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En quoi peut-on dire que parler est le propre de l'homme ?

Publié le 27/02/2008

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Les sourds-muets ne peuvent parler, et pourtant ils usent d'un « langage »; celui-ci ne serait-il pas spécifiquement humain ?); et dans la négative, s'il existe une spécificité du langage humain qui permet de le distinguer radicalement des autres « langages » animaux, le terme langage désignant alors, en son sens large, tout système de signes utilisé pour établir une communication. b) Rappelons que toute communication suppose un « émetteur » envoyant un message à un « récepteur » (celui-ci pouvant devenir à son tour émetteur, et celui-là récepteur si la communication est réflexive). Le message implique un contexte (réfèrent) appréhendé par l'émetteur et appréhensible par le récepteur ; ensuite, un code, c'est-à-dire un système de signes, qui doit être au moins en partie commun à l'émetteur et au récepteur ; enfin un canal, ou médium, à travers lequel les participants sont capables d'établir et de maintenir un contact. Le signe, par ailleurs, se compose d'un signifiant, c'est-à-dire d'un élément matériel qui est le support du sens, et d'un signifié qui est le sens, le « contenu sémantique » du signe, c'est-à-dire ce que le signe veut dire. c) L'étude des systèmes de communication dans l'ensemble des êtres vivants (zoosémiotique) montre que les canaux utilisés sont extrêmements variés, toute forme de propagation d'énergie pouvant être utilisée. Les signes peuvent ainsi être visuels, vocaux, olfactifs, tactiles, thermiques, électriques, etc. Deuxième partie : Analyse de la communication animale a) L'exemple le plus classique, parce que l'un des plus élaborés, de « langage » animal est celui des abeilles, qui a été décrypté par Karl von Frisch (cf. Bées, their vision, chemical sensés and language, 1950). Celui-ci a montré que par ses « danses » une abeille est capable de signaler à ses congénères l'emplacement d'une source de nourriture en leur indiquant la direction et la distance de cette dernière par rapport à la ruche.

On ne vous demande pas si parler est le propre de l'homme, mais en quoi on peut l'affirmer.

•    Si l'on entend par « le propre de l'homme « ce qu'il y a de spécifique dans le langage humain, on pourra trouver des éléments de recherche dans le commentaire du sujet : « Comment distingueriez-vous le langage humain et la communication animales. •    Si l'on comprend par « le propre de l'homme « ce qui ferait la spécificité de l'être humain, on pourra se reporter au commentaire du sujet : « Le langage est-il le privilège de l'homme ? «. Il va de soi que ces deux « compréhensions « de l'énoncé ne sont nullement exclusives l'une de l'autre.

« Troisième partie : Spécificité du langage humain Dans un essai intitulé « Communication animale et langage humain », où il compare le langage des abeilles au langage humain, E.Benveniste note cependant qu'il existe des différences considérables et essentielles entre celui-ci et celui-là.

Il observe en effet : 1) « Que le message des abeilles consiste entièrement dans la danse, sans intervention d'un appareil "vocal", alors qu'il n'y a pas delangage sans voix.

» Que, en outre, « n'étant pas vocale, mais gestuelle, la communication chez les abeilles s'effectue nécessairementdans des conditions qui permettent une perception visuelle, sous l'éclairage du jour ; elle ne peut avoir lieu dans l'obscurité.

Le langagehumain ne connaît pas cette limitation.

» Ces arguments ne nous paraissent pas décisifs, puisque, nous l'avons vu, certains animauxutilisent des signes vocaux, et qu'inversement des sourds-muets de naissance peuvent utiliser des langages sans voix. 2) Qu'une « différence capitale apparaît aussi dans la situation où la communication a lieu.

Le message des abeilles n'appelle aucuneréponse de l'entourage, sinon une certaine conduite, qui n'est pas une réponse.

Cela signifie que les abeilles ne connaissent pas ledialogue, qui est la condition du langage humain.

Nous parlons à d'autres qui parlent, telle est la réalité humaine.

Cela révèle unnouveau contraste.

Parce qu'il n'y a pas dialogue pour les abeilles, la communication se réfère seulement à une certaine donnéeobjective.

Il ne peut y avoir de communication relative à une donnée « linguistique » ; déjà parce qu'il n'y a pas de réponse, laréponse étant une réaction linguistique à une manifestation linguistique ; mais aussi en ce sens que le message d'une abeille ne peutêtre reproduit par une autre qui n'aurait pas vu elle-même les choses que la première annonce.

(...) On voit la différence avec lelangage humain, où, dans le dialogue, la référence à l'expérience objective et la réaction à la manifestation linguistique s'entremêlentlibrement et à l'infini ».

Cette absence de véritable dialogue dans la communication animale, liée à cette impossibilité de retrouverl'expérience objective de l'émetteur à travers son message, nous semble en effet être fondamentale.

Car même si certains animauxsont susceptibles de reproduire un message, ce message n'est jamais pour eux une représentation de l'expérience, mais toujours unmessage-signal qui n'appelle que des réponses actives, c'est-à-dire des comportements déterminés.

Le signe, chez l'animal, est donctoujours un signal-stimulus ; chez l'homme, en revanche, il est un symbole.

En d'autre termes, comme le souligne R.

Ruyer dansL'Animal, l'homme, la fonction symbolique, « le pas décisif vers l'humanité est franchi lorsque le signal-stimulus devient signe-symbole,c'est-à-dire lorsqu'il est compris non plus comme annonçant ou indiquant un objet ou une situation voisine ou prochaine, mais commepouvant être utilisé en lui-même, pour concevoir l'objet même en l'absence de cet objet » (p.

94).

Car comprendre un signe comme unsignal, instinctivement ou après un conditionnement, « n'est pas du tout le comprendre comme symbole.

Au contraire, la fonction-signal bouche la fonction symbole » (p.

98).

Ainsi H.

Keller, aveugle et sourde de naissance, lorsqu'elle comprit ce qu'était le langage,c'est-à-dire qu'on pouvait associer un nom à un être, et que ce nom représentait cet être, connaissait pourtant déjà 21 « mots » qu'onlui épelait dans le creux de sa main, mais qu'elle prenait pour des signaux : le mot « water » (eau) annonçait l'eau, il ne la symbolisaitpas, tout comme la sonnette annonce pour le chien de Pavlov la nourriture, mais ne la représente pas.

Il appartient donc seulement aulangage humain, ainsi que le note Benveniste, de pouvoir « procurer un substitut de l'expérience apte à être transmis sans fin dans letemps et l'espace, ce qui est le propre de notre symbolisme et le fondement de la tradition linguistique ». 3) Que « si nous considérons maintenant le contenu du message, il sera facile d'observer qu'il se rapporte toujours et seulement à unedonnée, la nourriture, et que les seules variantes qu'il comporte sont relatives à des données spatiales.

Le contraste est évident avecl'illimité des contenus du langage humain ».En effet, même s'il apparaît que chez d'autres espèces animales les contenus des messages peuvent être plus variés, unecaractéristique du comportement de signalisation des animaux, soulignée par les éthologistes, est le nombre limité de ces contenus etle caractère stéréotypé des messages.

En outre, les comportements de communication sont spécifiques à chaque espèce ou à chaquegenre, et ils ne peuvent être modifiés qu'à un degré très limité par l'apprentissage, par l'isolation de l'animal ou par son insertion dansla compagnie d'animaux d'une autre espèce.

En revanche, le langage humain est entièrement acquis et conventionnel, etcomplètement dépendant du milieu socioculturel. 4) Enfin Benveniste observe que « le message des abeilles ne se laisse pas analyser.

Nous n'y pouvons voir qu'un contenu global, laseule différence étant liée à la position spatiale de l'objet relaté.

Mais il est impossible de décomposer ce contenu en ses élémentsformateurs, en ses « morphèmes », de manière à faire correspondre chacun de ces morphèmes à un élément de l'énoncé.

Le langagehumain se caractérise justement par là ».On a pu nuancer la thèse de Benveniste en faisant remarquer que l'on trouve des rudiments de syntaxe chez certains animaux commeles primates.

Cependant il reste vrai, et ceci est fondamental, que seules les langues humaines possèdent une double articulation :— Toute langue, en effet, se compose d'unités douées d'un contenu sémantique (signifié) et d'une expression phonique (signifiant) quel'on nomme « morphèmes ».

Ces morphèmes ne correspondent pas exactement aux « mots », puisque dans l'énoncé : [il parla] nousavons deux mots mais trois morphèmes : [il] [parl] [a] ; [a] étant bien une unité significative.

(Première articulation).— L'expression phonique se compose elle-même d'unités distinctives et successives appelées phonèmes.

Ainsi le morphème [il] secompose de deux phonèmes [i] et [l].

Ces phonèmes sont en nombre déterminé dans chaque langue, mais ils varient d'une langue àune autre.

(Deuxième articulation.)Cette double articulation du langage fait de ce dernier un système ouvert autorisant un nombre illimité de combinaisons permettantpratiquement de tout dire avec une grande économie de moyens. conclusion L'homme n'est pas le seul être qui communique avec ses semblables, mais il est le seul qui possède un véritable langage, et non unsimple code de signaux tel que nous en rencontrons dans le monde animal et qui se caractérise par « la fixité du contenu, l'invariabilitédu message, le rapport à une seule situation, la nature indécomposable de l'énoncé, sa transmission unilatérale » (Benveniste).

Carseul le langage humain est un langage symbolique, langage ouvert qui lui permet de se représenter l'univers et donc de le penser.C'est pourquoi « le langage-en-tant-que-système-symbolique, permettant les conceptions et les pensées "inactuelles", est à la foisl'instrument et la marque du niveau humain » (R.

Ruyer, p.

95), au point que l'on peut avancer que « la spécificité de l'homme n'estpas dans la vie sociale, ni même dans le langage comme signalisation ou communication ; elle est dans l'emploi du langage, non pourparler à..., mais pour parler de...

» (id., p.

261).. »

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