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En quoi le travail et la technique sont-ils dignes d'être critiqués ?

Publié le 20/01/2013

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travail
En quoi le travail et la technique sont-ils dignes d'être critiqués ? Introduction : clarification des concepts. Le travail : Le mot « travail « désigne en général l'activité par laquelle un homme, un animal, la nature transforme la matière soit de façon aveugle (le bois travaille dit-on), soit pour se l'assimiler (le travail du tube digestif), soit enfin pour lui faire servir des buts utiles à sa propre vie. Quoi que le travail corresponde à une activité universellement présente dans la nature de transformation aveugle ou finalisée du milieu matériel, il prend un sens spécifique chez l'homme qui doit être distingué du travail animal qu'on appelle « l'industrie «. L'animal est industrieux, l'homme est travailleur. Que vaut cette distinction ? Elle suppose de distinguer le travail qui est la simple préparation d'un objet naturel en vue de le rendre propre à la consommation, du travail qui produit les moyens mêmes d'une telle préparation. Le singe qui pèle un fruit, l'oiseau qui bâtit un nid ou le castor qui construit un barrage et des huttes transforment certes la nature en vue de son utilisation, mais ils n'utilisent pour cette activité que leurs organes naturels. Mazoyer et Roudart décrivent abondamment les trésors d'ingéniosité dont font preuve les fourmis pour mettre en culture des champignons et élever des pucerons ou des cochenilles1. Mais les nids, les galeries, les caves, les jardins, les infrastructures de transports, les réseaux de pistes en terre maçonnée, les lits de culture qu'elles fertilisent à l'aide de fragments de feuilles, de bois, de racines ou de tubercules qu'elles triturent, lacèrent et malaxes, artificialisent le milieu sans intermédiaires mais par une action directe des fourmis à l'aide de leur organes naturels (mandibules, pattes, etc.). Elles organisent artificiellement le milieu en vue de son usage immédiat, mais ne construisent pas, dans une étape intermédiaire, des instruments nécessaires à son exploitation. Les fourmis ne fabriquent aucun outil, elles modifient directement, par les forces que la nature a placées en elles, leur environnement pour qu'il satisfasse à leurs besoins. L'instrument et l'outil : Il faut nous arrêter ici un moment sur cette notion d'outil, qui recèle certaines ambiguïtés décisives. Nombreux sont les chercheurs qui prêtent aux animaux le pouvoir de travailler à l'aide d'outils. C'est un fait qu'ils mentionnent avec assurance, s'excusant presque d'avoir à le rappeler. Lestel écrit par exemple « : On sait depuis longtemps que les grands singes savent utiliser des outils 1 Mazoyer, Roudart, Histoire des agricultures du monde , p. 45 et suivantes. Cf. encore Science et Avenir, novembre 2005, p. 30 : les fourmis qui logent dans les arbres Duroia hirsuta en Amazonie les entretiennent tels de véritables jardins. 1 dans des situations expérimentales, ou dans les zoos. «2 Et plus loin : Que des animaux puissent utiliser des outils, en captivité ou dans des situations naturelles, ne choque plus et ne surprend guère. Certaines de ces activités technique sont même devenues des lieux communs, comme celle du pinson des Galapagos qui s'aide d'une brindille pour traquer les larves dissimulées sous l'écorce des arbres, celle de loutre de mer qui utilise une pierre pour ouvrir une huître qu'elle a placée sur son ventre au préalable, ou celle du chimpanzé qui manipule une branche dépouillée de ses feuilles pour pêcher adroitement des fourmis ou des termites qu'il porte délicatement à sa bouche. En général, nous ignorons pourtant que plus d'une centaine d'animaux utilisent des outils. Autant dire que ces comportements sont loin d'être anecdotiques. Ils revêtent au contraire une diversité et une complexité que l'on imagine difficilement. Ces outils animaux sont de surcroît d'une très grande variété. Mammifères, oiseaux, insectes, poissons, arthropodes, gastéropodes y recourent. Il n'y a guère que les reptiles chez lesquels ces pratiques sont inexistantes ou presque3. Ce « lieu commun « qui consiste à penser qu'il est « depuis longtemps « établi que les animaux font usage d'outils mérite toutefois d'être questionné, car tous les exemples qu'il donne pour le justifier dans ce texte ne sont pas des exemples d'usages d' outils, mais d'usages d'instruments4. Lestel navigue en effet constamment entre deux définitions qu'il attribue à la même compétence, quand il importerait grandement de les distinguer. Il n'est en effet pas égal de se servir des objets ou des autres êtres vivants que la nature met à notre disposition pour satisfaire la réalisation de certains objectifs, et les fabriquer à partir d'un matériau naturel brut. Dans le premier cas l'animal instrumentalise la nature à son profit, il transforme un objet donné en un instrument par l'usage qu'il en fait. Dans le deuxième cas, l'animal produit un outil qui lui servira à agir sur la nature et qui aura été conçu par rapport à la finalité qu'il est censé servir. L'immense majorité des exemples qui sont donnés dans le livre de Lestel ne font la démonstration que des exceptionnelles et très subtiles facultés d'animaux très divers à instrumentaliser leur milieu, ce qui relativise énormément l'évidence avec laquelle il présente l'égalité de l'homme et de l'animal vis-à-vis du travail. La quasi-totalité des animaux est pourtant incapables de dépasser le niveau de l'utilisation rationalisée de leur milieu en vue d'une finalité instinctive. Dans la production humaine en revanche, le 2 Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p. 61. Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p. 62 par. 1. 4 Cette confusion est particulièrement visible lorsqu'il parle des « chimpanzés qui ont utilisé un caillou pour stabiliser l'enclume de pierre sur laquelle ils allaient casser des noix « (cf. Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p. 83 par. 1). Il assimile l'enclume à un outil pour casser des noix, et les pierres stabilisatrices à des méta-outils, c'est-à-dire à des outils servant à fabriquer d'autres outils, comme si ces pierres étaient des outils pour fabriquer un socle de travail stable qui est lui-même un outil pour casser des noix. En réalité, il ne s'agit que d'un agencement de matériaux immédiatement donnés tels quels par la nature en vue d'une fin. Aussi complexe soit cet agencement, il ne nécessite aucune autre compétence que celle d'organiser le milieu environnant en vue d'une fin. Enfin, s'il y a là usage d'outils et de méta-outils, que dirait Lestel des champs de culture de puceron des outils, qui supposent des combinaisons d'apports naturels bien plus complexes et qu'il semble pourtant distinguer du cas prétendument exemplaire et extraordinaire des chimpanzés ? 3 2 travailleur « convertit des choses extérieures en organes de sa propre activité «5. Ainsi s'introduit, dans l'activité humaine, une médiation, celle de l'outil, objet fabriqué qu'il faut distinguer de ceux qui sont simplement préparés pour la consommation. Le travail est l'activité par laquelle on transforme la matière ou la nature par l'intermédiaire d'outils. La fourmilière, le nid de l'oiseau, le barrage du castor ne sont, comme le lit ou la maison de l'homme, que des objets d'usage, et rendent par le fait même de leur nature les services qu'on attend d'eux. La hutte protège le castor des intempéries conformément à sa nature. L'animal et l'homme ici utilisent les propri&e...
travail

« dans des situations expérimentales, ou dans les zoos.

» 2 Et plus loin : Que des animaux puissent utiliser des outils, en captivité ou dans des situations naturelles, ne choque plus et ne surprend guère.

Certaines de ces activités technique sont même devenues des lieux communs, comme celle du pinson des Galapagos qui s’aide d’une brindille pour traquer les larves dissimulées sous l’écorce des arbres, celle de loutre de mer qui utilise une pierre pour ouvrir une huître qu’elle a placée sur son ventre au préalable, ou celle du chimpanzé qui manipule une branche dépouillée de ses feuilles pour pêcher adroitement des fourmis ou des termites qu’il porte délicatement à sa bouche.

En général, nous ignorons pourtant que plus d’une centaine d’animaux utilisent des outils.

Autant dire que ces comportements sont loin d’être anecdotiques.

Ils revêtent au contraire une diversité et une complexité que l’on imagine difficilement.

Ces outils animaux sont de surcroît d’une très grande variété.

Mammifères, oiseaux, insectes, poissons, arthropodes, gastéropodes y recourent.

Il n’y a guère que les reptiles chez lesquels ces pratiques sont inexistantes ou presque 3 . Ce « lieu commun » qui consiste à penser qu’il est « depuis longtemps » établi que les animaux font usage d’outils mérite toutefois d’être questionné, car tous les exemples qu’il donne pour le justifier dans ce texte ne sont pas des exemples d’usages d’ outils , mais d’usages d’ instruments 4 .

Lestel navigue en effet constamment entre deux définitions qu’il attribue à la même compétence, quand il importerait grandement de les distinguer.

Il n’est en effet pas égal de se servir des objets ou des autres êtres vivants que la nature met à notre disposition pour satisfaire la réalisation de certains objectifs, et les fabriquer à partir d’un matériau naturel brut.

Dans le premier cas l’animal instrumentalise la nature à son profit, il transforme un objet donné en un instrument par l’usage qu’il en fait.

Dans le deuxième cas, l’animal produit un outil qui lui servira à agir sur la nature et qui aura été conçu par rapport à la finalité qu’il est censé servir.

L’immense majorité des exemples qui sont donnés dans le livre de Lestel ne font la démonstration que des exceptionnelles et très subtiles facultés d’animaux très divers à instrumentaliser leur milieu, ce qui relativise énormément l’évidence avec laquelle il présente l’égalité de l’homme et de l’animal vis-à-vis du travail.

La quasi-totalité des animaux est pourtant incapables de dépasser le niveau de l’utilisation rationalisée de leur milieu en vue d’une finalité instinctive.

Dans la production humaine en revanche, le 2 Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p.

61.

3 Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p.

62 par.

1.

4 Cette confusion est particulièrement visible lorsqu’il parle des « chimpanzés qui ont utilisé un caillou pour stabiliser l’enclume de pierre sur laquelle ils allaient casser des noix » (cf.

Dominique Lestel, Les origines animales de la culture (2001), Champs Flammarion, 2003, p.

83 par.

1).

Il assimile l’enclume à un outil pour casser des noix, et les pierres stabilisatrices à des méta-outils, c’est-à-dire à des outils servant à fabriquer d’autres outils, comme si ces pierres étaient des outils pour fabriquer un socle de travail stable qui est lui-même un outil pour casser des noix.

En réalité, il ne s’agit que d’un agencement de matériaux immédiatement donnés tels quels par la nature en vue d’une fin.

Aussi complexe soit cet agencement, il ne nécessite aucune autre compétence que celle d’organiser le milieu environnant en vue d’une fin.

Enfin, s’il y a là usage d’outils et de méta-outils, que dirait Lestel des champs de culture de puceron des outils, qui supposent des combinaisons d’apports naturels bien plus complexes et qu’il semble pourtant distinguer du cas prétendument exemplaire et extraordinaire des chimpanzés ? 2. »

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