Ernst Jünger, le maître du temps

Après la guerre, Jünger va reprendre ses voyages et ses livres. Peu à peu, il laisse le récit poétique et le roman pour l’essai et la poursuite de son Journal. Les titres s’égrènent au fil des destinations lointaines : Traité du rebelle (1951), le Mur du temps (1959), Approches, drogues et ivresses (1970). En 1982, il reçoit le prix Gœthe de la ville de Francfort, la plus haute distinction littéraire outre-Rhin. En Allemagne, il fait désormais figure de vieux sage. François Mitterrand ira le voir en hélicoptère, dans sa Forêt-Noire, lors d’une visite officielle en Allemagne en 1985.

Avec l’âge, ce promeneur solitaire à qui l’on doit de beaux romans s’est reporté sur la réflexion, l’aphorisme, le fragment. Dans les Ciseaux, l’un de ses derniers livres, traduit en 1993, il nous entretient de la vision, du don de double vue qui, selon lui, explique le monde. Ce thème n’est bien sûr qu’un

L'écrivain allemand Ernst Jünger (1895-1998) était devenu un personnage hors catégorie et presque hors du temps. Témoin de la Grande Guerre, il souhaita l'émergence de la révolution nationale en Europe tout en critiquant la barbarie nazie dans son chef-d’œuvre Sur les falaises de marbre. Chasseur de papillons et grand voyageur, il ne cessa de s’interroger, dans ses romans, essais ou autobiographies, sur le destin du monde. Sa mort, à l’âge de 102 ans, a permis de le classer parmi les grands auteurs de ce siècle.