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Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, Première partie : Doctrine du droit.

Publié le 27/10/2012

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« La raison (...) énonce en nous son veto irrésistible : Il ne doit y avoir aucune guerre ; ni celle entre toi et moi dans l'état de nature, ni celle entre nous en tant qu'Etats, qui bien qu'ils se trouvent intérieurement dans un état légal, sont cependant extérieurement (dans leur rapport réciproque) dans un état dépourvu de lois - car ce n'est pas ainsi que chacun doit chercher son droit. Aussi la question n'est plus de savoir si la paix perpétuelle est quelque chose de réel ou si ce n'est qu'une chimère et si nous ne nous trompons pas dans notre jugement théorique, quand nous admettons le premier cas, mais nous devons agir comme si la chose qui peut-être ne sera pas devait être, et en vue de sa fondation établir la constitution (...) qui nous semble la plus capable d'y mener et de mettre fin à la conduite de la guerre dépourvue de salut vers laquelle tous les Etats sans exception ont jusqu'à maintenant dirigé leurs préparatifs intérieurs, comme vers leur fin suprême. Et si notre fin, en ce qui concerne sa réalisation, demeure toujours un veux pieux, nous ne nous trompons certainement pas en admettant la maxime d'y travailler sans relâche, puisqu'elle est un devoir. «

 

Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, Première partie : Doctrine du droit.

Établir la paix entre les nations est un vieux et pieux projet de la civilisation. Il peut sembler plus utopique que jamais au XXe siècle, c’est-à-dire après Auschwitz et Hiroshima — qui ont conduit la guerre jusqu’à l’impensable, l’indicible. La réflexion de Kant sur un tel sujet peut-elle encore nous enseigner quelque chose ?

 

          La raison sur le mode d’un impératif catégorique pose que la paix est ce vers quoi doit tendre toutes nos actions tant morales que politiques. Lorsque Kant dit qu’ « Il ne doit y avoir aucune guerre «, il tient un discours dans lequel transparaît un écho de ce qui fonde l’humanité en tant que refus inconditionnel ou une mise à distance de la violence animale tant la violence sous toutes ses formes met en péril toute société, toute liberté, toute morale. Mais il fait aussi apparaître une exigence philosophique, sinon l’exigence philosophique, la plus radicale dans la mesure où le dialogue ou le discours philosophique n’est possible que par la suppression ou la suspension de la violence.

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« Vouloir établir la paix perpétuelle implique l’existence d’une Constitution entre États, qui ait un rôle d’harmonisation.

Chaque État jusqu’à présent n’a œuvré que par rapport à ses propres intérêts : il y a sur le plan pol itique un égoïsme comparable à celui auquel tout individu est tenté d’obéir avant sa découverte de la loi morale universelle qui est en lui.

Ne prenant la guerre comme fin suprême des ses préparatifs intérieurs, l’État ne fait que confirmer cette tendance égoïste et se prive de tout salut .

À cette fin mal définie — le fait qualifier de « suprême » est en contradiction avec son caractère local ou national —, il s’agit d’opposer entre fin — celle de la paix — comme authentiquement suprême — puisque aucune ne peut l’excéder sur le plan politique.

La volonté et la recherche de la paix perpétuelle procède en effet par l’universalisation : ce qui est obtenu en politique intérieure (paix entre les citoyens) doit désormais se généraliser en politique extérieure (paix entre les États).

Il s’agit donc de reconnaître la nécessité d’une loi interétatique qui pourra contredire et empêcher la tendance spontanée de chaque État.

Dans ce cas, on retrouvera un salut à la fois général pour tous les États à la fois et particuli er pour chaque État.

La paix internationale est donc un devoir pour les États de même nature que le devoir moral pour tout individu.

Il s’agit en conséquence d’y travailler, de tendre toutes les volontés vers cette fin comme si la réalisation devait suivr e.

Et Kant de reprendre ici dans une dimension politique la sentence, le précepte moral pour tout individu: « Si tu peux, tu dois).

Par contraste pour mieux faire ressortir la thèse kantienne, on peut se tourner vers Spinoza pour qui, dans son Traité de l ’autorité politique, la paix, en priorité entre les citoyens d’une nation, n’est pas une simple absence d’hostilités, mais une situation positive.

À partir de quoi on soulignerait que la paix n’ est pas un s impl e fait dont on bénéficie en fonction de circon stances favorables, mais résulte bien de l’ activité morale des hommes.

Spinoza affirme d’ailleurs dans le m ême écrit que la vie humaine se définit, non point par la circulation du sang et les différentes autr es fonctions du règne ani mal, ma is surtout par l a raison : vraie valeur e t vraie vie de l’esprit — ce qui préfigure tout à fait la conception kanti enne, mais Spinoza n’envisage pas encor e la qu estion de la paix dans sa dim ension internationale, qui constituerait de ce point de vue un e avancée pr opre à la philosophie de s Lumières pour laquelle l’ universalité qui devint prioritaire — au-delà des particularismes locaux ou nationaux — pour pe nser l’humanité.

Ne doit-on pas objecter à cette défense radicale de la paix qu’elle trouve rapidement ses propres li mites.

Que peut et doit faire un État lorsqu’il est agressé militairement par un autre État puissant ? Pour accéder à la fin ultime qu’est la paix, ne faut -il pas avoir recours à des moyens a- ou immoraux ? N’y a -t- il pas nécessairement des distorsions ou des incompatibilités entre l’ordre politique et les exigences morales ? L’éthique de la responsabilité qui doit prévaloir en politique n’est pas toujours conforme, loin s’en faut, à l’éthique de la conviction.

Ne faut -il ici ne voir d’une utopie, un veux pieux, généreux, mais inaccessible ? Ce plaidoyer inconditionnel en faveur de la paix semble ne pas devoir tenir suffisamment compte de la réalité politique et morale.

Les réflexions kantiennes sur la paix sont souvent convoquées comme une anticipation sur ce que seront les efforts des organisations internationales comme l’ancienne S.D.N.

ou aujourd’hui l’O.N.U.

On sait bien que ces dernières n’ont pas su empêché les guerres de continuer entre l es États .

Cela signifie -t- il que la position de Kant est seulement utopique au sens d’ eu-topia, lieu de bonheur comme non- lieu, donc en un sens négatif, donc proprement irréalisable ? Kant lui-même est tout près de le penser : il se peut que la paix perpétuelle ne soit qu’une « chimère », « qui peut -être ne sera pas ».

Il n’en. »

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