caméra (ou l’information) instaure entre le réel (le pillage) et la représentation (une scène)).
Ce que manifeste le pil lage, c’est la ruine des frontières habituellement établies (et dans l’ensemble
respectées) de la propriété privée et de l’espace public.
Non seulement la maison en ruines est, de
fait, ouvertes à tous vents, mais les vitres des boutiques, même encore debo ut, ne tiennent plus
devant les nouvelles règles qu’instaurent certains groupes menacés de famine (je caricature, car
c’est probablement plus compliqué que cela).
Ce n’est pas tant la catastrophe elle- même qui fait
désordre (d’autant plus que, ce que nous appelons catastrophe naturelle peut tout aussi bien être
considéré par le scientifique comme un événement qui s’inscrit dans une régularité, du point de vue
géologique, c’est -à -dire, ce à quoi on peut s’attendre en vertu des mouvements habituels qui
gouver nent la tectonique des plaques).
Mais bien plutôt les êtres humains qui “font” désordre aux
yeux d’autres êtres humains.
Cela ne signifie pas que le groupe qui fait désordre ne suive pas de
règles, alors que le groupe qui “subit” le désordre continuerait d’en suivre : les deux groupes à mon
avis suivent des règles, mais elles sont d’une part incompatibles logiquement (du point de vue par
exemple de ce qu’on entend par “propriété”) les unes avec les autres, et d’autre part, incompatibles
réellement, dans la mesure où les groupes se rencontrent physiquement, dans un espace désormais
partagé (pour le meilleur ou pour le pire, tout dépend du point de vue que vous adoptez).
Les états
de crise favorisent l‘émergence ou la manifestation spectaculaire des incompatib ilités.
Les ordres
entrent en conflit, pour se maintenir ou d’imposer, ce qui ne manque pas de les forcer à s’auto -
modifier, sous la pression des données nouvelles de l’expérience (par exemple, les propriétaires
vont créer une milice privée pour protéger l eurs habitations, voire, comme on le voit dans certains
pays, bâtir de véritables camps retranchés, des cités luxueuses à l’abri des regards et défendues par
les forces armées, et organisées autour de règles qui leur sont propres).
4.
Ces thématiques peuve nt être étudiées par les historiens (pensez aux réaménagements des règles
et des lois en temps de guerre), par les anthropologues qui se rendent sur les lieux des catastrophes,
ou encore par les écrivains et cinéastes qui produisent des oeuvres post -apocal ytiques (je songe par
exemple au roman récent de Cormak macCarthy, The Road, dans lequel les deux héros sont.
»
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